Les éléphants perdus

Le bisontin René de Angelis a décroché le premier rôle dans « Les éléphants perdus » de Claude Andrieux projeté en avant-première régionale dans le cinéma restauré de Baume-les-Dames. Salle comble pour cette séance exceptionnelle.

elephants

 Dès les premiers plans, le décor est planté. Nous sommes en Islande. Pas l’Islande des cartes postales aux couleurs vives ocre, rouille ou verte des paysages volcaniques. Pas l’Islande des geysers, du Lagon bleu et autres attrape-touristes. Juste l’Islande des routes rectilignes avec d’un côté les fjords et de l’autre la montagne. « Je voulais réaliser un huis-clos en pleine nature » explique Claude Andrieux le réalisateur.

A l’image, l’Islande de la lande déserte, sombre et aride. Des cailloux. Des plages de laves noires où s’égarent de rares mouettes blanches. La grande solitude des terres pareille à celle que l’on porte en soi.

La route et l’intime

Cette route-là, à l’écart de toute habitation est le seul lieu de la fiction. Une voiture roule. Au volant, Mickey (René de Angelis), un homme au regard clair, et, avec lui, Maxime (Johan Andrieux), jeune homme aux yeux bleus Des rapports tendus comme il en existe entre père et fils. Fausse piste pourtant. L’homme est un chauffeur routier au chômage : Il doit accompagner le jeune homme à une audition en Islande ; celui-ci joue de la contrebasse et rêve d’être remarqué par Björk lors d’une audition sauvage devant la maison de la chanteuse. « Le titre initial Looking for Björk expliquait aussi le réalisateur a été abandonné parce que les droits pour utiliser le nom de la chanteuse se montaient à 600 000 euros ».

Les élephants perdus est road movie, doublé d’un récit initiatique. On ne compte pas les prises de gueules entre Mickey et Maxime dans l’habitacle de la voiture ou à terre sur la lande dénudée façon paysages de western, jusqu’à cet ultime instant de réconciliation où les deux hommes s’étreignent avant la séparation. Quelques échappées poétiques à l’instar de la séquence où Maxime joue de la contrebasse devant une cascade rafraichissent le propos où l’errance des personnages affleure chaque plan.

Des histoires d’hommes et de mélancolie

Parfois le film prend l’allure d’un polar drolatique avec des personnages un peu loufoques engagés dans une poursuite, un curieux jeu de pistes dont on suit les détours ludiques et fantaisistes. Une jeune autostoppeuse cleptomane s’invite dans la voiture, elle-même poursuivie par un vieil italien.

Pourquoi ?

Chaque personnage porte en lui ses brisures. Mickey sa séparation évoquée par la voix off de sa femme et la mort de son gosse figurée par son attachement viscéral à un nounours. Maxime, le désamour d’un père, riche industriel préférant le savoir loin de lui plutôt que lui prodiguer de la tendresse. Le vieil italien attaché à un poisson rouge, seul héritage d’une mère disparue il y peu.

Et si le réalisateur préfère ne pas répondre à la question de la mélancolie hasardée par un spectateur, il est pourtant question dans le film de personnages arrachés à leur propre vie, de leur traversée du désert et au-delà peut-être, de la possibilité d’un nouveau départ. D’une lueur entre deux nuages sombres.

Film de route et de déroute, de désert et d’absence, de galères et de silence, Les éléphants perdus s’étire entre stations services et rares croisements dans une sorte de jeu où chaque personnage essaie de retrouver son identité, son trajet intime. Primé au Fairhope festival aux Etats-Unis et au festival des films du monde de Montréal (Canada) Il est accueilli principalement dans les salles art et essai.

René de Angelis dans le rôle principal

René de Angelis acteur franc-comtois convié au tournage était dans la salle. Pourquoi René ? demande un spectateur alors que la question brûle toutes les lèvres : «J’avais écrit ce scénario il y a longtemps. Entre temps, Olivier Gourmet pressenti était devenu professionnel et n’avait pas accepté le rôle. Il se trouve que René avait été remarqué par Jean Guillaud directeur de la photographie et co-scénariste » précise Claude Andrieux.

Le regard bleu de René fait penser à celui de Jacques Villeret dans « Passe Montagne ». Sa stature correspond à l’image d’un père pas très loin de la tendresse dont manque Maxime et tout près de la mélancolie d’un homme cabossé. Son jeu plus abrupt que celui des autres personnages donne de la couleur au film et, peu importe si la maladresse d’un premier rôle apparaît de temps à autre, le cinéma bénéficie aujourd’hui de plus en plus de la présence de non professionnels à l’instar des jurassiens de « Passe-Montagne » (film culte). Les non professionnels apportent une véracité aux films, un corps non façonné par la mécanique de l’acteur et surtout du réel. René de Angelis est terrien, franc-comtois par son accent et reproche-t-on aux personnages de Guédiguian, leur accent méridional ? 

Alors Pourquoi René ? Parce que derrière sa présence il incarne à la fois, la force et la fragilité, la dureté et la plus grande tendresse.

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