Les armes des forces de l’ordre accusés de l’Acte XVII à Besançon

Environ 500 personnes ont participé au défilé des gilets jaunes du 9 mars après qu'un rassemblement ait mis en scène les blessures des épisodes précédents. Au retour, un commandant de gendarmerie enlève son casque après des palabres avec les manifestants... 

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Le thème de cet acte 17 des gilets jaunes, ce samedi 9 mars, était largement axé autour de la dénonciation des répressions notamment physiques, un nombre et une gravité inédits de blessures ayant été enregistrées dans le cadre de ce mouvement social. Le professeur Laurent Thinès, chef du service neurologie au C.H.U. Jean-Minjoz, auteur d’une pétition retentissante qui réunit actuellement déjà près de 170.000 soutiens, est, avec les « blouses blanches » et « gilets jaunes », à l’initiative de ce rassemblement. Rendez-vous était donné à 13 h place de la Révolution, avec atelier maquillage afin de grimer une bonne centaine de personnes. Ils sont plus de 500 au rendez-vous, dont certains aves un œil bandé, une plaie béante au visage, des points de suture sur le haut du crâne…

Une large banderole est déployée sur la fontaine des Eaux d’Arcier : « stop L.b.D. - G.L.I.-F.4 – mutilations. » D’autres participants tiennent fièrement une pancarte « j’ai signé. » L'allocution de Laurent Thinès débute l’action symbolique préparée. En tant que médecin, « ayant prêté serment », il dit son dégoût et sa colère de la situation, énumérant la longue liste des victimes, notamment basée sur le travail du journaliste David Dufresne, mais aussi les cas plus anciens depuis les années 1990. Plusieurs groupes se forment et s’assoient sur le devant, ne se redressant petit à petit que lorsqu’ils y sont invités : « traumatisés crâniens, éborgnés, décédés levés-vous ! » avant que tous ne retombent au sol « morts et invisibles. »

Un « coup » dont aucun média ne rate les développements, participant ainsi, enfin, à médiatiser cette réalité pendant longtemps au mieux tacite. Le chirurgien est longuement applaudi, il reçoit plusieurs poignées de mains chaleureuses, et même des accolades. Pour beaucoup, son initiative était capitale pour enfin reconnaître la situation. Noël Ledeur, syndicaliste à Solidaires, prend ensuite la parole. Elle insiste sur le contexte répressif global, passé par l’état d’urgence, les dispositifs de fichage, la loi dite anti-casseur qu'elle rebaptise « loi anti-manifestants », les gilets jaunes particulièrement pris pour cible comme Frédéric Vuillaume. D’autres abondent et closent l’événement, Norbert, militant, récitant la fameuse tirade de Don Helder Camara sur la violence.

Un cortège clairsemé

Le traditionnel départ en manifestation débute peu après 15h, avec en tête de cortège Laurent Thinès et Frédéric Vuillaume portant une banderole contre les mutilations. La pluie est de la partie, le trajet incertain. Après Battant et l’entrée rue de Dole, l’objectif de Micropolis est avancé avec un détour par la maison d’arrêt de la Butte pour soutenir les « prisonniers politiques ». Un large cordon de gendarmes mobiles interdira tout franchissement, et après un face-à-face tendu, les participants repartent pantois. Au loin rue du Caporal Peugeot, la rue de Dole apparaît impraticable, barrée par la Police nationale. Le cortège bifurque alors rue du Polygone, avant un retour surprise au centre-ville par le pont Charles-de-Gaulle.

Cette modification ne se fera pas sans critiques, d’autant plus que c’est dès lors un véritable parcours du combattant qui attend les gilets jaunes. Bloqués à l’entrée du pont à 16 h 15, ils doivent prendre de petites ruelles adjacentes pour poursuivre. La plupart décide de partir, quand les autres s’étendent sur un mince filet de plusieurs centaines de mètres. A chaque contournement après de longues batailles, rebelote : la City, pont Canot, rue Antide Janvier, Battant, et finalement enfin Préfecture à 17 h 15, toujours le même menu. Les derniers manifestants discutent alors avec les gendarmes dont certains évoquent eux aussi leur malaise, voire un soutien aux revendications. A 17 h 55 le commandant enlève son casque, suivi par toute la compagnie. 18 h 30, la dispersion est complète.

Vers une diversification des actions ?

Deux grandes opérations s'étaient par ailleurs déroulées au préalable dans la semaine, afin de décliner et pérenniser le mouvement sur d’autres créneaux. Ainsi mercredi 6 mars, la troisième journée « péage gratuit » était organisée au C.H.U. Jean-Minjoz. Dans une ambiance bon enfant et en l’absence de forces de l’ordre, les gilets jaunes ont ainsi fait bénéficier les patients et visiteurs d’une gratuité totale qui n’existe désormais plus au-delà d’une heure de stationnement. Vendredi 8 au centre commercial Chalezeule, une trentaine de participants a cette fois trouvé les rideaux baissés et les gendarmes à leur arrivée avant même toute tentative d’action ; une dispersion aux lacrymogènes et une interpellation pour un refus de contrôle d’identité plus tard, tous finissent par repartir.

Alors qu’une baisse numérique accrue est soulignée depuis plusieurs éditions, les plus déterminés cherchent ainsi à occuper de nouveaux terrains. Parfois, non sans débats internes. Ainsi, concernant Chalezeule, outre le tournant sécuritaire, un observateur n’hésite pas à évoquer des carences aussi graves. Alors qu’à Minjoz ou Révolution les pancartes et affiches ne manquaient pas d’exposer les choses, ici il n’existait aucun balisage. Ouvrir d’autres fronts, comme le proposent certains, c’est aussi s’organiser en amont, avec le risque de tentatives contre-productives. « Est-ce un blocage économique, un tractage en soutien aux salariés du Carrefour ? Dans ce second cas il faudrait mieux l’exprimer, vis-à-vis des concernés et du public », entend-on par exemple.

 

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