L’enchantement d’un paradis perdu à l’écran…

« Et pour un fils d’ouvrier ce sera déjà pas mal », film d’Antoine Page sur le cirque Plume est à l’affiche à Besançon. Il réveille la mémoire d’un petit cirque de bord de route devenu au fil du temps, un pionnier du nouveau cirque…

 « Et pour un fils d’ouvrier ce sera déjà pas mal ou l’aventure du cirque Plume » film documentaire d’Antoine Page a fait salle comble vendredi 26 novembre à Besançon. Le film est présenté à raison d’une séance par jour en décembre au Cinéma Victor Hugo et dans de nombreuses villes en France.

Antoine Page réalisateur de documentaires connait bien l’histoire du Cirque Plume et celle des membres fondateurs.

Filmer les pionniers de cette incroyable aventure est un travail de longue haleine s’étalant sur plusieurs années. Qui sont-ils ces copains, qui au début des années 80, se lancent dans l’aventure circassienne avec un chapiteau de quatre sous et quelques numéros de jonglage improvisés ? Par quels chemins sont-ils rapidement devenus l’emblème du nouveau cirque poétique ? Quelle était leur vie sur les routes du monde à l’épreuve d’instants parfois chaotiques et portés par un profond désir d’être ensemble et de créer des spectacles ?

Amour, jonglage et falbalas

« Existe-t-il une différence entre filmer un GAEC ou la vie d’un cirque ? » se plait à dire ironiquement Piotr, à l’origine de l’aventure.  Pas si ironiquement quand on connait l’impact des documentaires comme moyens de renseigner le monde.  Tout dépend comment le réalisateur capte la réalité.

On le sait, la réalisation d’un documentaire est une aventure hors-normes où le temps est le meilleur allié. Et si le film d’Antoine Page nous touche, c’est justement parce qu’il nous entraîne au cœur et au creux de l’aventure, avec ses poussées utopiques, l’évocation des problèmes de pouvoir et la transformation d’un petit cirque en grande entreprise de renommée internationale. Que s’est-il passé durant toutes ces années de vies au bord des routes de villages ou sur les parvis des grandes métropoles ? La vie est passée comme un rêve semblent nous dire les protagonistes de l’aventure. La vie, la leur, s’est déroulée à toute vitesse et un jour, il a fallu arrêter les spectacles, Covid et âge obligent. « Quand on aime, il faut partir », dit le poète Blaise Cendrars. Jamais cette phrase n’aura autant de sens.

Au-delà de la nostalgie

Chaque personnage - car Antoine Page a le don d’en faire des personnages de fiction - est interviewé. Et le montage - sans les questions - construit une mosaïque de destins avec des épisodes rieurs ou graves, que la nostalgie ne parvient pas à contaminer. Car le cirque, comme la plupart des arts, se conjugue au présent. Et au présent, Piotr se relaxe dans un jardin et dévoile l’incongruité de l’aventure ; la cuisinière de la troupe évoque malicieusement son travail ; Bernard, créateur des spectacles, s’étonne encore de la durée de l’aventure au regard des rentrées financières : « A la fin de chaque spectacle quand tout le monde était payé, il ne restait plus d’argent : il fallait de nouveau se lancer dans une création sans savoir si celle-ci marcherait. » Si aujourd’hui, Brigitte la fildefériste poursuit son chemin artistique avec un spectacle intitulé « Matcha, la petite poule verte », à l’image Michèle la musicienne se risque sur les sentiers buissonniers de l’émotion.

Au fil du temps, certains ont quitté la troupe. Jacques, est parti et revenu vingt ans plus tard.

Lors du débat, la joie est évoquée comme une constante de l’aventure : On cite Spinoza : « La joie est le passage de l’homme d’une moindre à une grande perfection. »

Eloge de la joie, de l’éclosion poétique des couleurs, de l’étonnant mouvement d’un monde à naitre, le cirque Plume s’est inventé au fil des années. Quelle était la philosophie de la joyeuse troupe, ou pour être moins prétentieux, la petite musique des Plume ? « Au fond, on avait envie de faire un spectacle de poésie du cirque. La poésie est utopique. C’était notre but, réussir échange lumineux et vivant entre un spectacle et des spectateurs de tous les milieux sociaux», ajoute Bernard.

Antoine Page a réalisé ce film en toute indépendance avec un vrai sens de la narration, empruntant des images de spectacles ou du film de Christophe de Ponfilly « Les Plume font leur cirque », redonnant à cette expérience la légèreté d’un rêve.

Ce film hommage est une révérence silencieuse à ces années de rires, de fantaisies augurées par cette bande de copains, tout à la fois musiciens, acrobates, techniciens, artistes.

Le chapiteau jaune posé dans un coin de notre mémoire se réveille avec le film, comme une escale, un moment d’éternité arraché à la routine, un rêve où un violoniste volant tutoierait la lune. Un envol entre ciel et terre où s’accroche encore toute la beauté possible du monde.

Le film redonne à l’aventure, ce sentiment de rêve et qui sait, de l’enchantement rêve, la douceur vivace d’un paradis perdu

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