L’égalité des droits expliquée aux lycéens bisontins

Cinquante ans après l'assassinat de Martin Luther King, le mouvement anti-raciste est plus que jamais mobilisé aux USA. A Besançon, SOS-Racisme vient d'organiser au centre Mandela de Planoise une exposition sur le pasteur et la lutte des Noirs américains pour l'égalité des droits. Support pédagogique précieux, elle sera en novembre à la maison de quartier de Montrapon.

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Sur la photographie datée du 23 mars 1956, un groupe d'hommes entoure Martin Luther King qui sourit. Paul Schmitt demande à la dizaine d'adolescents qui regardent l'image : « à votre avis, pourquoi sourit-il ? » Les jeunes n'ont pas lu la légende et donnent leur langue au chat. Paul poursuit : « Parce qu'il sort encore une fois de prison... »

Photo suivante : des jeunes Noirs montent des escaliers, escortés de militaires en armes. Les visages des jeunes visiteurs de l'expo sont interrogateurs, graves. Paul décrypte l'image : « C'est la première fois qu'ils peuvent entrer dans un lycée jusque là réservé aux Blancs... Hors champs, des suprémacistes Blancs se préparent à les lyncher... Vous savez ce que ça veut dire suprémacistes ? »

Une jeune fille se lance : « par supériorité ? » Il y a de ça, sauf qu'ils se croient, se vivent comme supérieurs... « Le suprémacisme ne dépend pas de la couleur de la peau, mais de la manière de penser », précise Paul. Il évoque les suprémacistes blancs du  Ku Klux Klan, de leur violence, notamment meurtrière. Ajoute : « il y a aussi un suprémacisme noir, qui pense pareil, mais à l'inverse... »

Face à cette violence, Martin Luther King a prôné la non-violence. « Savez-vous de qui elle vient ? », interroge-t-il. La réponse - Gandhi - est connue de plusieurs jeunes, des élèves de seconde du lycée de la Sainte-Famille. Ils sont venus avec leur professeur d'histoire-géo, Kadir Yildirim. « On travaille régulièrement avec SOS-Racisme qui nous a prévenus de la tenue de l'exposition », explique-t-il. « Cette classe est la cinquième de l'établissement à la visiter... Ça nous permet de travailler sur les thèmes de l'inégalité, de l'injustice, de sensibiliser les élèves aux droits et aux valeurs ».

Au total, une douzaine de classes auront effectué une visite commentée par Paul Schmitt, ancien prof au CLA et animateur du comité bisontin d'SOS-Racisme. La discrimination, il explique qu'il y a été confronté dès son entrée en sixième. Métis, il est issu d'un couple mixte et a subi des insultes telle que « face de citron vert », la mise à l'écart : « la France était raciste à l'époque, aucun élève ne me parlait... » Parmi son auditoire, dont les origines sont visiblement diverses, on saisit immédiatement. Il ajoute : « même sous forme de plaisanterie, ça peut faire mal... »

« Blancs seulement, interdit aux animaux »

Conçue par le président national de l'association, Dominique Sopo, l'exposition est une sélection d'images légendées et contextualisées. Certaines sont connues, d'autres moins. Toutes sont chargées de sens, témoignent de la bataille pour les droits civiques, de la victoire juridique et politique avec la signature du Civil Right Act le 2 juillet 1964 par le président Lyndon Johnson, neuf ans après la fameuse affaire Rosa Parks, cette femme qui refusa en 1955 de céder sa place à un Blanc dans un bus. Sa condamnation à une amende déclencha un boycott de la compagnie de bus lancée par Martin Luther King. La résistance non violente est née. Elle débouche un an plus tard sur l'abolition de la ségrégation dans les transports...

Mais elle demeurait ailleurs, comme dans les magasins. Ce qu'illustre la photo d'un Noir nettoyant une vitrine portant un panneau « Blancs seulement, interdit aux animaux ». Des images rappellent que c'est une mobilisation de masse, multiforme, qui fit avancer la cause de l'égalité des droits. On voit ainsi un bus loué par des militants Noirs et Blancs effectuant une tournée de concerts anti-racistes, parfois accueillis par le Ku Kux Klan. L'armée américaine est mobilisée pour protéger la tournée.

L'expo montre des étapes de la Grande Marche de 1963 sur Washington, les policiers blancs lâchant leurs chiens sur les enfants noirs... Paul Schmitt fait un parallèle avec le 17 octobre 1961 à Paris quand au moins 200 Algériens manifestant contre le couvre-feu les touchant, périrent, certains « noyés par balle »... Le militant d'SOS-Racisme signale la plaque commémorative figurant à Besançon sur une pile du pont Battant.

Ancienne prof d'anglais au collège Voltaire, Christine Oudry-Henrioud encadre également la visite. Cette Planoisienne, militante dans l'association PARI, a rejoint SOS-Racisme il y a un an. Elle propose un prolongement aux lycéens : « comment résister aux agressions ». Un garçon suggère de ne pas de laisser faire, de répliquer. « Par l'entrainement », répond Paul, « pensez-vous que ce serait utile d'apprendre à rester cool ? » Cela laisse perplexe un autre garçon : « Est-ce vraiment faisable ? » Une jeune fille parait fataliste : « il y en a qui n'e font qu'à leur tête ». Une autre renchérit : « même quand on ne provoque pas, ils le font... » Paul conclut, un peu ancien combattant : « en mai 68, on s'était entraîné à ne pas répondre quand la police nous tabassait... »

« A chaque génération de faire ses efforts... »

Les mots sont là, les réflexions viendront sans doute plus tard. La visite se poursuit. On est le 28 août 1963 et la grande marche « pour l'emploi et la liberté » est arrivée à Washington. Martin Luther King prononce son fameux discours I have a dream dans lequel il dit notamment « Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu’à ce qu’on ait accordé au peuple Noir ses droits de citoyen ».

Kadir Yildirim s'empare du texte et en lit quelques lignes : « Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. » Christine Oudry-Henrioud dit son émotion : « je l'ai lu cinquante fois, je pleure à chaque fois... » Paul cite quant à lui ce petit bout d'un sermon prononcé quelques mois avant sa mort par King : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »

La non violence ne résout pas tout en un instant ou quelques années. Ce n'est pas le tout de pouvoir s'asseoir dans le même bus que les Blancs, il reste à obtenir l'effectivité du droit de vote. Les méthodes de Martin Luther King sont contestées par des groupes qui le trouvent « trop cool ». C'est à l'occasion d'une visite à Memphis où il est venu soutenir la grève des éboueurs, qu'il est assassiné.

Les élèves veulent savoir qui l'a tué et pourquoi. Paul Schmitt a un ultime message : « le racisme ne disparaîtra peut-être jamais. C'est à chaque génération de faire ses efforts... »

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