Le réseau de chaleur : un système écolo, économe et compliqué

Comprendre la facturation du chauffage relève du décryptage d'une usine... à gaz. D'autant plus compliqué en raison de l'enchevêtrement des compétences, propriétés et mode de gestion...

Le schéma d'une réseau de chauffage.

Comprendre la facturation du chauffage quand on est desservi par le réseau de chaleur de Planoise demande de la concentration. Il faut aussi prendre le temps de lire les 28 pages du Guide de l'usager... A chacune des deux parties du réseau, primaire en amont et secondaire en aval des sous-stations envoyant l'eau chaude dans les immeubles, son mode de calcul, sa fiscalité, son gestionnaire... bien que celui du réseau primaire et celui du réseau secondaire soient des filiales distinctes de la même sous filiale de GDF-Suez, Cofely.

Et les rigueurs de l'hiver !

Le retour en régie publique du réseau de chaleur étudié en 2016
Le retour en gestion directe par la collectivité du réseau de chaleur de Planoise doit faire l'objet d'une étude avant la fin de la délégation de service public (DSP) à Cofely qui se termine fin 2018. Cela figure dans le programme de l'équipe municipale de Besançon à la demande des communistes et écologistes lors de la négociation pré-électorale, comme pour le réseau de transports publics et les parkings.
« Un bureau d'études sera mandaté fin 2015-début 2016 pour le réseau de chaleur », explique Christophe Lime (PCF), adjoint au maire. L'affaire est complexe car « l'usine d'incinération produit de la chaleur achetée par le réseau, complétée par des chaudières gaz, bois, charbon et fuel, plus une nouvelle bois-gaz... » Pour l'ancien adjoint Benoît Cypriani (EELV), « ce sera difficile de revenir à la régie car les compétences sont dans le privé : on n'achète pas du gaz comme de l'eau... »
Le retour des transports publics en régie sera une autre affaire car Ginko est du ressort de la Communauté d'agglomération : « ce sera plus dur », prévoit Christophe Lime en soulignant « la bonne implantation des services publics à Besançon qui fait qu'il n'y a pas d'appréhension des services techniques » sur le sujet. Très récemment, la Citadelle est revenue dans le giron public en repassant en régie le 1er juillet dernier après avoir été gérée par une société d'économie mixte (SEM). 

Les bailleurs tels que GBH, Habitat 25, la Saiemb, Néolia et les copropriétés reçoivent des factures de la SEVE qui revend la chaleur produite par l'incinérateur d'ordures ménagères et la chaudière bois, et des factures du gérant des sous-stations équipées de capteurs de calories. « La partie énergie de la facture est calculée par ces capteurs », explique un employé d'un organisme logeur. « Quand l'immeuble est réhabilité, la consommation diminue, mais elle dépend quand même des rigueurs de l'hiver. On fait donc des ratios degré/jour pour comparer ».

D'abord, on ne paie pas les mêmes produits. D'une part il y a l'énergie dont le tarif varie avec la source, d'autre part il y a l'abonnement qui dépend de la surface à chauffer ou de la puissance demandée, et est sensé amortir et maintenir le réseau en état. Jusque là, vous suivez. Ça se complique parce que le réseau se subdivise en un réseau primaire allant de la chaudière aux sous-stations avec une TVA à 5,5%, un réseau secondaire allant des sous-stations aux radiateurs d'un ou plusieurs immeubles avec une TVA à 10%. On a donc, non pas une facturation globale pour le réseau, mais une quote-part du réseau primaire qui dessert tout le monde, et une quote-part du réseau secondaire.

Difficile cependant de savoir ce qui relève vraiment de l'entretien du réseau primaire ou du réseau secondaire. « Le gros problème de la facturation du réseau de chaleur, ce n'est pas le réseau primaire, mais le réseau secondaire », explique Benoît Cypriani, ancien adjoint au maire, dont le parti (EELV) a réclamé, ainsi que le PCF, une régie publique dont la perspective qui doit être « mise à l'étude » durant le mandat en cours.

Abonnement différent pour écoles, CHU, gymnases...

Benoît Cypriani : « Le réseau de chaleur est la seule façon de passer d'un coup 20.000 habitants en énergies renouvellables »
« C'est moins polluant d'avoir une grosse chaudière que mille petites. Le réseau de chaleur est la seule façon de passer d'un coup 20.000 habitants en énergies renouvellables », explique Benoît Cypriani qui en est un farouche défenseur. IL est bien obligé de constater que le procédé ne fait pas florès en France où il chauffe 5% de la population, contre 15% en Allemagne et 80% en Scandinavie. Il s'appuie notamment sur une enquête Amorce, effectuée en 2009 pour le syndicat national du chauffage urbain, comparant les différents modes de chauffage selon les types d'énergie (voir les illustrations). On y vérifie notamment que le chauffage électrique est un des pires choix...
Reste que le réseau de chaleur doit faire avec le bâti existant : « l'équilibrage est compliqué et dépend de la construction, c'est pour ça que des gens ont froid. Il faudrait deux réseaux secondaires indépendants : un au nord, un au sud... Il y a aussi les personnes âgées qui veulent 22° ou 25°. Et certains immeubles ont des aérations mal faites qui nécessitent une température plus élevée pour éviter les problèmes de conduction ».
Benoît Cypriani aurait trouvé « logique » que le réseau de Planoise soit étendu au quartier Laffayette et estime que « lorsqu'on créé un quartier, il faut en profiter pour créer un réseau de chaleur et l'étendre alentour... » 

Autre complication pour la compréhension du système : l'usine d'incinération des ordures ménagère appartient à la communauté d'agglomération, le réseau de chaleur. Tout cela n'explique pas pourquoi la facture énergétique des habitants ne baisse pas après une réhabilitation ayant amélioré l'isolation du logement.

Pour commencer à entrevoir une possibilité d'explication, il faut regarder une dernière complication de la facturation : historiquement, la part de l'abonnement des logements est calculée différemment de l'abonnement des locaux collectifs que sont les écoles, gymnases ou CHU. Comme le calcul de l'abonnement des logements est sous-estimé, et que la rénovation conduit à appliquer le coût réel, la conséquence est l'absence de réduction significative des factures de chauffage des habitants. Autrement dit, ils n'auraient pas payé le juste coût durant des années. L'isolation va leur permettre de le contenir.

Les habitants chauffés par réseau de chaleur souffrent enfin d'une inégalité de traitement : « quand un bailleur remplace une chaudière à Palente, il en fait porter la charge sur l'ensemble des loyers de son parc. Alors que lorsqu'on remplace quelque chose sur le réseau de chaleur, il n'est répercuté que sur Planoise », explique Benoît Cypriani.

La direction de GBH, que nous avons sollicitée à deux reprises, a retourné nos appels le 19 novembre, uniquement sur la question des réhabilitations, pas sur la problématique chauffage. 

 

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