Dans un entretien à L'Humanité (pour abonnés), le psychanalyste et philosophe Roland Gori, évoque les effets du confinement sur les personnes et interpèle le vocabulaire choisi pour décrire quelques unes des précautions préconisées. Il critique ainsi l'usage de l'expression « distanciation sociale » qu'il juge « inappropriée et maladroite. Bien au contraire, il convient d’inviter à la proximité et à la solidarité sociales, tout en exigeant une "distanciation physique". Il ne s’agit pas de se replier individuellement mais au contraire de mettre à profit ce temps suspendu pour être affectivement et socialement ensemble. »
Il pointe également le risque d’« infobésité » qui « provient de l’avalanche d’informations non triées, non expliquées, contradictoires et sans hiérarchisation. C’est la catastrophe des médias/spectacles, qui livrent une information qui n’a de valeur qu’au moment où elle émerge et produit ce symptôme des "sociétés du spectacle" (Guy Debord), où " le vrai n’est plus qu’un moment du faux" ».
Il pose aussi quelques questions cruciales suggérées par l'allocution présidentielle du 16 mars : « Si nous sommes en "guerre" (sept fois répété), pourquoi est-ce que ceux qui sont au front n’ont pas de munitions ? Qu’est-ce qui fait que le gouvernement n’a pas sanctionné cet état-major pitoyable qui a oublié de nous préparer à une guerre annoncée ? Pourquoi ne sanctionne-t-on pas plus sérieusement les arnaqueurs et les pilleurs qui tentent de profiter de la situation ? »… « j’essaie de montrer la légèreté d’une communication qui employant ce terme de "guerre" n’en tire pas les conséquences. En psychopathologie, cela s’appelle "une parole à responsabilité limitée" ».
Initiateur en 2008 de l'Appel des appels qui visait à la fédération des professionnels de différents secteurs du service public (éducation, justice, santé, culture) et fut signé par 80.000 personnes, auteur de nombreux ouvrages, Roland Gori a notamment écrit en 2013 La Fabrique des imposteurs (éditions Les Liens qui libèrent). A voir ici et là.