Le jeune cinéma féminin du Maghreb

A l’affiche, « Adam », de la Marocaine Maryam Touzani, et « Un divan à Tunis », de la franco-tunisienne Manele Labidi. En dénonçant subtilement le patriarcat et la place de la femme dans la société, les deux réalisatrices proposent une réappropriation de l’identité féminine et la libération de la parole.

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« Adam » premier long-métrage de la Marocaine Maryam Touzani en sélection officielle à Cannes en 2019 a remporté de nombreux prix dans des festivals internationaux. Samia, une femme non mariée, enceinte, vit dans la rue et cherche un endroit pour dormir dans la Médina de Casablanca. Abla, pâtissière, l’invite pour une nuit, et lui demande de partir le lendemain à l’aube, car elle a peur d’avoir des problèmes en l’accueillant. Après de grandes hésitations, elle finit par accepter qu’elle reste là et lui donne des coups de main, en réalisant de nouvelles recettes de pâtisserie.

D’emblée le film accueille deux destins douloureux, celui d’une veuve seule avec un enfant, et celui d’une jeune femme enceinte mise au ban de la société. Des deux côtés la souffrance. Peu à peu le film s’ouvre vers des possibles, laissant loin derrière lui la société patriarcale, le jugement et les tabous.

Samia insiste pour que Abla écoute une musique de l’époque où elle dansait avec son mari. La séquence passe de la violence du refus aux larmes de libération. La caméra capte le changement entre la réticence et la sensualité libérée. Par ailleurs Samia voudrait donner son bébé à l’adoption sachant à quel point les enfants nés hors mariage subissent le rejet de la société. Abla l’aide à se réapproprier son corps de mère et à accepter l’enfant.

Avec des plans rapprochés d’une grande beauté, le film chemine en regardant avec attention les vies difficiles de ces deux femmes dans une lumière tout en demi-teinte façon clair-obscur. Le film suggère sans doute que la fin du patriarcat commence, là où la solidarité entre femmes se renforce.

Parler de l’intime

Après avoir réalisé en 2018, « Une chambre à moi », court-métrage librement inspiré de « Une chambre à soi » un essai de Virginia Wolf, Manele Labidi écrit et réalise son premier long-métrage « Un divan à Tunis ». Elle réaffirme son goût pour la comédie nécessaire pour aborder les sujets les plus sérieux.

Une jeune psychanalyste (Golshifteh Faragani) formée en France débarque à Tunis pour créer son propre cabinet dans la banlieue sud, à Ez-Zhara. La voilà aux commandes d’un véhicule utilitaire pour déménager et faire ses démarches administratives. Elle installe son cabinet sur une terrasse ensoleillée. « Ici, on parle au salon de coiffure ou au hammam, pas chez un psy », dit un des personnages du film.

L’idée scénaristique permet à la réalisatrice de développer des situations cocasses à l’image des différentes rencontres avec une jeune fonctionnaire qui déjeune ou grignote des olives sur sa pile de dossiers et voudrait surtout lui vendre de la lingerie féminine !

Mais ne nous méprenons pas, le film a d’autres ambitions que de faire rire sur le décalage entre la psychanalyse parisienne et son application à Tunis. Mine de rien, la réalisatrice s’intéresse de près au désarroi de la société tunisienne après la Révolution.

Comment retrouver la parole ? Parler de l’intime n’est pas facile, suggère la réalisatrice et, dans la société tunisienne, ce n’est pas une évidence. Pourtant le film avance avec cette idée de liberté, de bouleversement sociétal dans un pays en reconstruction où parler de soi, c’est redéfinir son identité.

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