Environ 150 personnes ont rendu hommage aux victimes des attentats jeudi 19 novembre en début de soirée sur l'esplanade Jean Charbonnier, entre la médiathèque Nelson-Mandela et la maison de quartier de Planoise, à l'appel de l'association culturelle et d'éducation populaire Des Racines et des Feuilles. « A travers de ce qu'on a entendu de la part des adhérents, on ne pouvait pas rester silencieux. Il sont choqués et abasourdis devant ces actes innommablement violents », explique la présidente Amina Benaddi pendant que les gens arrivent peu à peu. Très vite, des bougies sont distribuées, allumées, protégées du vent et disposées au milieu du cercle humain qui se forme.
Amina Benaddi monte alors sur un tabouret et s'adresse à la petite foule : « Tout le monde ici condamne sans réserve et de façon absolue » les assassinats de Paris et Saint-Denis. « Ces actes sont le fruit de l'échec, de l'ignorance et du désoeuvrement. En janvier, c'était déjà une tragédie, là, c'est pire. Trop, c'est trop. Nos associations ont le devoir d'apprendre de ça. Tous ensemble, avec nos partenaires, nous devons transformer notre mission éducative pour construire des citoyens éclairés, défendre le principe de l'égalité, porter vers l'avant des modèles de réussite. La nature n'aime pas les espaces vides : quand il n'y a pas de culture, quand les gens ne sont pas occupés, ils n'ont pas l'opportunité de voir d'autres façons de vivre, de rendre les individus productifs dans la société. Ce rassemblement fait partie de notre mission éducative ».
« Continuez à crier que vous êtes Français comme tout le monde ici ! »
Les enfants entretiennent la flamme des bougies, l'écoute est attentive. L'ambiance n'est pas à l'abattement, mais à la résolution. L'heure est grave et les enjeux importants : « Ici, à Planoise et partout ailleurs, les citoyens sont porteurs de qualités humaines. Notre humanité refuse cette violence. Soyons responsables, acteurs de la paix, artisans du vivre ensemble ». Amina Benaddi laisse passer un temps, observe les gens, sourit, et poursuit: « Nous, citoyens, disons ceci : attention à ne pas tout mélanger, ne pas faire l'amalgame avec une situation intolérable. Les citoyens français de confession musulmane ne se reconnaissent pas dans ces attentats qui ont choqué le coeur de tous les Français. Il faut rester humains, lucides, ne pas tomber dans la suspicion... »
L'essentiel est dit. Applaudi. On peut passer au fondamental, au partage, à la poésie. Une jeune fille monte sur le tabouret et lit d'une voix claire La Ronde de Paul Fort : « Si toutes les filles du monde voulaient se donner la main... » Un garçon prend sa place et lit Liberté de Paul Eluard : «... Bien au dessus du silence /J'écris ton nom... » Chahrazed Mbarek, la coordinatrice de l'association insiste sur la nécessaire « implication des parents ». Animateur de soutien scolaire, Gilles lit un poème de son cru où il est question de liberté et de justice. Une jeune femme le remplace : « On est tous attérés, tous impliqués... S'il vous plait, attention aux amalgames, ce n'est pas mon identité, pas mon islam... » Magali Mallen ne connaissait pas l'association, elle prend le micro : « Continuez à crier que vous êtes Français comme tout le monde ici ».
Le cercle se défait. On parle en petits groupes. On se salue. Il est bientôt temps de rentrer...