Le Front de gauche en travaux pratiques

Roxane Mitralias, Syriza

Le forum du Front de gauche a réuni 85 militants samedi au Foyer des Oiseaux de Besançon pour débattre en petits groupes de « l'éco-socialisme » et écouter des témoins venus d'ailleurs sur des questions à forts enjeux. Ce n'est à l'évidence pas une rencontre pour rien tant les positions des différentes composantes peuvent diverger sur des points aussi importants que les transports, les grands travaux ou l'énergie. Maxime Guillemin, qui fut secrétaire de l'UD CGT du Doubs jusqu'il y a peu, employé EDF, est resté sur sa faim avec un débat sur le nucléaire où ceux qui veulent en sortir sont nombreux : « ça dépend à quoi on touche, je suis moi aussi favorable au mix énergétique... » Il est également mal à l'aise avec les opposants à l'aéroport de Notre Dame des Landes : « j'ai envie de leur dire qu'on a Tavaux... » 

Emmanuel Girod, secrétaire du Parti de gauche du Doubs, membre du bureau national du PG : « Il faut une cohérence politique »
A entendre les participants au forum, on constate des contradictions, par exemple sur le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes...
« Nous ne sommes pas d'accord sur tout, que ce soit Notre Dame des Landes ou l'énergie. On apprend à régler ça par la discussion? le PC évolue... »
L'affaire Cahuzac est-elle dans tous les esprits ?
« Elle va aider le PC à réfléchir à ses alliances avec le PS. Il faut refuser les compromis pourris. Les Verts sont par exemple écartelés sur Notre Dame des Landes... »
Aux élections partielles, la gauche, y compris le Front de gauche sortent laminés...
« C'est surtout le PS solférinien, intégré au système oligarchique de la 5e République qui est laminé. Ont-ils changé quoi que ce soit à la présidentialisation ? Ils ne changeront pas le système. »
Même Arnaud Montebourg ?
« Il s'est rallié dès les primaires à Hollande. Il est encore dans la posture de gauche, comme beaucoup au PS, y compris Barbara Romagnan. Elle vote les budgets après avoir fait des réunions contre l'austérité. Les gens en ont marre : il faut une cohérence politique. »
Des comptes en Suisse, il y en a au Front de gauche ou au Parti de gauche ?
« Non ! On est dans la république et on paie nos impôts. »
Tout cela discrédite la politique en général, non ?
« D'accord. Il faut que les citoyens regardent ceux qui sont cohérents politiquement. Si nous appelons à une grande marche, le 5 mai à Paris, pour la 6e République, c'est que nous ne sommes pas dans le "tous pourris". »
Comment vous préparez-vous ?
« On va organiser des trains, des bus, faire campagne... »

Cela ressemble fort à un ferment de division que Jean-Paul Henry, agriculteur dans le Haut-Doubs et militant de la Confédération paysanne, a bien saisi : « on est d'accord sur le fond, mais il y a beaucoup de discussions sur les avantages et les inconvénients de l'écologie. Il n'y a pas assez de lignes directrices, d'objectifs à court et moyen terme... ». Pour montrer sa bonne volonté environnementaliste, le PCF a fait venir Alain Pagano, membre du conseil national, mais surtout maître de conférences en écologie à l'université d'Angers, spécialiste des batraciens. Il est venu dire « en quoi l'écologie et la transformation sociale sont indissociables ». Il a aussi expliqué pourquoi il est « favorable à Notre Dame des Landes : ça répond à des besoins locaux en réduisant les nuisances sonores de 40.000 habitants, et il doit y avoir des mesures compensatoires... » Quant à l'impact sur les terres agricoles, « la question se pose pour tous les projets humains ».
La star du jour est sans conteste Roxane Mitralias, membre de la commission environnement de la section parisienne de Syriza, le parti de la gauche radicale grecque qui a supplanté le PS (PASOK) et échoué de quelques points à conquérir le pouvoir. Salariée de la Confédération paysanne, elle est venue dire « comment la crise économique impacte les questions environnementales. Dans les pays laboratoires de cette crise économique, il y a des attaques contre la nature, l'exploitation des populations et la dépossession des biens communs. En Grèce, il y a un programme de privatisation des terres publiques, forêts, plages, îles... et même des temples archéologiques. On privatise les services des eaux, cédés pour presque rien au privé, c'est pareil pour le traitement des déchets, les ressources minières, les énergies renouvelables... Il y a des luttes dont on parle peu ».
Gabriel Amard, président de l'association nationale des élus du Parti de gauche, est aussi venu parler de l'eau. Maire de Viry-Chatillon de 1995 à 2006, il préside la communauté d'agglomération des Lacs de l'Essonne et la régie publique de l'eau créée en 2011. « Il faut impliquer les usagers dans la définition des services publics, qu'ils soient représentés dans les assemblées en charge de l'eau et de l'assainissement, des déchets... Se pose alors la question des usages de l'eau. Nous avons ainsi supprimé l'abonnement des compteurs pour les usages domestiques et l'avons maintenu pour les usages professionnels, les entreprises peuvent déduire 60% de leurs charges en eau de leurs impôts... Nous avons surtout instauré la gratuité des trois premiers litres d'eau par jour et par personne, ce qui correspond à 3% de la consommation totale. Résultat, l'usage professionnel est moins cher que du temps de la gestion par Véolia, mais reste plus cher que l'usage domestique ». Comment cela se traduit-il pour une famille moyenne ? « Sur 120 m3, le prix TTC de l'eau et de l'assainissement est de 3,06 euros, contre 4,40 euros en moyenne sur le département de l'Essonne. Le gain est de 37% par rapport à l'ancien prix. Nous avons aussi instauré une progressivité des tarifs qui touche les usages confort et luxe : plus on consomme, plus on paie. On a aussi installé vingt fontaines publiques d'eau potable... »
Au réfectoire, on déjeune par affinités politiques, mais on s'interpelle d'une table à l'autre. Les discussions vont bon train entre les adhérents d'un parti (PCF, PG, GA, Alternatifs) et les « non encartés », une spécialité du Front de gauche auquel ces derniers adhèrent sans pour autant prendre une carte : en quelque sorte des « adhérents directs », comme on disait autrefois à l'UDF... C'est la démarche unitaire qui intéresse ces militants de l'éducation populaire (Attac) ou syndicalistes, parfois conseillers municipaux. « On est une majorité de non encartés », dit Marie-Edith qui est membre du comité de Bregille, l'un des treize constitués sur l'agglomération bisontine.  

 

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