Qu’il semble loin le temps où LREM misait sur Besançon pour affermir son ancrage local. Dans l’une des rares villes actuellement dirigées par En Marche, c’est même carrément un fiasco. Éric Alauzet, député du Doubs à qui Besançon semblait acquise avant le début de la campagne, n’a obtenu que 18,9 % des voix le soir du 15 mars. Un camouflet. Surtout que dans la cité comtoise, historiquement très liée à la gauche, il est arrivé en troisième position, derrière la droite. Très amer, il s’interrogeait alors sur l’opportunité de maintenir sa candidature. S’il parle aujourd’hui d’une nouvelle élection, le cœur n’y est plus. Deux de ses colistiers ont même appelé le 9 juin à voter pour le candidat LR, qui engrange les soutiens dans la dernière ligne droite de cette triangulaire où la liste emmenée par EELV et soutenue par le PS, le PCF et Génération.s fait toujours figure de favorite.
Pour LREM, l’affaire s’engage mal dès le départ et le parti se déchire au moment des investitures. Éric Alauzet, sur la scène politique bisontine depuis 30 ans, apparait pour une majorité de militants locaux comme le candidat naturel et le seul en mesure de l’emporter. Membre des Verts, Éric Alauzet a été élu député en 2012 dans le cadre d’une alliance avec le PS. Il rejoint le groupe « socialiste écologiste républicain » à l’assemblée en 2016, tout en conservant sa carte à EELV. Dénonçant les dérives gauchisantes de EELV et du PS, il n’apportera pas un appui franc à Benoit Hamon, désigné candidat dans le cadre de la primaire citoyenne de 2017. Il n’assume sans doute encore alors pas vraiment son soutien à Emmanuel Macron, ce qu’il fera ouvertement pour le deuxième tour de la présidentielle. Il est réélu dans la foulée avec plus de 66 % des voix sous l’étiquette « majorité présidentielle ».
Au terme d’une séance serrée et très discutée, le bureau exécutif le choisit lui plutôt que sa rivale Alexandra Cordier, inconnue du grand public avec plutôt un profil technocrate. Elle a 37 ans, c’est la fille du président du directoire de Maty, bijoutier-joaillier très connu à Besançon. Plusieurs figures nationales l’avaient appuyé, dont Marlène Schiappa qui la soutenait, semble-t-il, surtout pour promouvoir une candidature de femme. Mais son véritable atout est local et se nomme Jean-Louis Fousseret, maire de la ville depuis 2001 élu sous l’étiquette PS et aujourd’hui LREM. Arrivée il y a 12 ans à son cabinet en tant que stagiaire, elle est devenue une conseillère influente et jusqu’à peu encore, en charge des relations presse.
LREM ne parvient pas à éviter la scission
Malgré plusieurs réunions de tentatives de rabibochages opérées par le siège du parti à l’automne dernier, LREM ne parviendra pas à éviter la scission. Alexandra Cordier choisit de maintenir sa candidature, persuadée d’incarner le renouveau prôné par son parti et parce que sa demande de briguer le poste de première adjointe a été refusé par l’équipe Alauzet. Celle qui était aussi la référente départementale LREM devient une dissidente et se fait exclure du parti. Cela n’a pas gêné Jean-Louis Fousseret, par ailleurs directeur de l’institut de formation de LREM chargé de former les futurs élus. L’actuelle maire figure sur sa liste à la dernière place.
Pour des raisons de cohérences évidentes, d’autres la suivent dans son départ. « Pourquoi Alexandra plutôt qu’Éric Alauzet ? Parce que moi en 2017, j’avais vu sur les affiches qu’il souhaitait être député à 100%, mais visiblement trop occupé par la campagne ne l’a plus fait depuis fin 2018. Pour moi c’était trop compliqué de défendre quelqu’un qui voulait jouer sur les deux tableaux », témoigne un de ces soutiens qui a un peu pris ses distances. Mais il n’y a pas de miracle. La liste dissidente n’obtient que 4,5 % des voix.
Ce soir d’élections très particulier, Éric Alauzet dénonce « un sabotage local ». Il accuse plus qu’à demi-mot le maire, avec qui il est en froid depuis déjà quelques années, d’être responsable de la situation. « J’ai travaillé pendant 20 ans avec Jean-Louis Fousseret. C’était une évidence pour beaucoup qu’il allait me soutenir », dit-il avec l’amer gout de la défaite. Jean-Louis Fousseret rétorque. « Que chacun balaie devant sa porte. Il n’est jamais venu me parler de ses ambitions municipales ni de ce qu’il voulait faire pour cette ville. Je l’ai attendu en vain. Il a déclaré dans la presse que l’ère Fousseret était terminée, on peut comprendre qu’il ne souhaitait pas discuter. »
« Plus écologiste que LREM »
Un argument dérisoire nous dit aujourd’hui Éric Alauzet, qui ne souhaite guère s’épancher sur la situation locale calamiteuse du parti. Les commentaires viendront après les élections. Voudrait-il se démarquer du parti ? Certains en son sein se demandent en tout cas s’il y restera jusqu’en 2022. Il avait voté contre le CETA et s’était déclaré « plus écologiste que LREM ». L’étiquette lui semble en tout cas difficile à porter. « Les gens me connaissent, je suis ce que je suis, un écologiste qui veut apporter l'écologie à d'autres partis politiques, qui veut que l'écologie se diffuse dans toute la sphère politique, sinon on n’y arrivera pas ». Il ne démord pas de sa ligne, qui a évolué d’une écologie politique, « ni de gauche, ni de droite » à aujourd’hui « et de droite et de gauche ». Il tient sans cesse à rappeler son engagement à sortir l’écologie de « là où on veut l’enfermer, sinon on n’y arrivera pas ».
Mais sa ligne centriste ne parvient pas à rassembler. Le 18 juin, Alexandra Cordier annonçait même son ralliement à Ludovic Fagaut, ce qui a vraiment du mal à passer au sein de LREM. « Alors qu’elle prônait une liste sans étiquette, elle s’allie avec la tendance Ciotti-Wauquiez, la plus sectaire du parti Les Républicains », indique Pascal Curie, président du groupe LREM à Besançon. Car contrairement à d’autres villes, pas question pour LREM, avec sa tendance locale plutôt écolo de centre-gauche de faire alliance à Besançon avec la droite, surtout celle incarnée par Ludovic Fagaut qui manifestait contre le mariage pour tous.
Mais qu’en est-il du maire qui appartient toujours au groupe LREM au conseil municipal ? Soutient-il encore sa candidate après son ralliement à un candidat qui a combattu dans l’opposition toutes les politiques qu’il a mené ? Ce serait alors une fin de mandat, et de carrière, pour le moins rocambolesque, du même acabit que le destin politique de Gérard Collomb, passé du PS à LREM avant de s’allier à la droite. Toutes les options seraient sur la table se dit-il dans son entourage. Même celle de ne pas prendre position en se déclarant au-dessus de la mêlée ? « S’il dit ça c’est un soutien. Dès lors que sa tête de liste a pris une position, ça voudra dire que qui ne dit rien consent », affirme Éric Alauzet. De quoi donner le tournis aux électeurs.