Le cinéma d’animation s’empare des questions de société

Au Festival International de Film d’Animation d’Annecy, les œuvres déploient un trésor d’imagination pour parler des problèmes monde. Le Palmarès rend hommage au jeune cinéma d’animation français… Il y a aussi notre coup de coeur, Buñuel après l’Âge d’or, de l’Espagnol Salvador Simó, des adaptations de romans, comme La Fameuse invasion des ours en Sicile, de Lorenzo Mattoti (adaptation de Dino Buzzatti, ci-contre), et bien d'autres…

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Le Festival d’Annecy est ludique. Savoir faire des avions en papier en est la marque, le signe tangible de l’engouement du public. Avant la projection il faut faire planer son avion jusqu’à ce qu’il touche la scène ou mieux encore, l’écran. Il s’agit d’une tradition provoquant une salve d’applaudissements dans la salle suivie d’une hilarité générale.

C’est dire combien la jeunesse est au cœur du Festival devenu au fil des années une manifestation incontournable pour cinéphiles. Tout aussi drôle, la bande annonce peuplée d’animaux fantaisistes est scandée par tous à chaque séance.

Les longs-métrages

En compétition cette année le film J’ai perdu mon corps (adaptation du livre Happy Hand de Guillaume Laurant) fut ovationné par le même public jeune à l’affût de l’originalité, de la rareté, du graphisme original et du sens profond du film : comment être soi-même quand on a perdu une main. Récompensé à Cannes par le Grand Prix de la semaine de la critique, il a reçu le Cristal du meilleur long-métrage du festival d’animation d’Annecy et le Prix du Public.

Le premier long métrage de Jérémy Clapin rassemble deux histoires ; celle d’une main, - échappée d’un hôpital à Paris, - à la recherche de son propriétaire, et celle de Naoufel, livreur de pizzas amputé d’une main. « Dans mon film, c’est la main qui parle. C’est elle qui nous fait voyager », expliquait le réalisateur.

La main cherche son corps dans un parcours semé d’embûches. Elle s’accroche à une fenêtre, attrape un oiseau, se prend les pieds dans une boite de conserve, se perd dans le métro, se couvre de fourmis, se fait mordre par un rat et tout cela avec un sens du geste (sans jeu de mot), une vraie approche du fantastique et des possibilités poétiques de mise en scène. On pense à Rubber, excellent film de Quentin Dupieux dans lequel un pneu télépathe devient tueur en série. On l’aura compris, J’ai perdu mon corps signe le renouveau du cinéma français incarné par quatre longs-métrages en compétition (soit 40 % de la sélection). La Fameuse invasion des ours en Sicile, de Lorenzo Mattoti (adaptation de Dino Buzzatti), L’extraordinaire voyage de Marona, d’Anca Damian, et Les Hirondelles de Kaboul Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mevellec (adaptation du livre de Yasmina Khadra) dont nous reparlerons.

Courts métrages

Les courts-métrages français en compétition se taillent également la part belle dans le palmarès puisque le film Mémorable du rennais Bruno Collet a obtenu le Prix du public et le Cristal du court métrage. Fabriqué à partir de marionnettes animées et d’effets spéciaux en 3D, le film montre la vie d’un artiste peintre atteint de la maladie d’Alzheimer. « Je suis tombé sur les tableaux de l’artiste William Utermohlen. Pour la première fois je voyais des autoportraits d’un malade qui dessine son visage jusqu’à son hospitalisation », expliquait le réalisateur.

Le Têtard a reçu le prix FIPRESCI (Prix de la critique internationale). Une petite fille s’acharne à dire à son petit frère qu’il n’est pas un garçon et ressemble à un têtard jusqu’au moment où celui-ci plonge dans une mare et se transforme en… têtard. Le réalisateur montre de manière radicale comment une projection sur un individu finit par ne pas l’aider à se développer mais le conforte à devenir ce qu’il n’est pas. Soutenus par la Région Bretagne, via la Production A perte de vue, ces deux films prouvent désormais la grande vitalité du cinéma d’animation français.

Filles et garçons dans l’animation

On constate que le cinéma d’animation s’empare de plus en plus des questions de sociétés et des questions politiques. A Annecy, alors que les stéréotypes de genre sont enfin discutés, un débat organisé par le CNC avait pour thème : comment mettre en scène les critères du masculin, du féminin et leurs interactions ? Comment le partage d’une réalité, de valeurs et d’objectifs communs peut engendrer une cohabitation plus équilibrée dans le futur ? L’analyse de la place des personnages dans les films d’animation renvoie aussi à la construction de certains mangas stéréotypés et conçus pour un public d'adolescents avec des codes très enfantins à l’instar du film Ride Your Wave de Masaaki Yuasa.

L’édition 2019 du Festival enregistre un nouveau record de fréquentation avec 12.300 personnes accréditées (dont 400 presse) contre 11.700 l’an dernier, se sont félicités les organisateurs. Cette édition était dédiée au Japon. L’an prochain le 44e Festival d’Annecy mettra à l’honneur l’animation du continent africain.

 

 



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