Le cinéma a 125 ans : Premières projections et premiers tournages à Besançon

Alors que les frères Lumière se passionnent pour de nouvelles inventions, par un beau jour de printemps, la première projection a lieu en 1896 à Besançon au Square Saint-Amour. Et dès 1908, des caméras tournent de petites scènes de fiction. Premiers films, premiers truquages puisque le cinéma permet désormais de regonfler un homme passé sous un rouleau compresseur avec une pompe à vélo !

Par un bel après-midi de printemps, le 6 mai 1896, à la Maison Savoye, une vaste demeure bourgeoise située 7, clos Saint Amour, les Bisontins découvrent les images animées.

La Dépêche du 8 mai fait l’éloge de cette curieuse machine reproduisant si bien le mouvement : « Il est véritablement merveilleux de voir ces vues de boulevards parisiens : les omnibus et les voitures passent, se croisent, les piétons vont, viennent, etc. Il est aussi très curieux de voir les adorables effets de vagues à l’arrivée d’un canot sur le sable de la plage. Cette nouvelle application de la photographie excite un enthousiasme justifié. »

Affiche Aauzolle Marcellin

Quelques jours plus tard, le 13 mai, entre deux articles sur le nouveau conseil municipal et les vaccinations animales, le journal La Franche-Comté explique cette nouvelle invention : « Il ne manque plus que l’adaptation à cet appareil de la photographie en couleurs et du phonographe parleur pour donner la reproduction exacte de la vie… Nous avons assisté à une de ces séances au cours de laquelle, on nous a fait voir le départ et l’arrivée d’un train en gare, l’abordage d’un bateau de pêche, les quais de Paris avec le mouvement de la population et des voitures prises sur le vif, la place et l’avenue de l’Opéra… »

Comme partout ailleurs les premiers spectateurs reculaient devant l’arrivée du train…

Les premiers tours de manivelle

Alors que le cinéma cherche en vain à émettre des sons, vingt-trois ans après la réalisation des premières bandes des opérateurs Lumière, la ville de Besançon se transforme en lieu de tournage sous l’œil ébahi des passants. Dans un article intitulé « Drames, comédies et fééries du Cinématographe », la Dépêche Républicaine du 29 juillet 1908 relate sur deux colonnes ce nouvel événement.

Eugène Tavernier, l’auteur de l’article, souligne « l’étonnement des bisontins à la découverte de personnages d’autrefois à Tarragnoz, au pied de la Citadelle, à Mazagran, près de la rue du Cingle et dans l’ancien immeuble de la Sainte Famille. » Il écrit encore : « Monsieur Decroix, publiciste, avec une petite troupe d’artistes et un opérateur cinématographique, est chargé par la maison Pathé de composer, faire exécuter et reproduire de petites pièces qui bientôt seront représentées dans le monde entier et y exciteront la pitié ou la joie, feront verser des torrents de larmes ou éclater des cascades de rires. »

L’article très documenté explique comment Monsieur Decroix utilise certains lieux de la ville pour raconter une histoire d’amour : une bohémienne séduit un jeune garde français par ses chansons. A son retour, le garçon tombe dans un guet-apens et, suite à une bagarre tue un homme. Il doit être jugé. La cour martiale va être reconstituée dans un immeuble pittoresque « appartenant jusqu’à ces derniers temps à la Sainte Famille et qui ressemble à un palais fortifié ».

« Notre pays offre une collection précieuse de paysages ravissants »

Eugène Tavernier ajoute : « Monsieur Decroix  a su découvrir d’un coup d’œil avisé les plus beaux endroits pour y dérouler ces petits drames. Notre pays offre une collection précieuse de paysages ravissants qu’il n’a pas négligés. Aussi est-il allé à Arcier et se propose-t-il de visiter la Vallée de la Loue et sans doute aussi Salins et Arbois. »

C’est la première fois qu’un journal local consacre autant de place au cinéma. L’article très vivant décrit ensuite les trucages susceptibles de transformer une sorcière en « ravissante fée », mais aussi de regonfler un homme passé sous un rouleau compresseur avec une pompe à vélo !

Le style est imagé avec des extraits de dialogue : « voici un jeune homme qui descend un chemin en lacets à travers les vignes. Il donne les marques du plus vif chagrin, fait entendre de véritables sanglots et tombe affalé sur une pierre en disant : « C’est fini. Elle en aime un autre ! Jamais elle ne sera ma femme ! Moi qui n’aimais qu’elle ! Ma vie est brisée. » Mais voici un bon curé de campagne qui descend le même sentier en lisant son bréviaire. La suite montre comment le curé parvient à le consoler.

Parallèlement à ces saynètes tournées dans les rues de Besançon, la Maison Pathé écrit à la Municipalité en 1909 afin d’être avertie de « tout ce qui peut intéresser le cinématographe et le Pathé Journal (faits divers importants, fête originale, événements imprévus, etc.). »

Grâce aux actualités (le Pathé-Journal, Gaumont-Actualités, Aubert-Magazine), le cinéma poursuit sa conquête du monde : présentées en première partie du programme, elles précèdent l’entracte réservé à des spectacles de music-hall où jongleurs, prestidigitateurs, acrobates font leur numéro avant les drames et comédies de la deuxième partie.

Les inventions des frères Lumière

Un jour, Louis Lumière tapote sur un éventail et prend conscience de l’acoustique : il vient d’inventer le haut-parleur et vend son brevet à la Gramophone Company. C’est le premier haut-parleur adaptable au phonographe et à la radio.

Il a effectué des recherches pour le cinéma en relief mais hélas ce procédé n’a jamais pu être utilisé sans le port de lunettes spéciales. Il l’a donc abandonné et mis au point la photo-stéréo synthèse qui fut employée en radiologie.

En 1903, Louis Lumière dépose un brevet pour la plaque autochrome restituant la couleur grâce à une étonnante prouesse technique à base de fécule de pommes de terre. Ce premier procédé de photographie couleurs sera mis en vente à partir de 1907.

La même année, Auguste crée une société de brevet qui lance la revue « L’Avenir Médical ». Il devient écrivain scientifique. Inlassablement les frères Lumière poursuivent leurs recherches dans les domaines les plus divers : pendant la guerre de 1914-1918, alors que Louis Lumière invente une prothèse, sorte de main articulée en forme de pince, Auguste expérimente le « tulle gras Lumière » pour soigner les grands brûlés. 

A la même période, Louis invente le réchauffeur catalytique, appelé procédé « Thermix » : ce système permet, - grâce au réchauffement de l’huile -, d’éviter les conséquences du gel empêchant l’envol des avions en hiver.

Louis dans le domaine des images, et Auguste spécialisé dans la recherche médicale (le rôle des vitamines dans la nutrition, la tuberculose, la vaccination par voie buccale, le traitement du tétanos et du cancer), poursuivent leurs travaux jusqu’à la fin de leur vie.

Cet article est constitué d’extraits du livre « Histoires du cinéma à Besançon co-écrit par Michèle Tatu et Denis Bepoix (Editions ERTI).

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !