On se demandait combien de temps la vingtaine de demandeurs d'asile pris en charge mercredi 7 février par le 115 allaient pouvoir dormir au chaud. La levée du plan grand froid, lundi 12 par la préfecture du Doubs, a changé la donne pour une partie des ces personnes qui dormaient auparavant sous les tentes du campement de fortune du parking d'Arènes à Besançon. D'origine bosniaque, la famille Z, cinq enfants dont trois en bas âge, a ainsi dû quitter l'asile de nuit de Montbéliard où elle avait été envoyée après avoir dormi au campement d'Arènes depuis son arrivée le 14 janvier. Un jeune couple attendant un bébé, hébergé à Pontarlier, est dans la même situation. En revanche, deux autres familles hébergées à l'hôtel devraient garder leur chambre jusqu'au 19 février...
C'est peu dire que la famille Z a reçu la nouvelle comme une mortification après avoir vécu un drôle de quiproquo. Dès son arrivée à Besançon, il y a près d'un mois, elle avait obtenu un rendez-vous pour jeudi 8 février à la préfecture dans le cadre de la procédure de demande d'asile. Elle était donc revenue de Montbéliard, avec le billet le train qui lui avait été délivré. Mais à son arrivée à la préfecture, elle apprend que le rendez-vous est repoussé. Pour la préfecture, contactée par Solmiré, la famille Z avait été prévenue du report, le billet de retour devant ne servir que lundi 12 après la dernière nuit d'hébergement. Selon une autre version, le 115 leur aurait dit de rappeler, ce qu'ils n'ont pas fait. Les Z, qui ne parlent pas français, tombent des nues.
Avec cinq enfants en asile de nuit pour SDF...
Le plus contrariant, c'est qu'ils n'avaient vendredi pas de billet pour retourner à Montbéliard. Ils débarquent donc au Bol d'R, épuisés, meurtris. La mère pleure, le père fait grise mine, les enfants ne se rendent pas bien compte. Un compatriote vivant à Besançon, rencontré en ville, propose de les héberger quelques nuits. Dilemme : s'ils sortent du dispositif concocté par la préfecture, ils risquent de tout perdre, en particulier la procédure de demande d'asile...
Grâce aux dons de Solmiré, ils retournent à l'asile de nuit de Montbéliard. Mais l'établissement est conçu pour accueillir des personnes seules sans domicile, pas des familles de migrants avec enfants. Les Z vivent assez mal de devoir quitter les lieux dès 8 heures du matin et ne pouvoir rentrer que le soir, d'autant qu'il n'y a pas d'accueil de jour continu à Montbéliard comme c'est le cas à Besançon.
Ce lundi 12 février, les revoilà donc à Besançon. Le compatriote les héberge pour la nuit. Mais après ? « On va réinstaller les tentes », soupire Noëlle Ledeur, bénévole à Solmiré... Vendredi 9, la ville avait envoyé une entreprise pour démanteler le camp. « Les employés municipaux ont refusé de venir, et ceux de l'entreprise, pas chauds pour ce sale boulot, n'ont pas voulu le faire devant les caméras », explique-t-elle.
Une dizaine de « candidats » au campement...
Lundi après-midi, ils étaient plusieurs à nettoyer le site avec la famille de L, M et leurs enfants, et un jeune couple. Ils ont coupé du bois, refait du feu dans l'un des deux poêles pour se réchauffer tout en profitant du rayon de soleil. Une dizaine de personnes sont « candidates » au campement...
Du coup, se repose forcément la question de leur accueil en journée. Pourront-elles aller à la Boutique Jeanne-Antide de la Grande rue dont l'accès dépend de la réunion hebdomadaire du vendredi en préfecture ? Mystère. Si ce n'est pas le cas, l'opportunité d'une alternative, proposée par le Bol d'R, est à nouveau sur la table. La question sera fatalement dans les esprits lors de l'audience de ce mardi 13 janvier à 9 h 30 devant le tribunal de grande instance de Besançon où l'association Solmiré est assignée en référé-expulsion par la Saiemb, société d'économie mixte filiale de la Ville.
Ce chaleureux lieu joue sa pérennité devant les juges. Des militants ont équipé d'une salle de bains et de toilettes, où ils ont installé une cuisinière et de la vaisselle, un lave-linge et un tapis de jeu pour les enfants. Est-il nécessaire, indispensable, utile ? Assurément, explique l'association en invoquant l'urgence, les laissés pour compte du dispositif officiel, un œil sur la controversée politique gouvernementale à laquelle collent le maire et son entourage. Non, expliquait à la presse la première adjointe le 30 janvier.
« Un enfant qui ne joue pas, c'est un enfant qui va mal... »
Ce faisant, elle illustrait la prétention des institutions au monopole de la gestion d'une problématique qui mobilise des citoyens au point de risquer de se mettre hors-la-loi pour voir appliquer quelques principes de base des droits humains. Le squat de la rue Denfert-Rochereau, créé par des jeunes militants pour mettre à l'abri des migrants, a été rendu à son propriétaire et les militants condamnés à débourser, frais de procédure compris, près de 3000 euros. Quelle que soit la vérité judiciaire à propos du Bol d'R, elle ne pourra cacher une réalité humaine qu'il ne sert à rien de refuser de voir.
Ludothécaire de profession, Christine faisait, jeudi dernier, du tri dans les jeux donnés par des habitants : « Le jeu est un support important pour les enfants, permet l'échange. Le jeu est sérieux, vital. Un enfant qui ne joue pas, c'est un enfant qui va mal. Le jeu permet de rejouer des situations vécues, de les sortir de soi, de ne pas les garder en soi comme pathologiques... Je jette aussi les jeux cassés : quand t'as un parcours de vie cassé, c'est pas bon les jeux cassés... Il faut oublier les puzzles, s'il manque une pièce c'est fichu... »