Laurent Croizier (MoDem) : « avec François Bayrou, on n’avait pas envisagé une candidature Fillon »

Co-coordinateur de la campagne d'Alain Juppé pour le Doubs avec Alain Loriguet (LR), Laurent Croizier veut encore expliquer aux électeurs de François Fillon en quoi « certaines mesures de son programme ne sont pas applicables ».

l-croizier

Comment analysez-vous le premier tour de la primaire ?

La participation démontre que la France est en attente d'un vrai débat politique. La concentration des votes sur trois candidats s'est fait par rapport à la conception que se font les citoyens de la stature d'homme d'Etat. Les deux qui restent ont la stature, mais le score de François Fillon est une surprise...

Sauf pour lui, disent ses soutiens...

C'est de l'affichage. D'après plusieurs témoins, il était aussi surpris que tout le monde. J'ai du mal à croire que sa seule dynamique soit l'explication. Il est probable que le vote anti-Sarkozy se soit porté sur lui.

Un vote anti-Sarkozy de droite donc ?

Oui. C'est un vrai camouflet, et fort heureusement. Je suis ravi de constater que pour les électeurs de droite et du centre, un président qui a échoué ne puisse pas revenir aux affaires.

Il y a aussi les casseroles...

Quand on parle d'échec, c'est à tous points de vue. Les gens aspirent à une autre conception de la vie politique, d'autres rapports entre les personnes. Il s'est trompé de thème principal de campagne.

Le second tour est-il le combat entre une droite chiraquienne et une droite thatchérienne ?

Économiquement, les deux programmes sont relativement proches. La principale différence, c'est la place du curseur. Tous les deux sont pour l'allègement du nombre de fonctionnaires : 250.000 pour Juppé, 500.000 pour Fillon, pour une hausse de la TVA de 1% pour Juppé, 2% pour Fillon, une baisse des dépenses publiques de 75 à 100 milliards pour Juppé, de 100 milliards pour Fillon... Si on reprend le quinquennat 2007-2012, Sarkozy et Fillon ont baissé le nombre de fonctionnaires de 150.000. Ça va donc être extrêmement chaud. On est pour travailler sur la rationalisation des emplois et il n'est pas illogique de diminuer le nombre de fonctionnaires, mais il faut garder une notion réaliste. Il faut garder des enseignants, je ne vois pas comment on va supprimer des infirmières, des juges ou des policiers. 500.000 en moins, ce n'est pas réaliste. Les analystes économiques montrent qu'après 5 ans, le déficit public serait de 4,8 points de PIB avec Fillon, et de 2,8 avec Juppé...

Chacun a ses experts... Et la politique de réduction des déficits à échoué...

Si on y va trop fort, l'économie est ralentie. La direction est bonne, mais il faut y aller avec pragmatisme plutôt que par idéologie. Il n'est par exemple pas question du supprimer la fonction publique de proximité dont tout le monde se plaint, à gauche et à droite... Je pense au monde rural qui a besoin, par exemple, d'une perception sans faire 50 km...

Les embauches de facteurs ne se font plus sous statut de fonctionnaire...

On peut supprimer des fonctionnaires sans supprimer des emplois : il peut y avoir transfert de la fonction publique vers le privé dès lors que ce n'est pas une fonction régalienne. A titre personnel, je serais très embêté par une privatisation de l'Éducation nationaleLaurent Croizier est professeur des écoles dans l'enseignement public !

Il n'y a pas que de l'économie dans les programmes...

C'est vrais, sur d'autres sujets, les différences sont plus marquées. En politique internationale, Alain Juppé est pour discuter avec la Russie, mais pas pour que Bachar El Assad reste un interlocuteur. C'est une grosse différence avec François Fillon qui est pour le maintien de Bachar dans la zone syrienne. Il y a des différences en matière européenne, Juppé est pour une Europe forte et ouverte, Fillon dans davantage de souveraineté nationale...

N'est-ce pas davantage compatible avec l'électorat FN ?

Je je ne rentre pas dans ces considérations... Il y a aussi les sujets sociétaux, la laïcité, l'IVG... François Fillon est soutenu par Sens commun, issu de la Manif pour tous : ce n'est pas n'importe que mouvement ! Ils sont très conservateurs.

Ça ne vous convient pas ?

Pas vraiment ! On peut avoir des positions fermes, attendre des ruptures pratiques, mais le faire sans être conservateur. Il y a plus de conservateurs traditionnels avec Fillon, plus d'ouverture et de modernité avec Juppé.

Les résultats de la primaire en Franche-Comté. Notez la seconde place de Sarkozy en Haute-Saône et dans le Territoire de Belfort, le bon résultat relatif de Bruno Le Maire en Haute-Saône où il était soutenu par Alain Chrétien, et à un degré moindre dans le Jura où il était soutenu par Jacques Pélissard et Clément Pernot.

Qu'allez-vous faire d'ici dimanche ?

On pense que tous les électeurs de François Fillon n'avaient pas connaissance de son programme. On va leur expliquer pourquoi certaines mesures ne sont pas applicables.

Ce sera une campagne de terrain ?

On va faire des tractages et des discussions sur les marchés, il y en a eu ce mardi matin à la fac, on fera quelques boîtages... Mais le débat de jeudi sera peut-être le plus important. François Fillon est favori, mais je n'exclue pas un revirement.

Tiendrez-vous des réunions ?

Non. On avait demandé un orateur national. On a eu Fabienne Keller pour le premier tour...

L'électorat de droite est partagé en Europe... On a vu des très conservateurs élus comme en Pologne...

On ne peut pas comparer d'un pays à l'autre. Les positions se radicalisent, la droite se droitise et la gauche se gauchise. Mais dans les urnes, c'est bien Nicolas Sarkozy qui était le plus à droite. Et on a eu une grosse participation des électeurs centristes...

Et aussi d'électeurs de gauche qui ont voulu éviter l'éventualité d'un second tour de la présidentielle entre l'extrême droite et la droite extrême, non ?

Ça compense ceux d'extrême droite. Et puis, qu'est-ce qu'un électeur de gauche ? Ce n'est pas parce qu'on vote à gauche qu'on est de gauche ! Je suis quand même troublé par des électeurs troublant le jeu. Moi, s'il ça n'avait pas été la primaire de la droite ET du centre, je ne serais pas allé voter. Et je n'irai pas voter à la primaire de la gauche.

Maintenant que la droite aura un candidat de droite mais pas de droite extrême, cela ne va-t-il pas clarifier le débat droite-gauche qui sera moins surplombé par l'extrême droite ?

J'ai entendu cette analyse, on peut la partager. Les conditions pour qu'il y ait un vrai débat de fond sont davantage réunies. On sera moins sur un débat de personnalités que sur un débat de projets. Il faut s'en réjouir. Après, qu'il y ait un vrai candidat de droite et un vrai candidat de gauche, le débat droite-gauche mérite d'être discuté. J'y rajoute le centre. Si Fillon est candidat, l'espace du centre va s'élargir. Quand j'étais en réunion avec François Bayrou, on n'avait pas évoqué l'éventualité d'une candidature Fillon !

Cette primaire aura-t-elle des conséquences locales ? Au dernier conseil municipal de Besançon, on vous a vu rester pour voter contre la motion du FN sur les migrants alors que vos partenaires quittaient le séance...

Le préalable à notre accord local, c'était qu'on n'était pas d'accord sur tout. Travailler ensemble ne remet pas en cause nos convictions. Il y a un vrai respect des différences entre nous. Et je ne me suis pas fait taper sur les doigts quand j'ai voté contre la motion du FN, ou pour avoir, il y a un an et demi, été favorable à l'accueil des réfugiés. A propos de la motion du FN, je n'exclue pas une instrumentalisation de la part du maire quand on voit son communiqué du lendemainCe communiqué disait la même chose que ce que Jean-Louis Fousseret avait dit en séance, ce pourquoi Factuel n'en a pas fait état..

Emmanuel Macron assure faire de la politique autrement...

Il y a beaucoup d'affichage. Si je lis son discours, il est proche de ma conception de l'action politique. mais il aurait pu le faire quand il était ministre. Ce qui oppose Macron et le MoDem, c'est aussi quels sont les lobbies derrière lui ? Depuis quelques semaines, il ne dit plus qu'il est de gauche... François Bayrou pense qu'il va se dégonfler. A l'inverse, je pense que c'est plus profond que ça.

Bayrou va-t-il soutenir Fillon ? Se présenter ?

Sans infléchissement de ses positions, ce serait difficile de soutenir François Fillon. Il avait un programme de primaire, il peut se passer beaucoup de choses d'ici l'élection... Après, François Fillon et François Bayrou s'entendent bien, viennent tous deux du monde rural, ils discutent, se parlent.

Il y aurait un programme pour les primaires différent du programme pour la présidentielle ?

Je distingue programme des primaires et programme présidentiel. Mais si on ne donne pas de perspectives aux gens du bas de l'échelle...

 

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