L’Amérique bienvenue à Deauville

Public masqué, sans stars mais avec aussi des films français, le Festival du cinéma américain a bravé la pandémie. « The Nest » de Sean Durkin est le grand gagnant de cette édition 2020.

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On retiendra du 46ème Festival du Cinéma américain de Deauville, qui s’est déroulé du 4 au 13 septembre, qu’il aura quand même pu se tenir en temps de pandémie alors que tant d’autres événements ont été annulés. Certes les spectateurs étaient masqués, la capacité des salles réduites dans le respect de la distanciation (38.000 spectateurs contre 60.000 habituellement), les habituelles stars américaines n’ont pu quitter leur continent, mais les invités présents ont pu se réjouir de présenter leur film dans une grande salle au maximum de sa contenance.

L’absence d’artistes « born in USA » a été palliée par la présence de célébrités françaises (dont Clémence Poésy, Noémie Merlant, Félix Moati, Maïwenn, Benoît Poelvoorde, Louis Garrel, Lucas Belvaux…), le festival normand a accueilli une dizaine de films sélectionnés par le Festival de Cannes, ainsi que trois longs-métrages d’animation du Festival d’Annecy, ce qui a donné l’occasion au public de frissonner avec un film de zombies (« Peninsula » de Yeon Song Ho) et un autre de loup-garou (« Teddy » de Ludovic et Zoran Boukherma).

On retiendra aussi qu’avec trois récompenses (Grand Prix, Révélation et Prix de la Critique) « The Nest », film de Sean Durkin, est le grand vainqueur de cette édition 2020 qui s’est efforcée une nouvelle fois de montrer « le meilleur du cinéma américain ». Un savant mélange entre grands films en avant-première et petits bijoux du cinéma indépendant américain présentés en compétition, ainsi que le rappelle le documentaire réalisé par Daphné Baiwir, « Deauville et le rêve américain ».

Grâce à de nombreux témoignages, ce film raconte d’abord comment la cité normande réputée pour ses planches, ses plages, ses parasols colorés, a décidé d’accueillir un événement international début septembre. L’ancien maire Michel d’Ornano et son épouse Anne, qui lui a succédé, regrettaient que leur ville ne soit connue que six semaines par an, pour ses courses de chevaux. Un festival du cinéma américain était une idée d’André Halimi, qui fut alors proposée à Lionel Chouchan. En 46 éditions, les fameuses planches ont ainsi attiré les plus grandes stars américaines, dès les premières années Gregory Peck, Kirk Douglas, Bette Davis, Elizabeth Taylor… et tant d’autres ensuite parmi les plus renommées et les plus mythiques.

Les oubliés du rêve américain

Malgré un générique prestigieux, Deauville a été considéré comme « une vitrine des grands blockbusters », présentant en avant-première des super-productions américaines ; mais cette cinématographie rêvée fascine et agace : en défenseur des oeuvres françaises, le mitterrandien ministre de la Culture Jack Lang avait même appelé au boycott du festival normand. Celui-ci a redoré son blason cinéphilique en créant une compétition réservée au cinéma américain indépendant, des films réalisés par de jeunes cinéastes (dont de nombreuses femmes) qui évoquent bien souvent une autre Amérique que celle des comédies sentimentales newyorkaises, celle des laissés-pour-compte, des oubliés du rêve américain.

« Thriller oppressant », « The Nest » de Sean Durkin (avec Carrie Coon et le beau Jude Law) a plutôt des nantis pour personnages, de riches Américains qui s’installent dans un manoir anglais. Mais c’est bien souvent l’Amérique du présent, en l’occurrence celle de Trump, qu’évoquent des cinéastes qui privilégient l’émotion au commercial, avec des anti-héros et des récits d’un quotidien difficile voire dramatique.

Egalement primé cette année, « The Assistant » de Kitty Green (Prix de la Mise en scène) raconte une dure journée au bureau d’une assistante à tout faire corvéable à merci dans une société de production de cinéma, aux ordres d’un patron abusif. « Lorelei » de Sabrina Doyle (Prix du Jury) narre les retrouvailles d’un ancien taulard et d’une mère de famille nombreuse aux fins de mois difficiles. Prix du Public, « Uncle Franck » de Alan Ball (créateur des séries « Six feet under » et « True Blood ») évoque l’homosexualité cachée par un prof à sa propre famille. Plus exotique dans le temps, « First Cow » de Kelly Reichardt (également Prix du Jury) est une sorte d’anti-western qui se déroule en 1820, deux trappeurs volent le lait d’une vache, pour en faire des gâteaux vendus aux chercheurs d’or. A Deauville, ce sont les bonnes histoires que recherchent et trouvent les heureux festivaliers.

 

 

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