« L’affaire Collini » réclame justice

Film de prétoire, Marco Kreuzpainter est un récit captivant sur l’Allemagne d’après-guerre et la dénazification ratée (sortie le 27 avril).

« Les morts ne veulent pas de vengeance », est-il dit dans « L’affaire Collini », un film du cinéaste allemand Marco Kreuzpainter, adapté d’un roman de Ferdinand von Schirach. Mais les vivants s’y font justice, tel ce geste en ouverture, le meurtre d’un homme dans un grand hôtel, par un autre qui tire trois balles puis va ensuite s’asseoir tranquillement dans le hall, lâchant juste une phrase : « Il est mort ». L’avocat commis d’office sur ce dossier, Caspar Leinen (joué par Elyas M’Barek), découvre un coupable silencieux, fermé, indifférent à son sort, Fabrizio Collini (interprété par le grand acteur Franco Nero), un vieil Italien impassible.

L’avocat découvre aussi qu’il connait très bien la victime, Hans Meyer, un magnat de l’industrie, patriarche d’une famille riche et honorable. Fils d’une mère d’origine turque, Caspar a grandi au sein de cette famille, doit sa réussite sociale à Hans Meyer, était l’ami du petit-fils de celui-ci et l’amoureux de sa petite-fille (la ravissante Alexandra Maria Lara), son amour de jeunesse avec qui il renoue. Coincé dans un dilemme personnel, devenu l’ennemi de cette famille aimée, il va pourtant faire de son mieux pour défendre l’accusé malgré son refus de parler, son obstination à fournir la moindre explication à son geste.

Pour sa première cour d’Assises, l’avocat débutant est d’abord maladroit, et manque d’éléments pour défendre son client ; entêté, il fait ses propres recherches, mène l’enquête jusqu’à découvrir et faire émerger la vérité. Hans Meyer n’était pas un homme irréprochable, c’était un ancien officier nazi, un criminel de guerre, qui a ordonné des actes ignobles en Italie. Projeté en avant-première aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer, « L’affaire Collini » est en partie un film de prétoire, c’est surtout un récit captivant sur l’Allemagne de l’après-guerre, sur comment les anciens nazis ont été protégés par la loi Dreher, votée en 1968, une amnistie déguisée qui a permis une prescription de leurs crimes. En faisant des allers-retours entre présent et passés (1944, années 80), le film raconte un scandale de l’histoire judiciaire allemande, la dénazification ratée, la mémoire d’un pays. « L’affaire Collini » réclame justice pour des crimes anciens et impunis, et évoque également l’Allemagne contemporaine à travers l’immigration et le poids des classes sociales. On oubliera juste un tout dernier plan, inutilement mélo.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !