La région face aux grands projets touristiques

Les dossiers des Center parcs et du village de vacances de Lamoura, présentés comme structurants, jouent les prolongations. L'appel d'offres lancé à l'automne pour une assistance juridique et technique sur les modalités de participation dans les projets de Pierre et vacances étant infructueux, il en fallu un second, attribué en mars. Quand au VVL, son sort passe par le tribunal de Lons-le-Saunier le 9 mai...

cp-picnoir

En votant son budget 2016, le conseil régional Bourgogne-Franche-Comté a inscrit 19 millions d'euros dans le « soutien aux grands projets touristiques structurants ». Outre la future Cité des vins de Beaune et l'accompagnement - peut-être la reprise - du village de vacances de Lamoura, il s'agit aussi de soutenir les projets de Center Parcs de Poligny et du Rousset « en tant que locomotives de l'attractivité touristique régionale ». Il est prévu de mettre 8 millions dans chacun des projets, précise Patrick Ayache, le vice-président en charge du tourisme.

Pour l'heure, une « mission d'analyse et d'assistance technique a été engagée afin de définir les modalités de participation de la région » aux projets du groupe Pierre et Vacances. C'est la défunte région de Franche-Comté qui l'avait lancée à l'automne dernier (voir ici) à l'occasion d'un appel d'offre national infructueux. Cela a conduit la nouvelle région à lancer un nouvel appel d'offres, européen cette fois, attribué conjointement le 11 mars dernier au cabinet d'avocats parisien Latournerie-Wolfrm, à la société de conseil Finance-Consult, et au sous-traitant Second Axe. « On a besoin d'eux pour sécuriser le montage juridico-financier », ajoute M. Ayache.

Le Pic noir reçu au conseil régional

Mardi 3 mai, il a reçu avec la présidente Marie-Guite Dufay et Karim Bouhassoun, membre du cabinet, une délégation du Pic noir et du Geai du Rousset qui s'opposent aux projets. « Ce sont des gens cordiaux avec des idées bien arrêtées. Nous avons conclu la réunion en nous disant que nous n'arriverions pas à nous convaincre, mais on s'est entendu », souligne le vice-président. « On a démenti des contrevérités sur le montage financier et la présidente s'est engagée à les tenir informés de la suite des deux opérations. Nous les recevrons dans deux ou trois mois quand on y verra plus clair ».

Les opposants ont pour leur part fait valoir les arguments, bien connus des lecteurs de Factuel.info, sur l'environnement, en particulier l'eau qui est, en l'état actuel des ressources, insuffisante pour le projet de Poligny. A telle enseigne que les recherches de nouveaux gisements dans le karst profond vont bon train, y compris sur des terrains privés sans autorisation, comme à Mirebel, sur le premier plateau, ce qui a contrarié son maire.

On verra si cette difficulté peut aller jusqu'à contrarier le projet, à constituer une « porte de sortie » pour Marie-Guite Dufay qui, si elle dit soutenir le projet, n'a jamais manifesté d'enthousiasme débordant. Lors de la rencontre avec les opposants, elle a réaffirmé sa « vigilance » sur l'eau. Une phrase du rapport budgétaire de la région permet en tout cas de renoncer au projet le cas échéant : « la stratégie touristique régionale [a] pour finalité d'encourager un développement touristique générateur de flux de visiteurs et de retombées économiques, respectueux de l'environnement, contribuant à l'aménagement du territoire ainsi qu'à la qualité de vie de la population régionale ». 

« On aura gain de cause devant les tribunaux,
mais ce serait mieux qu'on arrête au plus vite »

L'environnement pourrait aussi tirer une épine du pied des responsables politiques s'ils veulent s'éviter une longue bataille, tant juridique que sur le terrain, avec des contradicteurs résolus. « On aura gain de cause devant les tribunaux dans six ou sept ans, s'il le faut on le fera, mais ce serait mieux qu'on arrête au plus vite », dit l'un d'eux. Sans doute mieux, aussi, pour des questions d'ambiance. Entre pour et contre, mais également entre opposants qui s'affrontent parfois sur la manière.

Les membres du CjoCPCollectif jurassien des opposants à Center parcs, qui ont boycotté le débat public l'an dernier, trouvent parfois le Pic noir timoré, notamment dans son expression. Ils lui reprochent ainsi de n'avoir pas souhaité figurer au nombre des signataires du texte d'une coordination de neuf associations et collectifs luttant contre les trois projets de Poligny, du Rousset et de Roybon, en Isère. De son côté, le Pic noir entend rester libre de participer, ou non, aux actions et à l'expression des autres. Les uns et les autres se sont expliqués le 22 avril lors de l'assemblée générale du Pic noir. Ils vivent les mêmes contradictions qu'ont connues les opposants au projet de Roybon il y a une dizaine d'années...

Lamoura : « en cas de défaillance, la région acquerrait le site » 

L'autre grand dossier franc-comtois « structurant » pour le tourisme est le village de vacances de Lamoura qui n'a toujours pas trouvé son repreneur. La société immobilière francilienne Eireg, qui avait remporté la vente aux enchères en juillet dernier avait bien versé les 560.000 euros règlementaires immédiatement, mais pas réglé le solde début février comme prévu. Du coup, explique Patrick Ayache, « le notaire, celui-là même qui avait oublié de purger le droit de préemption, ne peut pas les considérer comme propriétaires ».

Une conséquence est la procédure judiciaire intentée par l'ancien propriétaire, le SIVVL, pour annuler la vente. Le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier doit rendre se décision dans quelques jours. « S'il confirme la vente, Eireg sera propriétaire sans jouissance. S'il l'annule, le SIVVL sera propriétaire, mais Eireg voudra récupérer les 560.000 euros versés pour se retirer, sans compter les travaux qu'il a engagés », ajoute Patrick Ayache.

Reste que là aussi, les estimations sont difficiles : « Eireg dit avoir fait pour 800.000 euros de travaux, le SIVVL a fait faire un constat d'huissier qui évoque quelques dizaines de milliers d'euros... » Le vice-président au tourisme s'est rendu sur place en dernier « avec tout le monde, mais le SIVVL n'a pas voulu venir pour ne pas être là avec Eireg... Chacun a pu constater que la région n'est responsable de rien, que le projet Eireg manquait de consistance... » Pour l'heure, tout le monde attend le jugement, mais « en cas de défaillance, la région acquerrait le site ».

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