« La part de rêve » : chaque vie a sa propre incandescence

Nul besoin de voix off ou d'artifice dans ce « documentaire comédie musicale en milieu protégé » tourné à l'ESAT de Joncy, en Saône-et-Loire, par Jean-Michel Dury. Faire chanter les protagonistes propulse le spectateur dans le rêve et l'enchantement. Le réalisateur présente son film jeudi 21 octobre à Besançon au cinéma de l’Habitat jeunes Les Oiseaux (projection gratuite suivie d’une rencontre).

Adrien, Carole, Gaetan, Françoise, Franck et Pierre-Olivier souffrent d’un handicap moteur ou mental. Ils vivent et travaillent dans un ESAT (Etablissement de Service d’Aide par le Travail) à Joncy, petit village de Saône et Loire. Ils ont appris au fil du temps comment apprivoiser un corps différent et comment trouver leur propre place dans le monde.

Ils sont différents, et alors ? Chaque vie est peuplée d’émotions, de gestes répétés, de quêtes et de rêves. Ici ou ailleurs. Comme partout, ces femmes et ces hommes vivent leur vie entre solitude, travail, amour et amitié.

A l’ESAT, ils se sentent protégés du vécu douloureux de leur vie antérieure où ils ne trouvaient pas leur place. C’est donc là, à Joncy, que l’aventure du film prend forme lorsque Jean-Michel Dury découvre l’activité « danse et musique » dans le cadre d’un atelier inclusif.

Ré-enchanter le monde

Faire une comédie musicale est une véritable gageure, un travail de longue haleine où les corps, la musique, le chant se fondent harmonieusement dans le quotidien.

Faire chanter les protagonistes du récit nous propulse vers une autre dimension. Celle du rêve et de l’enchantement. Car la comédie musicale ré-enchante la vie ordinaire. Elle réveille le talent et l’expression de chacun. Chacun trouve sa place, sa voix, sa gestuelle. Chacun fait sa propre expérience de l’espace, de son corps, et de l’art comme échappatoire au quotidien et comme rencontre avec soi-même.

Toujours à l’écoute, une caméra pudique capte les rêves de chacun. Rêve d’amour pour l’une. Rêve d’autonomie pour l’autre.  Rêve d’être pompier. Rêve de vendre des chaussures. Et si ces rêves n’aboutissent pas, le réel est là pour dessiner d’autres horizons. Car le film construit une partition propre à l’univers de l’ESAT où l’art, chanter et danser, révèle autant la beauté du geste que remuer des confitures dans des bassines en cuivre ou coller des étiquettes sur des pots.

Ainsi la comédie musicale s’inscrit dans le chant du monde comme une pépite de cinéma, une œuvre où il n’est besoin ni de voix off, ni d’artifices souvent utilisés dans les documentaires à des fins narratives pour appuyer le récit. Dans « La part de rêve », la forme du film est démocratique : chaque personne a son temps de parole et c’est ainsi que se construit une mosaïque révélant l’importance de ce lieu de vie, où l’art ré-enchante le quotidien. Etre différent devient source de réflexion et d’enthousiasme.

Ode à la liberté

A la fin du film, la comédie musicale se transforme en ode à la liberté. Une jeune femme s’installe dans son nouvel appartement où elle va vivre avec son amoureux. Elle part faire ses courses. Elle avance d’un pas sûr vers sa nouvelle vie ; robe et caddie rouges ; au gré de ses pas, la rue s’anime autour d’elle : voiture et avion en carton-pâte, homme pressé avec un attaché case, ménagères affairées et liseurs de journaux danseurs, cabine de bain et parasol de plage. Une pluie de cinéma s’ouvre sur un ballet de parapluies multicolores. On n’est pas loin de Cherbourg et de ses parapluies auquel le film fait une jolie référence. La caméra facétieuse joue avec les habitants du village. L’imaginaire bat son plein. Les couleurs arrivent, les villageois, tout le monde prend part à la comédie et danse au soleil. Toute la beauté du film se concentre dans ce final.

L’affiche du film évoque l’idée de rêve, un rêve sous étoiles, ces feux incandescents au-dessus de nos têtes, immuables et identiques pour chaque homme sur terre.

Chaque vie a sa propre incandescence, nous dit le film.


Jean-Michel Dury, un réalisateur indépendant

Jean-Michel Dury est un réalisateur indépendant, originaire de Saint-Gengoux-Le-National, en Saône-et-Loire. Il travaille de deux manières : soit les chaînes de télévision, essentiellement France 2 et France 3, lui commandent un film, soit c'est lui qui leur propose.
Pour réaliser « La Part de rêve » en 2019, il a travaillé à l’écriture du projet avec Marc Weymuller et a collaboré étroitement avec la chorégraphe Mure Natale et du musicien Micaël Gidon.
Le réalisateur vient de terminer un film sur le deuil. Ayant récemment perdu sa compagne, Jean-Michel Dury s’est lancé dans la réalisation de « Son foulard à mon cou » un film où il lève le tabou autour de ce sujet. Ce film réalisé grâce à un financement participatif est visible pendant trois semaines sur France 3 Bourgogne Franche-Comté (cliquer ici).
Par ailleurs, soucieux de développer le cinéma et d’animer le monde rural, Jean-Michel Dury est à l’origine du Festival documentaire « Docs en guoguette » créé en 2006 par les Films du Tilleul, (une fabrique de films, outil de promotion et de diffusion du cinéma documentaire en milieu rural) et rejoint en 2007 par l’Association Rencontre et animation rurale.
Durant le confinement, grâce à ces deux associations, nos lecteurs avaient bénéficié de toute la programmation du Festival.

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