La Belle et la Meute ou la prise de conscience d’une jeune tunisienne

Lors d'une promenade avec son amoureux, une jeune femme est embarquée par des policiers qui abusent d'elle... Sorti récemment en salle, le film de Kaouther Ben Hania sera en compétition au Festival Lumières d’Afrique qui se tient du 11 au 19 novembre à Besançon et propose plus de 60 films, fictions et documentaires.

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La Belle et la meute s’inspire d’un fait divers de 2012. A l’issue d’une soirée en boite, lors d’une promenade amoureuse sur la plage, une jeune femme tunisienne, Mariam, est interpellée par un groupe de policiers qui l’entraîne dans un véhicule de service et la viole. Elle s’enfuit ensuite abandonnant son sac à main dans la voiture. Ce fait divers a donné lieu à un livre intitulé Coupable d’avoir été violée écrit par la victime sous le pseudonyme de Meriem Ben Mohamed.

La bureaucratie patriarcale

La Belle et la meute, de la réalisatrice Kaouther Ben Hania suit le trajet haletant de Mariam qui essaie de faire reconnaître le viol dont elle est la victime. Elle ne peut être accueillie dans une clinique privée parce qu’elle n’a plus de papiers d’identité. Par ailleurs, pour porter plainte, il faut un certificat de l’hôpital public. De l’hôpital, où personne ne veut l’examiner, aux différents commissariats où les policiers essaient de lui faire renoncer à sa plainte se dessine toute la corruption de la bureaucratie tunisienne. Mariam se débat toute une nuit contre la peur, une terreur presque glaçante.
La séquence de viol n’est pas montrée mais figurée par une course effrénée. Tourné caméra à l’épaule, le film ne lâche jamais l’actrice et nous met en empathie avec sa démarche dans une atmosphère nocturne oppressante.

Les étapes de la lutte

Le film avance avec par chapitres restituant les étapes de sa lutte. Au moment où Mariam arrive dans le commissariat où travaillent les policiers violeurs, le film monte encore en puissance avec des menaces du type « quel homme voudra de toi ? » ou encore « une histoire comme la tienne peut mettre le pays en péril ! » On lui fait aussi remarquer que sa balade avec le jeune homme est « une atteinte aux bonnes mœurs du pays ». Elle tient bon : « vous avez piétiné ma dignité », clame-t-elle ne cédant sur rien, ni sur la culpabilité qu’on essaie de lui faire endosser en évoquant sa tenue provocante, ni sur l’interprétation de sa balade avec le jeune homme jugée immorale. Sous couvert de terrorisme il est aussi de bon ton, lui assène-t-on, de ne pas discréditer les policiers violeurs.

Kafkaïen, filmé comme un thriller avec de grands plans-séquences La Belle et la meute distille un climat oppressant malgré son aspect parfois trop démonstratif. C’est surtout un film sur une prise de conscience, un film qui à l’ère de Ben Ali n’aurait même pas pu exister. Le jour se lève enfin après une terrible nuit de cauchemar, même si, à la fin du film nous n’en savons pas plus sur la condamnation des policiers.

 

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