C’est un espace restreint, cinq rues à peine, dans une baie longeant le fleuve Saint-Laurent, recouverte de neige six mois par an. C’est dans ce coin du Nord du Québec qu’est installée la réserve indienne des 7 Îles, lieu de résidence des Innus. C’est de là que vient Naomi Fontaine, qui a raconté les siens dans un livre, « Kuessipan », et a participé ensuite à son adaptation au cinéma avec la réalisatrice Myriam Verreault (sortie le 7 juillet).
Le film se concentre sur deux ados, amies d’enfance, liées comme des sœurs, qui traînent ensemble depuis toujours, Mikuan et Shaniss, incarnées par Sharon Fontaine-Ishpatao et Yamie Grégoire. Après l’âge auquel on se fait la promesse de ne jamais se séparer, vient celui de choisir ce qu’on veut faire de sa vie. Il y a celle qui va rester, prédestinée à être la fille au ventre rond, et vite devenir mère de famille ; et puis celle qui étouffe sur place, qui veut partir à Québec faire des études, aller voir d’autres lieux, d’autres gens.
Un récit d’une belle écriture
Déjà, Mikuan s’émancipe des traditions, de sa famille, de sa tribu, par l’écriture ; puis par son petit-ami, avec qui elle a échangé un baiser un soir de sortie et de pari stupide, un « Blanc », alors que Québécois blancs et Innus ne se « mélangent pas ». « J’ai inventé des vies » dit la voix-off, dont on comprend qu’il s’agit de la belle écriture de la narratrice. L’intérêt du film n’est pas l’inventé mais le raconté, son frère qui se rêve en champion de hockey, sa mère qui fabrique des colliers de perles, la piqure quotidienne à sa grand-mère, les engueulades et réconciliations avec son amie, la vie d’une communauté invisible de « sauvages » canadiens.
C’est par la littérature puis le cinéma qu’est fait ce récit, sensible et singulier, « Kuessipan », ou la vie de quelques êtres humains, l’identité, la sauvegarde des traditions, le poids de la fatalité, le racisme… Et cette part de vérité apportée par l’interprétation, des comédiens amateurs tous membres de la communauté. Dans un concours d’éloquence, Mikuan monologue sur le thème « Qu’est-ce que la liberté ? » ; en précisant d’emblée que ce mot n’existe pas en langue innue.