Josiane Balasko : « Les méchants, c’est un régal »

L’actrice incarne une belle-mère acariâtre dans « La pièce rapportée », avec Anaïs Demoustier et Philippe Katerine. « Une comédie est une sorte de mensonge qui dit la vérité », confie le réalisateur Antonin Peretjatko » qui a fait un film « sur des gens qui sont hors du monde ». Sortie le 1er décembre.

« La pièce rapportée » du film de Antonin Peretjatko, c’est Ava, charmante guichetière de métro que demande en mariage Paul Château-Têtard (Philippe Katerine), héritier d’une riche famille de la grande bourgeoisie. Une famille qui possède un hôtel particulier dans les beaux quartiers parisiens, une villa à Antibes, une Rolls avec chauffeur (Sergi Lopez), et une fortune faite grâce à quelques nazis et dictateurs. Mais voilà, le grand Paul vit encore avec maman, Adélaïde, qui préférerait un mariage « entre-nous » ; une belle-mère méfiante et acariâtre incarnée par Josiane Balasko. « Josiane peut à la fois aller très loin dans l’outrance et avoir des finesses de jeu, des mouvements de bouche ou de sourcil, des petits rictus », confie Antonin Peretjatko, « C’est aussi le rôle du metteur en scène d’être le garant que ça va fonctionner, on essayait parfois de voir jusqu’où aller trop loin ».

On le comprend ce Paul, de craquer ainsi pour Ava, qu’interprète la délicieuse Anaïs Demoustier, jolie et séduisante dans ses petites robes d’été, et qui sera encore un objet de désir dans « Chère Léa » (sortie le 15 décembre) de Jérôme Bonnell (avec qui elle avait tourné « A trois on y va »). « Le personnage d’Ava arrive comme un bouchon qui flotte, avec la chance d’avoir rencontré quelqu’un de très riche », précise Peretjatko, qui s’est inspiré d’une nouvelle de Noëlle Renaude, « Il faut un héritier », et du « Roman d’une contrebasse » de Tchékhov.

Comme ses longs-métrages précédents, « La fille du 14 juillet » et « La loi de la jungle », « La pièce rapportée » est un film fantaisiste, burlesque, parfois surjoué, complètement décalé, mais qui évoque aussi une vrai réalité sociale (le « ruissellement », la suppression de l’impôt sur la fortune, les gilets jaunes, les migrants…). « Il n’y a guère qu’à Paris qu’on voit cette très très grande différence de classes sociales, on est à la fois dans le XVIème arrondissement avec des hôtels particuliers assez extraordinaires et on passe le long du périphérique avec des bidonvilles tout autant extraordinaires. La comédie est une sorte de mensonge qui dit la vérité, plus on va aller loin dans l’outrance plus on va réfléchir sur ce que ça représente », estime le cinéaste.

« Je suis fan des films d’Antonin », confie Philippe Katerine, qui incarne un fiston attardé, scotché sur les jeux de son téléphone. « Il passe à côté de tout, il est hors du monde, c’est un film sur des gens qui sont hors du monde, sur l’entre-soi », ajoute Peretjatko. « C’est un rythme effréné, celui d’Antonin Peretjatko, tous ses films sont un peu comme ça, c’est surexcité, c’est pas de l’hystérie non plus mais c’est sur un rythme plus élevé que la vie », dit Philippe Katerine, « Moi, je suis d’un rythme très lent, je ne suis pas rapide, donc ça me convient très bien d’expérimenter autre chose que le rythme de mon électrocardiogramme, quand je sais que ça va changer de ce que je suis, de ce que je fais, d’être en voyage, de me quitter, c’est ça l’idée, c’est pour ça que je fais du cinéma ».


Josiane Balasko : « Avec le Splendid, on a commencé par faire des monstres »

Comment avez-vous composé ce personnage de belle-mère peu accueillante ?

Il y a eu très vite l’idée de porter des lunettes, la costumière m’a apporté des lunettes qui ont facilité le travail, déjà avec les lunettes j’ai l’air méchante ; j’ai demandé aussi des gros sourcils, la tresse autrichienne, ensuite le costume, les lèvres pincées… L’extérieur, le physique du personnage est beaucoup dans le jeu, il y a des choses qu’on n’a pas à jouer parce qu’on est déjà physiquement désagréable. Dans ‘’Un crime au paradis’’, je pissais dans la soupe de mon mari quand même ; les personnages méchants, surtout dans la comédie, c’est un régal.

Il faut une préparation spéciale pour jouer une méchante ?

Non, j’ai un fond méchant (éclat de rire).

Vous avez toujours bien aimé interpréter des personnages excentriques…

Oui, on a été élevé comme ça. Les acteurs français, à l’encontre des acteurs anglais, ne jouent pas trop dans l’excès, alors que les Anglais peuvent faire des trucs hallucinants. Avec le Splendid on a commencé par faire des monstres, des personnages très marqués, ce qui fait que par la suite c’est pas du tout un problème, c’est même assez rigolo, on se fout de l’image, on a l’image qu’on se donne.

Vous avez réalisé plusieurs films (« Gazon maudit », « Cliente »…), avez-vous un projet en ce sens ?

J’ai plus envie, à l’âge que j’ai je me dis que le temps de réaliser un film je peux en faire trois comme actrice, et j’ai beaucoup de plaisir à tourner. Pour l‘instant je n’ai pas forcément d’idées et je préfère jouer pour les autres, je suis actrice au départ, j’ai souvent fait des films pour pouvoir jouer dedans ; là on me propose des choses qui m’intéressent, ma fille commence à mettre en scène. Sur un plateau, je suis très contente de regarder tout le monde s’agiter pendant que j’attends qu’on me demande de venir.

Vous avez toujours autant de plaisir à jouer ?

Oui, ça a toujours été, c’est un métier qu’on ne peut pas faire si on n’a pas de plaisir à le faire, quand on le fait c’est extraordinaire.

Philippe Katerine, c’est le fils dont vous aviez toujours rêvé ?

Oui, évidemment (rires). C’est le fils dont Adélaïde a toujours rêvé, elle est aveuglée, elle ne voit pas trop ses légers défauts.


Anaïs Demoustier : « Ava joue à la bourgeoise »


C’était plaisant d’incarner cette Parisienne, légère et joyeuse, avec ses nombreux costumes ?

C’était marrant, amusant à faire, tout est vraiment précis et super beau, la costumière a beaucoup cherché, on a essayé beaucoup de vêtements et petit à petit le personnage est apparu. Comme le film est vraiment intemporel, on pouvait faire ce qu’on voulait, il y a du jeu à l’intérieur du jeu, elle joue un peu à la bourgeoise, c’est une fille qui n’a pas d’argent et qui s’amuse à acheter des vêtements très chers, elle se laisse emporter par ses désirs, je ne la voyais pas comme une fille intéressée, je l’ai pensée comme une enfant.

Vous avez enchaîné une série de rôles, des jeunes filles énergiques et charmantes, comme récemment dans « Les amours d’Anaïs »…

Avant, j’avais plutôt des personnages contemplatifs, un peu timides même, des personnages plus effacés ; et là on me propose des rôles plus énergiques, des jeunes femmes actives, c’est assez agréable à faire aussi, et puis avec la comédie ce sont des rôles plus physiques, enlevés.

Tout l’inverse de la stricte avocate générale que vous incarniez dans le film réalisé par votre frère Stéphane, « La fille au bracelet »…

Oui, rien à voir, chez mon frère j’avais adoré faire ça.

Est-ce qu’avoir Josiane Balasko comme partenaire peut vous impressionner, quelle image vous aviez d’elle ?

Carrément j’avais l’image des Bronzés, j’ai beaucoup vu Les Bronzés, je le connais par cœur, ça fait très bizarre d’entendre sa voix. Je l’admire, dans le film de François Ozon, « Grâce à dieu », elle était incroyable. Impressionnée non, je ne suis jamais impressionnée par les gens, je ne me laisse pas trop impressionner, je serais plus impressionnée par un metteur en scène.

Comme Michael Haneke, avec qui vous avez débuté à treize ans dans « Le temps du loup » ?

Haneke, j’étais très impressionnée. Pas par rapport à ses films, je ne les avais pas vus, mais par rapport à sa prestance, j’avais très peur au début, quand il arrive on dirait un gros loup, il a une barbe blanche, il est très grand… Mais après pas du tout, il est hyper gentil.

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