Régisseuse générale. C'est le métier d'Amandine Pourcelot. Ça consiste notamment à gérer le planing des artistes qui viennent se produire dans une structure de diffusion. L'un de ses employeurs est la Rodia, la scène des musiques actuelles de Besançon, où elle s'occupe de programmer l'arrivée ou l'hébergement. Il lui arrive de travailler pour des festivals, comme régisseuse de scène ou à la direction technique. Par exemple quand il s'agit d'aménager un site...
Régisseur et technicien du son. C'est l'activité professionnelle que Pedro Theuriet pratique pour une dizaine d'employeurs, de la création sonore théâtrale aux concerts. « On travaille simultanément sur plusieurs projets qu'on est obligé de suivre au jour le jour. C'est un mode de travail particulier, il n'y a pas de jour off, on travaille souvent le dimanche, la nuit... Je n'ai pas eu un week-end depuis le 3 novembre... »
600 cotisants et 300 indemnisés en Franche-Comté
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Et aussi un texte d'Edwy Plenel sur Médiapart, qui évoquait le 10 juin dernier un « triple enjeu de civilisation » introduit par ces quelques lignes : « Le combat des intermittents du spectacle contre la nouvelle convention Unedic de leur régime d’assurance chômage n’est en rien sectoriel ou catégoriel. Engagé depuis une dizaine d’années, il recouvre un triple enjeu de civilisation : la conception du travail, la place de la culture, la définition de la démocratie. Plaidoyer pour une lutte dont les questions et réponses inédites ouvrent la voie d’une société du bien commun ».
Voir là (pour abonnés).
Voir enfin un autre éclairage dans cet entretien avec autre intermittent franc-comtois, sur le site de la CNT, ici.
Amandine et Pedro ont un métier plutôt dans l'ombre. Sa fonction est de permettre que le spectacle se joue, se créé, se prépare. Ils partagent avec les artistes un drôle de statut économique et social, celui d'intermittent du spectacle. Combien sont-ils ? « En France, 250.000 salariés cotisent au régime des intermittents, mais un peu moins de 100.000 sont indemnisés ».
Et en Franche-Comté ? « On n'arrive pas bien à savoir. Pôle-Emploi nous dit 250 à 300 indemnisés, mais j'en connais 200 rien qu'à Besançon », dit Pedro. « Pôle-Emploi nous dit qu'il y a environ 600 cotisants. L'AFDAS
L'ouverture des droits repoussée avec les « jours différés »
Ce régime, mis en place par les fameuses annexes 8 et 10 de la convention Unedic signée entre syndicats patronaux et salariés, la dernière mouture étant entrée en application le 1er octobre. Moyennant une cotisation salariale et patronale supérieure, le régime permet aux salariés effectuant 507 heures sur une période de dix mois, de toucher des allocations chômage entre les contrats de travail.
Une nouvelle disposition a mis en colère, et en mouvement, les intermittents à partir du printemps : une période de 30 à 45 jours « différés » repoussant aux calendes grecques l'ouverture effective des droits : « tant qu'on n'a pas cumulé 30 jours (jusqu'à 45 selon les situations) de non travail, on n'est pas indemnisé », explique Pedro Theuriet. Conséquence : « ça pousse à ne pas travailler... ou à travailler au noir » durant cette période dite différée... Un décret du gouvernement a - provisoirement ? - apporté une solution : c'est l'Etat qui paie ces jours différés.
Le casse tête des droits rechargeables
Une autre disposition de la nouvelle convention, les droits rechargeables, a également remonté les intermittents. Les droits sont calculés à partir d'un emploi précédent ouvrant des droits pour une période donnée : « même si on a eu dans cette période un emploi mieux payé, par exemple après l'obtention d'un diplôme, on sera indemnisé en fonction du premier contrat. Ce n'est pas génial du tout pour les jeunes ». C'est même assez pervers pour les intermittents : « des gens préfèrent ne pas toucher d'indemnités pendant un ou deux mois pour que leurs droits antérieurs ne soient pas ouverts. Ça nous touche particulièrement, car si pendant dix mois on n'a pas nos 507 heures, mais que Pôle-Emploi nous trouve 667 heures sur 18 mois, on va avoir des droits très réduits, genre 300 ou 500 euros par moi », expliquent Amandine et Pedro.
Depuis mars, ils ont manifesté à plusieurs reprises, à quelques dizaines sur la place publique, dans des agences Pôle-Emploi, à la CCI, à la Direccte... Avec un relatif succès : « Depuis quatre à cinq ans, il n'y avait plus personne dans les agences Pôle-Emploi de province pour suivre les gens relevant des annexes 8 et 10. Grâce à un bon contact avec le directeur de Pôle-Emploi dans la région, on a obtenu un référent dans chacun des départements franc-comtois depuis septembre, et un référent régional sur les droits rechargeables. Du coup, des intermittents d'autres régions nous demandent de l'aide... »
« C'est nous qui cotisons les plus en France »
Pourquoi les techniciens du spectacle paraissent plus mobilisés que les artistes ? « Les artistes n'ont pas la même vision, ils sont dans la créativité, nous, on comprend plus vite les mécanismes », dit Pedro Theuriet. « Les gens ne sont pas forcément au courant tout de suite, les artistes sont dans leur création, dans leur monde... Au cirque Plume, ils se sont réveillés ainsi un peu plus tard », explique Amandine Pourcelot.
Que pensent-ils du financement de la culture par l'Unedic ? « Ça énerve le Medef car c'est le seul secteur privé qui finance les annexes 8 et 10. On est d'accord, c'est aussi à l'Etat de se prendre en main, on ne peut pas toujours demander aux PME de financer la culture », dit Pedro. « Mais on cotise quand même », s'exclame Amandine, « c'est nous qui cotisons les plus en France. Et si les annexes 8 et 10 disparaissent, on aura un autre statut, plus cher pour les employeurs avec des prix d'entrée beaucoup plus élevés pour le public. C'est ce système qui permet d'avoir des places de théâtre autour de 10 euros ».