Grève des Ehpad : 400 manifestants à Besançon

Une bonne moitié des établissements du Doubs étaient mobilisés. Plusieurs milliers de personnes ont défilé dans tout le pays tandis que des salariés étaient réquisitionnés et que d'autres continuaient le travail avec des brassard de soutien au mouvement.

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« Je suis la seule à être descendue, les autres portent un brassard... » Aide-soignante dans un Ehpad du Haut-Doubs, Véronique est un brin déçue. Elle aurait bien aimé être accompagnée par ses collègues pour le défilé bisontin. Devant le centre de long séjour de Bellevaux, il n'y a pas loin de 400 personnes, mais toutes ne travaillent pas en maison de retraite ou dans l'aide à domicile. On voit pas mal de retraités, des locaux, des salariés de l'Adapei, des fonctionnaires territoriaux, une délégation venue de Sochaux, des conseillers municipaux communistes de Besançon...

Plusieurs établissements sont bien représentés. Une vingtaine de salariées de l'Ehpad des 7 collines (rue de Belfort) mettent une belle ambiance. Tenant une banderole, une jeune femme nous dit venir du Haut-Doubs. Quel endroit ? Mouthe, Pontarlier, Morteau ? « C'est une maison de retraite publique, mais notre directeur ne veut pas qu'on dise laquelle... On est descendu à treize, aides-soignantes, ASH, infirmières, mais il y a des réquisitionnées... Ça fait quelque temps qu'on parle de bouger, il y a eu une diminution de budget et on nous enlèves des postes, tous en CDD ou en contrats aidés... »

Sa collègue résume : « le travail de trois se fait à deux... ». La jeune femme, dont c'est la première manifestation, poursuit : « Tout le monde fait le boulot de tout le monde... » Elles ne sont pas syndiquées, mais ça viendra peut-être. « Il faut se bagarrer maintenant, aujourd'hui, il n'y a pas assez de monde », ajoute la collègue. Comment voient-elles la grève des Opalines ? « Elles ont tenu le coup tout ce temps, sans salaire... Chapeau ! », dit l'une. Elles ont beaucoup parlé de ce conflit qui a libéré la parole. « S'il le faut, on reviendra, on essaiera d'emmener plus de monde, c'est sympa une manif... »

Le cortège emprunte les quais de Strasbourg et Veil-Picard pour faire une halte devant le siège de l'Agence régionale de santé où une délégation est reçue. Sans banderole ni calicot, un employé aux petits-déjeuners d'un Ehpad public du plateau, explique : « j'y suis depuis trois ans, on voit les effectifs baisser de mois en mois... »

On se relaie à la sono pour dire des morceaux de vie au travail. « Il faut vous réveiller messieurs-dames, y'en a marre de faire huit à onze toilettes ! Elle est où la bien-traitance ? », lance en colère une femme en direction du bâtiment de verre où des employés contemplent la foule. Une autre empoigne le micro : « on est 20 soignants pour 36 patients ». Tout est dit quand on sait la revendication de un pour un, quand on sait l'objectif légal depuis 2006 de 80% de taux d'encadrement. La réalité est à 62%...

Quelqu'un d'autre prend la parole, parle de huit à neuf toilettes : « on court, on va trop vite, on ne dit plus rien, c'est déshumanisé... » Une autre encore dénonce l'étalement de la prise de congés de début juin à fin septembre : « mais qui partira en juin ou en septembre avec des enfants ? avec des maris encore au travail ?  On travaille toute l'année, les week-end, la nuit. On mérite nos vacances ».

A chaque parole, les applaudissements fusent. Tout le monde est concerné, tout le monde écoute. Une AMP de Bellevaux en « burn-out » en appelle à une notion simple : « on a des relations avec les résidents que vous nous avez confiés ». Là aussi tout est dit : le soin, c'est de la relation. Le mettre en équation, c'est en épuiser le sens. Un slogan est lancé à un bout du rassemblement, vite repris par la foule : « nos papys, nos mamies valent plus que leurs profits ».

Comme le financement des Ehpad est pluriel, le cortège quitte l'ARS pour le conseil départemental... Mais c'est bien le gouvernement qui est interpellé, notamment en raison d'un projet de loi en discussion devant l'Assemblée. Un militant syndical nous confie que l'exécutif est dans « la provocation : la ministre Buzin a dit ne pas vouloir nous recevoir, Emmanuel Macron a fait dire à Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, que les syndicats n'avaient qu'à faire une démonstration dans la rue...  Mais on a fini par être reçus... »

Arrogance du pouvoir ? Un médiateur a été nommé. Il en faudra sans doute davantage pour calmer les salariés du secteur et leurs soutiens. Parmi les manifestants, on a compté nombre d'électeurs d'En Marche, socialistes il n'y a pas si longtemps...

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