Gilets jaunes : reprise timide à Besançon

Une centaine de manifestants statiques au centre-ville, une dizaine au rond-point de Chalezeule… La crise sanitaire a un impact sur la mobilisation sociale. Des militants s'inquiètent d'une dérive autoritaire et certains estiment qu'il ne « faut pas attendre septembre pour bouger ».

manif

Ils étaient une dizaine au rond-point de Chalezeule ce matin, une centaine au centre-ville durant l’après-midi. Alors que dans plusieurs autres localités les regroupements ont été empêchés par les autorités, celui de Besançon a finalement été toléré. Il est toutefois resté statique, contrairement aux habitudes. Il faut dire que le coronavirus est aussi passé par là, contraignant à limiter considérablement toute prise de risque. Une nouveauté dont les participants semblent conscients malgré tout, une majorité ayant pris les précautions sanitaires qui s’imposaient. La plupart exprimait leur volonté de rester présents, afin de maintenir la visibilité d’un « mécontentement général. » Avec, au centre des conversations, les professionnels de santé et « premiers de corvées. »

Depuis les mesures de confinement, cette « reprise » place de la Révolution est une première. Mais ce fut loin d’être une évidence. À la crainte sanitaire légitime et à l’opinion publique critique, il a fallu imposer le port des masques ainsi que le respect des distances de sécurité. Car dans les rangs des gilets jaunes plusieurs ont été atteints par le covid-19, à l’image de « Dédé » qui explique « avoir passé des semaines très compliquées. » Beaucoup tenaient toutefois à marquer le coup, alors que la rentrée sociale est consommée dans une dizaine de villes en France. Mais la réaction des pouvoirs publics est restée une autre incertitude, empêchements et interdictions s’étant multipliés comme à Paris, Toulouse, Montpellier, Nantes, Angers, Saint-Nazaire, ou Lons-le-Saunier.

Un retour après deux mois d’absence

Ils étaient une centaine à 14 heures, prenant place entre la fontaine des Eaux d’Arcier et le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie. Gilets jaunes historiques, militants politiques et syndicaux, et une poignée d’altermondialistes et de motards. Quelques-uns ont fait le déplacement depuis Belfort, Lure ou le Jura. Prises de parole, musiques, chants, danses, affichages de banderoles et de pancartes auront rythmé l’événement. Tout les participants ou presque portaient des masques, seul le respect des séparations péchant parfois. Un commerçant riverain a marqué son mécontentement, et à 15h30 le commissaire Moreau est intervenu pour rappeler le principe de distanciation et exiger l’arrêt de la sono jugée trop bruyante. Mais, globalement, tout s’est déroulé calmement.

Frédéric  Vuillaume, figure et syndicaliste FO, affirme ne pas « mésestimer les impératifs sanitaires. Mais il fallait aussi montrer la colère qui monte dans le pays, afin que l’ancien monde ne continue pas de bouffer le nouveau que beaucoup veulent. » Il dénonce « la loi Avia, le projet local de drones, ou encore les atteintes au droit du travail et aux acquis sociaux. » Marc Paulin, « blouse blanche » du CHRU Minjoz et candidat « Besançon verte et solidaire » aux municipales, est venu « réamorcer cette tradition du samedi, afin que personne n’oublie la rage et la souffrance qui persistent dans le privé comme dans le public. Et, bien sur, réclamer plus de personnel et de moyens pour les hôpitaux et les EHPAD, plutôt qu’une médaille ou un défilé. »

« Si on attend septembre pour bouger, ça sera trop tard »

Même son de cloche pour le neurochirurgien Laurent Thinès, qui accorde une prise de conscience au Président Macron « tout en restant vigilant quant aux suites ». Le médecin-urgentiste de Lons-le-Saunier, Éric Loupiac, décédé des suites du covid, est dans toutes les têtes. « Masques, gants, protections, médicaments, manquaient, révélant une situation lamentable » renchérit Marc Paulin. Marie-France, retraitée, est présente depuis le 17 novembre 2018, et persiste « à ne rien lâcher » : « Je pense aux soignants, aux caissières, aux éboueurs, à ces premiers de corvées, que le Gouvernement offense en permanence. » Séverine, militante de la France insoumise, « inquiète mais optimiste », estime qu’il s’agit « d’un moment crucial pour nos vies, une bascule entre un capitalisme autoritaire et l’avènement d’alternatives. »

Mehdi, lui, est moins festif : « J’aimerais être aussi confiant que mes collègues, mais on est tous déçus par le peu de mobilisation. Au moins le triple de monde était espéré. On sait que nombreux ne sont pas venus, par peur du virus et de la répression. Le coup reste rude. Je comprends et partage l’anxiété ambiante, mais chaque jour c’est toujours plus de sacrifices et de restrictions demandées. À cette allure, on finira à la rue avant d’avoir pu tilter. Si on attend septembre pour bouger, ça sera trop tard. Mais peut-être que certains attendent une étincelle, alors espérons qu’elle arrive vite. Car dans le quotidien, pour pas mal de gens, ça allait déjà pas fort avant… et avec les effets du confinement - si un second n’est pas en plus décrété -, ça risque encore de s’aggraver. »

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