Dans Grâce à dieu, film primé à Berlin qui sortira bien ce mercredi, le cinéaste héroïse des victimes qui ont osé parler, d’anciens gamins abusés par un prêtre de la région lyonnaise. « Le film ne révèle rien », précise le réalisateur dans un entretien parallèle avec l’acteur Melvil Poupaud.
Grâce à dieu, le film de François Ozon tient son titre d’une phrase qui avait « échappé » à Mgr Barbarin lors d’une conférence de presse à Lourdes. « La majorité des faits, grâce à dieu, sont prescrits », avait-il dit. « C’est une parole très malheureuse, mais c’est une parole tellement symptomatique du côté hors sol de cette hiérarchie qui n’a pas compris ce qui se passait, c’est très révélateur », estime François Ozon.
Les faits en question, ce sont ceux reprochés au père Bernard Preynat, curé de la région lyonnaise mis en examen pour agressions sexuelles. Le recours en référé déposé par l'avocat du père Preynat au tribunal administratif de Paris a été rejeté, et « Grâce à dieu » sortira bien comme prévu ce mercredi 20 février. « Le film ne révèle rien, il raconte de l’intérieur ce que tout le monde lit dans les journaux, le film n’est pas attaquable, il a été lu par des avocats », précise le cinéaste.
D’ailleurs, ce que ce film raconte c’est le chemin de croix de trois hommes (joués par Melvil Poupaud, Denis Ménochet, et Swann Arlaud), trois victimes du père Preynat qui ont osé parler, trois hommes en colère qui, des années après leur agression, s’aperçoivent que ce prêtre donne encore des cours de cathé aux enfants et célèbre des offices… Alors que leur association La Parole Libérée a recensé 70 victimes présumées ; des faits souvent prescrits, « grâce à dieu », dit monseigneur. Même si la prescription est passée depuis l’été dernier de vingt à trente ans.
François Ozon nous raconte donc le combat d’Alexandre, François, et Emmanuel. L’un bourgeois traditionnel, père de famille nombreuse, qui a « la naïveté de penser que l’institution peut se corriger » ; le second, qui choisit l’activisme et la médiatisation ; et le troisième, un « écorché vif », qui opte pour la voie judiciaire. Surtout, le film montre les dégâts causés par un « pauvre pécheur », le traumatisme, l’impact sur les victimes elles-mêmes, mais aussi sur les épouses, parents, familles, proches… La culpabilité, le tabou, et le silence de la hiérarchie catholique qui, à l’instar de Mgr Barbarin (incarné par François Marthouret), savait, mais n’a rien dit, rien fait.
Grand Prix du Jury au Festival de Berlin, Grâce à dieu est un film percutant, qui appuie là où ça fait mal, un film sensible également dans lequel les choses sont dites, enfin. Comme le dit un des personnages, ce n’est « pas contre l’Eglise, mais pour l’Eglise ». « Le film peut avoir une utilité, en tout cas j’ai essayé de montrer la complexité des choses et l’aspect héroïque de ce que ça représente de parler », confie François Ozon, « Si la société maintenant est prête à accueillir cette parole, à l’accepter et la respecter, les choses vont vraiment changer ».
Rencontre avec le cinéaste, et avec l’acteur Melvil Poupaud, lors de l’avant-première du film à Nancy, au Caméo et à l’UGC.
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