Les soutiens ne se donnent pas de très bonne grâce dans la première circonscription du Doubs. Après que Jean-Luc Mélenchon a explicitement appelé à voter pour Barbara Romagnan, la France insoumise locale a accouché d'une synthèse peu enthousiaste en appelant, après deux réunions de palabres, à seulement « faire barrage à Madame Charvier » car elle porte le « programme libéral de Macron ».
Mais on a vu pire. Au moins, la candidate LREM était-elle citée par son nom par les Insoumis. Ce n'est pas le cas de Laurent Croizier, l'autre candidat macroniste, éliminé au premier tour. Non seulement il ne cite pas Fannette Charvier, mais pas une ligne, pas un mot de son communiqué sur le second tour ne laisse penser à un quelconque soutien. Qu'on en juge : « Localement, nous regrettons que notre mouvement ait été délibérément écarté par les dirigeants du mouvement En Marche du Doubs, nos propositions d’actions communes systématiquement refusées ou laissées sans réponse. Nous ne reconnaissons pas, dans cette attitude sectaire, les valeurs d’ouverture portées par Emmanuel Macron. »
La pilule du barrage érigé par Jean-Louis Fousseret à l'investiture de Laurent Croizier lui reste manifestement sur le coeur. Au point qu'on sent une véritable défiance à l'endroit de la candidate quand il écrit : « Ce n’est pas tant la conquête du pouvoir qui est importante mais la capacité de l’exercer et de porter les valeurs auxquelles nous croyons pour restaurer la confiance des citoyens. » On comprend qu'il met indirectement en cause sa « capacité » à exercer sinon le pouvoir, du moins son mandat.
L'omniprésence de l'entourage de Jean-Louis Fousseret
On peut nous objecter qu'il ne parle pas de la candidate qu'il ne met pas personnellement en cause, mais des dirigeants locaux de LREM. Il ne semble d'ailleurs pas qu'à Laurent Croizier que ces dirigeants locaux semblent veiller sur elle comme des parents surprotecteurs. Les journalistes
Il ne tarit pas d'éloge à l'endroit de sa jeune protégée : « Elle a une sorte de flegme, n'a pas un caractère à monter et descendre, est très égale dans ses réactions. C'est quelqu'un de déterminé, qui apprend vite. Elle porte un regard nouveau, et on sent bien qu'elle ne sort pas de la construction politique habituelle ». Quelle est donc sa construction politique ? « Elle est issue d'une génération défiante vis à vis du politique, l'inverse de Barbara Romagnan qui est tombée dedans étant petite, a fait Sciences-Po », poursuit Denis Baud. « Elle a une approche pragmatique des choses. La gauche, la droite, ce n'est pas son sujet... »
« Vous n'avez pas encore compris... »
Quand on l'interroge sur le soutien que lui apporte Pascal Routhier, elle se dit « ravie ». Quand on lui demande si cela ne la déporte-t-elle pas vers la droite, elle sourit, comme à un enfant posant une question dont il connaît la réponse : « Vous n'avez pas encore compris... » On souligne que « le système » risque de vite l'engloutir, que ça ne durera pas cinq ans, elle réplique : « je ne le crains pas. Il y a une transformation profonde du paysage politique, il n'y aura pas d'essoufflement... »
Fannette Charvier, qui compte intégrer la commission des Affaires sociales en cas d'élection, n'est pas syndiquée : « c'est comme pour les partis, je ne me retrouve dans aucun syndicat ». Parviendra-t-elle à conserver une indépendance de jugement par rapport aux projets du gouvernement ? « Vous vous savoir si je me laisserais manipuler ? Pas du tout. Je revendique une indépendance poussée. Vous ne me ferez pas voter des lois qui ne me convaincraient pas ».
Justement, elle qui est une « salariée modeste », voterait-elle la loi d'habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnances sur la nouvelle loi travail, emblématique projet du gouvernement ? « Si la loi rabote les acquis sociaux, je ne la voterai pas », assure-t-elle. Comme en écho, Denis Baud nous avait dit la veille au téléphone : « « elle travaille dans un service public et est attachée à ce qu'ils marchent car ils sont indispensable ». Sur le plan local, elle indique vouloir notamment suivre le REP+
Macronistes de gauche et macronistes de droite...
A la tribune du petit Kursaal garni d'une soixantaine d'auditeurs, Jean-Marie Cavada, à la fin d'un propos en défense de l'Europe, lui avait vivement suggéré de « faire de la pédagogie » en instaurant un conseil de circonscription mensuel, histoire de « dire ce qu'on a fait et ce qui va se passer ». Le suppléant, Arnaud Grosperrin a pris note. Qu'en pense Fannette Charvier ? « L'idée est intéressante... Mais d'abord les comités locaux d'En Marche ! se réuniront pour réfléchir à l'avenir du mouvement d'ici le congrès fondateur de la mi-juillet ».
Est-ce une façon de, déjà, botter en touche sur le conseil de circonscription ? C'est plutôt une manière de dire qu'elle y réfléchira. D'autant que c'est lors de ces réunions des comités locaux que sera « discutée » l'éventualité d'instaurer ou on une cotisation. Derrière ce point, se profile la transformation en parti... Elle opine quand on fait remarquer que se poseraient de toute façon des questions d'articulation, voire de concurrence, entre ce conseil et les instances du mouvement... ou du parti.
Mais ce n'est pas la même chose de rendre des comptes au parti et d'être accompagnée à presque chaque pas par le cabinet du maire... Un maire qui a annoncé qu'il l'aiderait et a tenu parole : le Premier ministre Edouard Philippe vient en personne la soutenir ce vendredi à Besançon. Cela ne va-t-il pas la déporter sur la droite ? En fait, ce que tout le monde a bien compris, c'est que face à une candidate qui incarne bien la gauche, elle ne peut qu'y être repoussée... Et que face à des candidats incarnant bien la droite, voire l'extrême-droite, mieux vaut des macronistes de gauche, comme Denis Sommer et Frédéric Barbier à Montbéliard et Audincourt...
Et là où la gauche est en terre de mission, comme dans le Haut-Doubs, présenter une macroniste de droite revendiquée comme Sylvie Le Hir est la meilleure solution pour espérer l'emporter face à la filloniste Annie Genevard.