Droits des femmes : la vigilance s’impose

Une centaine de personnes se sont rassemblées mercredi 27 septembre à Besançon à l'occasion de la journée internationale pour le droit à l'avortement. La relève des militantes (et militants) des années 1970 qui ont bravé la prohibition pour faire progresser la loi, est là...

avortement

Un très  jeune couple avec un bébé dans une poussette passe à travers la petite foule rassemblée au pied de l'hôtel de ville de Besançon. Des dizaines d'affichettes célébrant le droit des femmes à disposer de leur corps ont été installées sur les grilles des fenêtres, épinglées sur un fil rejoignant l'abri-bus tout proche. « Lis les pancartes », dit la jeune femme à son compagnon qui ne ralentit pas. Elle le suit et ils poursuivent leur chemin...

Des jeunes filles regardent intensément le rassemblement coloré, n'osant visiblement pas s'approcher de la déclinaison bisontine de la journée internationale pour le droit à l'avortement. Quatre étudiantes en sociologie sont venues. « Pour nos idées », dit l'une. « Pour défendre les droits de la femme », dit l'autre. « Quand on voit ce qui se passe, ce n'est pas forcément acquis, le droit à l'avortement revient dans les débats, dans les médias, en politique », dit la troisième, pas mécontente que Fillon n'ait pas été élu...

On leur présente une infirmière hospitalière à le retraite qui a travaillé à Vesoul. Elle explique que la loi Veil de 1975 ne fut pas d'une application aisée. Il lui est arrivé de conseiller aux femmes que le médecin chef, hostile à l'IVG, faisait lanterner, de sortir de l'hôpital contre avis médical pour ne pas qu'elles soient hors délai, et elle les aiguillait vers des praticiens plus respectueux.

Des IVG pratiquées malgré
le refus du médecin-chef

A Besançon aussi, comme ailleurs en France, ce fut compliqué. Le professeur Colette, chef de la maternité de l'hôpital public, refusait que des avortements y soient pratiqués et interdisait même aux médecins du service d'en réaliser. Le CHU doit à deux médecins hospitaliers, le professeur Weil et et le docteur Schall, l'ouverture d'un centre d'IVG public qu'une dizaine de médecins généralistes faisaient fonctionner à tour de rôle en utilisant la méthode Karmann par aspiration. 

Etudiante en médecine à l'époque, Edith se souvient des années ayant précédé la loi de 1975, légalisant pour 5 ans l'IVG : « des médecins faisaient des avortements à domicile… » Egalement étudiant en ces temps-là, Gabriel a milité au MLAC, le mouvement pour la liberté de contraception et d'avortement, créé en 1973 à Besançon : « un militant avait mis à disposition un local rue Mégevand, on y exposait des brochures et le MLAC tenait une permanence hebdomadaire… » Ces activités s'accompagnaient de manifestations dans tout le pays pour le droit à disposer à l'avortement.

 La relaxe de Marie-Claire à Bobigny

1974 fut l'année d'un vaste mouvement national de soutien à Marie-Claire, 17 ans, poursuivie pour avoir avorté. Défendue par Gisèle Halimi, elle fut relaxée par le tribunal de Bobigny, une décision saluée comme il se doit quelques années après Mai 68 qui advint quelques mois après la légalisation de la contraception.

Devenu légitime aux yeux du plus grand nombre, le droit à l'avortement progressait. Mais il fallut encore attendre un peu pour que la ministre de la Santé, Simone Veil, fasse passer la loi grâce aux voix des députés de gauche, alors dans l'opposition, dans une Assemblée nationale quasi exclusivement masculine.

Quand la loi est revenue au Parlement en 1979, les mobilisations pour sa pérennisation recommencèrent. Anna, qui y a participé, est toujours là : « ça me parle, les avortements ont fini par diminuer. C'est un droit qui devrait être dans la constitution… Les batailles des années 1970 étaient joyeuses, avaient un avenir, c'était une évolution normale… Forcément, il faut rester vigilant… »

47.000 décès par an dans le monde

Si ce droit paraît couler de source à beaucoup, il reste à défendre. C'est ce que fait Laura, jeune prof d'histoire, qui milite à l'association Osez le Féminisme : « Il y a encore des avortements clandestins en France et en Europe », argumente-t-elle. « Il faut continuer à se mobiliser, nous attendons le soutien des hommes, mais c'est à nous de nous mobiliser… »

Les menaces ne peuvent qu'y inciter. Il a ainsi fallu « des manifestations sans précédent pour que le gouvernement polonais renonce à l'interdiction totale de l'avortement », explique au micro Laurence Mathioly, syndicaliste SUD à l'hôpital. Idem en Espagne en 2014, tandis que l'Irlande a connu en 2012 le scandale d'un décès par septicémie après une fausse couche après le refus d'intervenir d'un hôpital. 

Dans le monde, 47.000 femmes meurent chaque année des suites d'un avortement. Elles font partie de la moitié des 50 millions de celles se faisant avorter qui le font dans des conditions dangereuses. Car le droit d'avorter est une condition de la sécurité sanitaire. Mais il ne suffit pas, ajoute la syndicaliste, quand « des médecins invoquent l'objection de conscience » conduisant dans certaines régions d'Italie 70% des praticiens à refuser d'intervenir.

Légal dans 61 pays, l'avortement est restreint dans 68 pays et interdit dans 67… 

Manifestation en 1979 à Besançon pour la pérennisation de la première loi Veil de 1975.

 

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