« Dernières nouvelles du Cosmos » : du silence et des mots

Un film exceptionnel sur une poétesse autiste est présenté actuellement à Besançon au cinéma Kursaal avec la présence le 9 février du metteur en scène Pierre Meunier qui a adapté ses textes au théâtre.
Factuel était au Festival de la Rochelle pour la première présentation du film par la réalisatrice Julie Bertucelli.

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Hélène est autiste. Elle ne peut ni tenir un stylo, ni écrire sur un clavier, ni lire un livre. Elle ressemble à une enfant grimaçante dans un corps de 30 ans. Même si ses mimiques sont insondables, elle écrit et plusieurs de ses textes sont publiés. C’est sa mère qui a découvert son talent : « Un jour je lui ai présenté un alphabet en lettres découpées. Hélène les a assemblées pour composer des phrases sans fautes d’orthographe. Elle n’avait jamais appris à lire et à écrire. J’ai alors décidé de m’en occuper à plein temps et d’arrêter la prise en charge institutionnelle. Ça a été un grand plongeon. Il fallait que je sois là tout le temps ».

Elle lui confectionne aussitôt un alphabet fait de lettres en papier collées sur du plastique. Hélène assemble les lettres. La mère recopie les mots et remet les lettres dans une boite en bois.

La jeune autiste se révèle être une poétesse magicienne qui ordonne les mots avec la langue qui est la sienne. Sans avoir fréquenté l’école, son usage de mots souvent compliqués est une énigme : « je guette les étoiles qui brillent dans ma tête » écrit-elle dans « Algorithme éponyme ».

Une autre et belle manière d’être au monde.

Reconsidérer les schémas sur la normalité

L’aventure continue lorsque Julie Bertucelli découvre Hélène et décide de faire un film avec et sur elle : « Je crois beaucoup en la force de la vie et ça m’intéresse d’entendre des gens qui croient à une ouverture sur le cosmos. Je ne crois pas en Dieu », expliquait la réalisatrice lors de la présentation du film.

Le piège était de mettre trop l’accent sur l’étrangeté de la jeune fille et c’était mon inquiétude à la vision des premiers plans. Mais très vite le film prend son envol, insiste sur la dimension littéraire, donne à reconsidérer les schémas habituels sur la normalité.

Julie Bertucelli invite à aller au-delà des apparences, à remettre dans une autre perspective le droit à la différence. « Mon cornichon de cerveau », dit non sans ironie, la poétesse.

Hélène qui s’est rebaptisée « Babouillec » invite à son tour à regarder ce qui nous échappe quand on rencontre quelqu’un ; sans la perspicacité de sa mère, la jeune femme serait encore murée sans pouvoir libérer ses magnifiques textes poétiques. « Je suis née un jour de neige, d’une mère qui se marre tout le temps. Je me suis dit, ça caille, mais ça à l’air cool la vie. Et j’ai enchaîné les galères », écrit Hélène en guise de CV littéraire. Ses premiers livres « Raison et acte dans la douleur du silence », « Algorithme éponyme » et « Soif de lettres » sont édités aux éditions Christophe Chomant.

Du cinéma au théâtre

La belle histoire se poursuit lorsque deux metteurs en scène de théâtre, Pierre Meunier et Marguerite Bordat, découvrent à leur tour les textes de Babouillec et les adaptent sous forme d’un happening poétique. « Forbidden di sporgersi » d’après « Algorithme éponyme » présenté en off à Avignon en 2015, se jouera à Paris au Théâtre de la ville (salle des Abbesses) du 20 au 28 février 2017.

« Les mots d’Hélène rencontrent l’espace théâtral. Elle a une liberté que me sidère et me rend envieux. Très vite on s’est posé la question ; est-ce qu’on sera à la hauteur de cette liberté ? Petit à petit on a livré un écho théâtral  à ce texte qui déclenche l’envie de lire », expliquait Pierre Meunier à l’issue de la projection.

Quelques questions encore dans le public ému. Babouillec cherche des lettres dans la boite en bois et répond à la question d’un spectateur sur sa perception du film.

A nous de dépasser la surface des choses pour pénétrer dans le vaste univers de la poétesse, son voyage intersidéral, un « va et vient avec le cosmos », comme elle le précise.

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