Défilé du 14 juillet : les manifestants et certains médias ciblés

Une trentaine de Gilets Jaunes ont profité du passage des élus et des représentants pour scander Marseillaise et slogans lors du défilé militaire du 14 juillet à Besançon. La fête nationale 2019 restera marquée par la répression policière qui a suivi et une vérification d’identité au poste de police pour les manifestants, dont un correspondant de Radio Bip qui couvrait l’événement. Notre correspondant à lui-même été bousculé et apostrophé nommément par la police. La réaction de la rédaction est à lire en bas de son article.

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19h45, avenue d’Helvétie à Besançon. Une foule compacte de plusieurs centaines de personnes se presse pour assister au défilé du 14 juillet, où de nombreux corps d’État sont honorés par une marche triomphale et solennelle. Militaires des bataillons ou unités spécialisées, gendarmes, sapeurs-pompiers, douanes, anciens combattants, ou encore policiers municipaux, animent une cérémonie entre prises d’armes, remises de distinctions, et parades à pied ou motorisées.

Malgré la météo maussade et l’austérité inhérente à l’événement, les spectateurs semblent conquis notamment au passage des véhicules blindés et ceux du service départemental d’incendie et de secours du Doubs. Pour l’occasion, la rue est pavoisée de larges drapeaux tricolores, alors que de nombreux fanions sont distribués. Un pique-nique « géant » avec guinguette parc Micaud suivait, avant les feux d’artifice tirés depuis la tour des Glacis à 22h30.Photo : Toufik de Planoise

Mais la crainte des autorités était bien sûr de revivre les mêmes scènes, largement médiatisées, qui se sont déroulées cette journée à Paris. Et en particulier les sifflets alloués au président de la République, une image dévastatrice pour l’exécutif, et les échauffourées sur les Champs-Élysées. À 20h10 arrivent élus et représentants, dont le préfet du Doubs Joël Mathurin, le maire de la ville Jean-Louis Fousseret, les sénateurs du Doubs Jacques Grosperin et Jean-François Longeot, les députés du Doubs Eric Alauzet et Fanette Charvier, ou encore Odile Faivre-Petitjean et Patrick Ayache représentant respectivement la présidente du département Christine Bouquin et la présidente de région Marie-Guite Dufay absentes.

Marseillaises et slogans au passage des élus

Une trentaine de Gilets Jaunes - bien que dépourvus de chasubles - entonne alors la Marseillaise, mais est rapidement déstabilisée par des policiers affectés à contenir tout « débordement », parfois avec brutalité. Plusieurs contestataires sont ceinturés, mis au sol, menottés, une dame âgée repoussée tombe durement, Frédéric Vuillaume, presque toujours en tête des manifestations Gilets Jaunes avec son mégaphone et plusieurs fois placés en garde à vue, est maîtrisé par strangulation pendant que sa femme Marie prend des coups de tonfa sur les bras...

Les slogans prennent rapidement le relais, avec notamment la reprise du célèbre refrain de Dominique Grange « à bas l’État policier. » Pendant une petite dizaine de minutes, le groupe donne de la voix en parallèle de son expulsion. Certains lèvent ostensiblement les mains, un geste devenu récurent face aux forces de l’ordre pour dénoncer la violence policière et en référence à l’affaire des lycéens de Mantes-la-Jolie. La situation sous contrôle pour les forces de l’ordre, on imagine un dénouement apaisé.

Des entraves à la liberté de la presse

Je quitte alors le périmètre réservé à 20h20, pour rejoindre le groupe de manifestants en face qui est exfiltré en direction du pont Denfert-Rochereau. Dans ce corridor côté quais dédié aux spectateurs, les déplacements sont alors totalement libres, à l’exception des « perturbateurs ». Passants et journalistes évoluent donc à leur guise malgré l’opération de police. Arrivé sur place moins de cinq minutes après, les choses vont s’envenimer pour moi.

Comme l’exposent les « lives » du reporter de Radio Bip et de Frédéric Vuillaume, les clichés de photographes indépendants, et des prises de badauds, je suis brutalement stoppé par des agents dont peu portaient leur numéro d’identification RIO, pourtant obligatoire. Un premier fonctionnaire me saisit par mon sac à dos siglé média, pendant qu’un membre de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) entrave physiquement mon avancée et commence les dérapages verbaux.

« Toufik tu ne passes pas » assène-t-il, ce à quoi je réponds en indiquant ma fonction de correspondant pour Factuel.info et qu’une partie de la foule crie « il est de la presse. » Insuffisant, puisque la seule réponse sera « tu me fais chier ». Finalement, la justification tombe : il s’agirait d’une mesure « classique » d’inviolabilité du dispositif sécuritaire. Pourquoi ne la réserver qu’à une seule personne nommément citée ? Mystère.

« Monsieur Bip, vous venez avec nous »

Les choses finissent par se calmer, du moins en apparence. Je quitte le secteur pour me rendre à Planoise et couvrir la liesse liée au match de foot de l’Algérie. Je n’assisterai donc pas aux péripéties qui suivront. Vers 20h45, l’ensemble des opposants se retrouvent avenue Cusenier, à proximité du parking des Beaux-Arts, pour aller boire un café. Ordre est alors donné de procéder à l’arrestation des personnes présentes. Direction le commissariat, officiellement pour un contrôle d’identité impossible à effectuer sur place, justifiera plus tard la préfecture. Pas grave si tous sont déjà connus des services et que beaucoup sont en possession de pièces valides.

Un échange surréaliste va ensuite se dérouler entre un policier et notre confrère de Radio Bip après qu’un uniforme lui a demandé qui il était. Une fois l’éclaircissement apporté, il se voit objecté « ah oui donc vous êtes avec eux ». Il est lui aussi emmené par la force : « Monsieur Bip, vous venez avec nous. » Arrivé au commissariat avec une quinzaine de Gilets Jaunes, il lui est enjoint de « couper son téléphone », autrement il risquerait de « tomber et de se casser accidentellement », témoigne-t-il.

Outre les intimidations, ces menaces à peine voilées et un usage procédural dont la légalité pose question, plusieurs données personnelles comme le numéro de téléphone ont été systématiquement demandés, ce qui dépasse largement les possibilités de la procédure. Tous sont rapidement libérés, moins d’une heure s’étant écoulée entre leur entrée et leur sortie de la Gare d’Eau.

 

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