« De toutes mes forces » : la niaque et la pudeur !

A l’affiche depuis mercredi De toutes mes forces, de Chad Chenouga, est un récit en partie autobiographique qui fait suite à un court-métrage tourné au centre ville de Besançon. Un film superbe avec Yolande Moreau et Khaled Alouach, à voir absolument

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A l’affiche depuis mercredi De toutes mes forces de Chad Chenouga, un film autobiographique qui fait suite à un court-métrage intitulé Rue Bleue, tourné en 1999 au centre ville de Besançon, et à 17, rue bleue, long-métrage de 2001 également basé sur sa propre histoire.

Avec le sentiment peut-être de ne pas avoir tout dit, le cinéaste revient sur le deuil avec son film « De toutes mes forces ». Il lui fallait encore du temps pour parler de son histoire intime et qui sait, quelques années plus tard, la raconter encore, quelle soit la sienne et pas seulement car il invite le spectateur à la partager avec la délicatesse des grands cinéastes.

Dès les premières images, Nassim un jeune adolescent s’occupe de sa mère malade en rentrant du collège. Au retour d’un voyage scolaire, il la retrouve morte. Plan pudique du jeune garçon vu de dos. Dans le flou de l’image, au loin, les funérailles mises à distance. Chad Chenouga ne filme pas le chagrin en face, il cherche comment raconter cette histoire avec une immense pudeur et comment faire ressentir au spectateur le trouble, la souffrance et la culpabilité sans pour autant le prendre en otage.

Avoir la niaque

De la même manière, et pour des raisons qui lui appartiennent, Nassim, qui vit ensuite dans un foyer, ne veut surtout pas que ses camarades sachent où il habite. Il crâne toujours et s’invente un oncle chez lequel il réside. Secrètement il aimerait rejoindre ce monde bourgeois où tout paraît plus simple. Et pourtant c’est la solitude qu’il retrouve le soir en rentrant au foyer.

Par la suite, il tisse aussi des liens avec les autres jeunes du foyer. Parfois dans la violence. Parfois dans l’entraide avec les très belles séquences de révision avec une jeune étudiante (chacun s’épaule pour tenir debout). Parfois dans la complicité sous l’œil d’une éducatrice au grand cœur, solidement interprétée par Yolande Moreau. Rien n’est ni noir, ni blanc. Tout est nuance. Chad Chenouga le sait et il en fait la forme de son film.

De très belles séquence comme la sortie « vêture » des garçons du foyer ou d’autres, magnifiques de danse montrent clairement ce qui tarabuste le cinéaste : avoir souffert et en tirer la force de vivre. Cela s’appelle « La niaque ». C’était le titre initial film. Plus parlant semble-t-il, au regard des images du film.

« Avec le temps, va, tout va bien… »

Revenir sur sa propre histoire, c’est aussi pour Chad Chenouga la raconter différemment, mettre de la distance compte tenu du temps qui passe. Trouver des idées pour tordre le cou à la réalité tout en gardant l’émotion originelle ; ainsi le dernier message téléphonique de sa mère devient pour Nassim une sorte de berceuse chargée d’interrogations et de doutes. Il l’écoute et le réécoute pour tenter de comprendre.

De toutes mes forces ne laisse rien au hasard ; Chad Chenouga travaille la réalité comme la matière possible de son cinéma avec des incursions dans le présent apportées par sa troupe d’acteurs. Quelque chose du tournage affleure chaque séquence et rend perceptible le travail réalisé avec les comédiens pour la plupart non professionnels ; on pourrait parler aussi d’une création entre les acteurs, qui donne à voir - de manière sensible et sans emphase - ce passage de l’adolescence à l’âge adulte à travers la vitalité et l’énergie de chacun. La fierté aussi.

Khaled Alouach, auquel le réalisateur prête quelque chose de son visage, n’est pas tout à fait lui, ni tout à fait un autre. Le film s’illumine à la lecture d’un texte de Beaudelaire 
Comme d’autres par la tendresse,
Sur ta vie et sur ta jeunesse
Moi je veux régner par l’effroi

Quelque chose de la beauté et de la fragilité est là : Poème ou danse. Cinéma sur fond bleu tendre.
Avec le temps, va, tout va bien chantait aussi Léo Ferré…

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