Coronavirus : la tardive mise à contribution du privé

En début de semaine, la direction du CHU de Besançon s’impatientait encore de la lenteur des ouvertures de lits dans les établissements privés. Le jeudi, la clinique Saint-Vincent accueillait ses premiers patients. Le groupe C2S, nouvel acteur incontournable de la santé privé en Franche-Comté, programme l’ouverture d’environ 55 lits dans la région d’ici le 23 novembre. Alors que le pic d’hospitalisation est attendu dans les prochains jours, reste à voir si les cliniques jusque-là peu sollicitées par l’ARS, seront efficacement mises à contribution pour soulager l’hôpital public.

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Est-ce que le privé prend le relais alors que le pic d’hospitalisation est attendu dans les prochains jours ? « Il faut leur poser la question ! » renvoie Chantal Carroger, directrice générale du CHRU de Besançon lors d’une conférence de presse le 10 novembre. Malgré les besoins de l’hôpital, l’aide des cliniques tarde à se concrétiser. « On a demandé au privé de nous soutenir, ils doivent ouvrir quatre lits de soins intensifs le 16 novembre, puis quatre autres le 23 novembre. Pour nous c’est un peu tard, parce que la bataille, c’est dans les jours qui viennent », s’impatiente-t-elle, pressée de disposer de ces huit lits supplémentaires.

Évidemment, la récente fermeture au CHU de 28 lits de soins de suite et de réadaptation (SSR) sur le site de Saint-Jacques, faute de médecins, n’arrange rien. Quelques places de SSR avaient été ouvertes à la clinique Saint-Vincent, mais il en faudrait davantage pour décharger des places de réanimation au CHRU de Besançon.

« Il semblerait que sur le bassin, nous étions encore un peu en retard dans les relations entre privé et public », rapporte ensuite Anne Vignot, maire de Besançon et présidente du directoire du CHRU, en évoquant ses discussions avec le préfet du Doubs. Elle ne se dit pas au fait de ce que font, ou ne font pas, les cliniques privées, elle espère toutefois que tous feront face et assure qu’aujourd’hui, la coordination menée par l’ARS se déroule dans de bons termes.

C2S, un acteur majeur depuis septembre 2020

Et cela dépend grandement des capacités de C2S qui s’est progressivement imposé comme l’acteur majeur des établissements de santé privés en Franche-Comté. Ce groupe stéphanois est devenu propriétaire des cliniques Saint-Vincent à Besançon et Saint-Pierre à Pontarlier en septembre 2020. C2S possède aussi la polyclinique de Franche-Comté, à Besançon, et celle du Parc, à Dole, la clinique Saint-Martin à Vesoul et celle du Jura à Lons-le-Saunier. Il vient de créer un Pôle Territorial de Santé pour structurer son offre de soin entre ses établissements.

Joint par téléphone, Gauthier Escartin, directeur du pôle Franche-Comté de C2S et de la clinique Saint-Vincent, se défend d’arriver après la guerre à Besançon. « La montée en charge du Covid s’est faite après les autres territoires, c’est pour ça que rien n’a été officialisé ». Il relate des discussions régulières avec les hôpitaux et les institutions, mais pointe tout de même les délais d’autorisations de médecine nécessaires et délivrées par l’ARS.

Le directeur de pôle C2S, affirme que la demande de prise en charge des patients Covid à Besançon date du jour même, soit le jeudi 12 novembre, et que celle-ci a été immédiatement satisfaite. « On vient d’ouvrir six lits de médecine Covid-19 et on a reçu trois premiers patients aujourd’hui, on en reçoit trois autres demain. On peut monter jusqu’à 18 lits, mais pour l’instant, on en ouvrira 12 ».

Des lits de médecine ouverts à Lons-le-Saunier depuis quinze jours

Il confirme que la clinique Saint-Vincent accueillera aussi quatre lits d’unité de soins intensifs le 16 novembre, et quatre autres le lundi suivant. Et si cette clinique venait à être saturée, huit lits de médecine seraient disponibles à la Polyclinique de Franche-Comté. Dans le Jura, qui a été le premier département de la région durement touché par la deuxième vague de coronavirus, C2S avait ouvert il y a 15 jours 16 lits de médecine dans sa clinique de Lons-le-Saunier. Ils sont d’ailleurs loin d’avoir tous été occupés, entre 5 et 10 simultanément.

Vesoul vient d’ouvrir 15 lits de médecine avec déjà 4 patients depuis le 12 novembre. Sept personnes de la clinique de Vesoul sont aussi parties à l’hôpital en soutien aux équipes de réanimation. À Pontarlier, site de soins de suite, dix lits non Covid sont ouverts depuis une quinzaine de jours aussi pour dégager l’hôpital. 20 lits de médecine y seront ouverts lundi. À Dole, les chirurgiens de l’hôpital vont aller opérer à la clinique, où les urgences seraient transférées si l’hôpital était saturé.

Saint-Vincent ne baissera ses activités que de 20 %

Les opérations sont déprogrammées à Lons-le-Saunier et à Vesoul afin de transformer des lits de chirurgie en lits de médecine. Sur Besançon, c’est surtout des lits de SSR qui seront armés différemment à Saint-Vincent. La clinique ne prévoit qu’une baisse d’activité de l’ordre de 20 % la semaine prochaine. C2S garde encore des réserves, mais le directeur du pôle C2S en Franche-Comté, qui vient de recevoir 4 respirateurs, se dit maintenant totalement prêt à répondre aux appels des hôpitaux et de l’ARS.

L’ARS n’est pas très loquace sur la manière dont la politique de soin s’articule entre ces différents acteurs. « Face à la crise sanitaire, les établissements publics et privés, pleinement engagés dans le dispositif de lutte contre le coronavirus, poursuivent le renforcement de cette coopération sur tout le territoire régional pour assurer la continuité de la prise en charge des patients atteints ou non de la Covid-19 ».

Dans les faits, cette coopération n’avait pas encore véritablement pris forme et devra encore faire ses preuves sur le terrain. Puisqu’aujourd’hui, presque tout l’effort de soin repose sur les établissements publics. Les CHU sont indispensables pour la prise en charge des patients qui nécessitent une réanimation. Mais l’aide que les cliniques pourraient apporter en accueillant plus de patients venus des hôpitaux au bord de la saturation ne semblait être qu’une option de deuxième ou troisième ligne pour l’ARS. Maintenant que les cliniques se positionnent dans la bataille, reste à savoir comment celles-ci seront intégrées dans le dispositif de lutte contre le coronavirus pour tenter de soulager l’hôpital public.

Actuellement, la Bourgogne–Franche-Comté est la deuxième région la plus touchée par cette deuxième vague en Fance, ses hôpitaux prenaient en charge 1 751 personnes pour Covid-19, dont 235 en réanimation, le 13 novembre. En Franche-Comté 626 patients étaient hospitalisés. Avec les lits déjà mis à disposition, ceux à venir et ceux qui pourraient l’être en cas de nécessité absolue, le groupe C2S annonce pouvoir fournir une capacité de 95 lits au total. Ils arriveront peut-être après le pic, mais ils n’en seront pas moins précieux pour la lente décrue qui suivra.

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