Claire Simon : être femme et travailler dans le cinéma

Du 19 au 28 novembre à Besançon, une manifestation intitulée « Quand je dis non c’est non » est organisée par une dizaine d’associations. A cette occasion, nous publions un entretien avec Claire Simon cinéaste rencontrée au dernier Festival de Pontarlier, le cinéma au féminin…

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Organiser des rencontres cinématographiques spécialement dédiées aux femmes, est-ce que cela ne risque pas d’augmenter les clivages existants ?

Personnellement je ne suis pas pour et quant à l’intitulé des rencontres de Pontarlier (Le cinéma au féminin, NDLR) je n’y étais pas favorable et je l’avais dit. Mais ces rencontres ont été très sympathiques.

Quand vous avez commencé de faire du cinéma, le domaine de la réalisation était très masculin : peu de femmes étaient réalisatrices et beaucoup étaient monteuses. Vous travaillez seule au cadrage, pourquoi ce choix ?

Le cadre est peut-être ce qu’il y a de plus personnel dans un film et pour moi ça ne se partage pas. Le cadre est l’endroit de ma liberté. Je n’ai besoin de parler à personne. Je n’ai jamais appris à cadrer. J’ai appris toute seule.

Qu’est-ce que représente la parité dans le cadre des métiers du cinéma ?

La parité c’est que chaque poste puisse être occupé par une femme ou un homme. Or les postes les mieux rémunérés et respectés dans le cinéma sont traditionnellement occupés par des hommes de manière majoritaire.

Pour vous que faudrait-il faire et mettre en œuvre pour que le travail des femmes dans le cinéma trouve toute sa place ?

Comme partout ailleurs il faut une mutation qui est peut-être en route. Il a suffi qu’Obama soit élu pour qu’on s’aperçoive que la grande majorité des journalistes sont blancs. Ce qui est encore le cas. Mais maintenant dans le cinéma il y a en France beaucoup plus de souplesse et d’acceptation des femmes dans les postes traditionnellement masculins. On sent ces derniers temps qu’il y a une inquiétude de ne pas paraître assez équilibré de la part des employeurs.

D’après vous quelle est la lisibilité du travail cinématographique des femmes dans le cinéma ?

Elle est en proportion avec le nombre de films faits par des femmes et leur budget, leur exposition. C’est à dire moins que les hommes.

Sur 20 films sélectionnés en compétition à Cannes ces deux dernières années, seulement quatre sont réalisés par des femmes. Est-ce que les femmes éprouvent des difficultés pour la recherche de financements ?

Oui.

Et dans ce cas, pourquoi ?

Parce que la majorité des décideurs sont des hommes et que leurs goûts correspondent à leurs idéaux et à leurs fantasmes.

Et comment cela peut-il évoluer ?

Avec plus de femmes décisionnaires, mais aussi avec de la solidarité entre femmes, sans trop de rivalités.

Est-ce que les organisations syndicales sont à la pointe pour répondre aux questions posées par les réalisatrices et techniciennes du cinéma ?

Pas vraiment.

Quelle forme de luttes faut-il envisager pour que le travail des femmes soit enfin pris en considération ?

Eh bien, récemment l’enquête de Médiapart et la déclaration d’Adèle Haenel ont fait bouger un tout petit peu les mentalités.

Parlons de Me Too. Adèle Haenel vient de révéler qu’elle avait subi des attouchements et du harcèlement sexuel sur un tournage alors qu’elle était adolescente. Elle ouvre une brèche importante : « La honte isole de la prise de parole. Nous, on met en commun. Ça fait de nous un peuple ; c’est important de constituer ce peuple militant actif qui contribue à la société. » Il semblerait que dans ce domaine les pratiques des hommes ne changent guère. La parole se libère et c’est bien. Comment faudrait-il faire pour qu’il y ait un véritable changement ?

Je crois que le sentiment de faire partie de la communauté des femmes s’impose peu à peu et c’est la condition de la lutte. Parmi tous les opprimés, seules les femmes ont toujours été éparpillées...

 

 

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