Adjoint PCF au maire de Besançon, administrateur CGT de GRDF, président de France Eau Publique qui fédère les régies publiques de l'eau, président de l'association des élus communistes et républicains du Doubs, Christophe Lime se lance dans la bataille des législatives sur la circonscription actuellement tenue par l'écologiste Eric Alauzet. Militant apprécié bien au-delà de son camp pour son aptitude au contact et son engagement sur les dossiers, il explique une démarche dont la dimension personnelle rompt avec les habitudes de son parti qui, généralement, présentait en bloc ses candidats.
Le PCF présentera-t-il quelqu'un dans la première circonscription ? Vous êtes-vous calé avec la France insoumise qui a annoncé des candidats partout ?
Notre idée, depuis deux ou trois mois, est de parvenir, tant localement que nationalement, à des candidatures communes. On a soutenu la candidature de Jean-Luc Mélechon à la présidentielle, on appelle à voter pour lui au premier et au second tour...
Avez-vous voté pour sa désignation lors du vote des militants communistes ?
Je pensais qu'il fallait d'abord régler la question des législatives. Elles seront tout aussi importantes que la présidentielle, quel qu'en soit le résultat. Il y aura besoin de députés proches de nos idées de façon large...
C'est à dire ?
Front de gauche, Verts, contestataires, France insoumise, aile gauche du PS..., nous avons des valeurs communes malgré des différences : contre la loi travail, contre la régression sociale, y compris sur des problématiques environnementales... Je suis pour de l'intelligence dans les négociations. Clémentine Autain n'a par exemple toujours pas de circonscription. Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'elle dit, mais ce serait bien qu'elle soit députée. Aujourd'hui, on est bloqué nationalement car la France insoumise dit qu'elle aura des candidats partout. Au niveau local, Daniel Conversy nous a dit : "pas de négociation locale, tout passe par le national, sauf si on adhère à la France insoumise" ! C'est comme si je demandais à Ensemble d'adhérer au PC pour commencer à discuter...
N'est-ce pas une façon de faire monter les enchères ?
Oui, mais il n'y a pas de discussions...
« La campagne législative doit démarrer maintenant. »
Êtes-vous désigné candidat par le PCF ?
Je fais acte de candidature PCF-Front de gauche. Je revendique le Front de gauche qui a toujours une actualité, comme les perspectives de l'Humain d'abord de 2012...
Vous semblez dans le piège de la 5e République avec deux élections quasi parallèles demandant des stratégies différentes...
Oui... Mais on est bien candidats dans la 5e République. On va essayer d'y arriver dans un système qui ne nous plait pas, on va lier fortement les deux élections.
Aujourd'hui, quatre candidats paraissent pouvoir accéder au second tour : Le Pen, Fillon, Macron et Mélenchon...
J'en mettrais cinq. Le choix du candidat PS sera important. Ce sera soit l'aile droite, soit l'aile gauche. A partir de là, la campagne du PS sera différente, et le poids du PS pèsera. Ceux qui peuvent donner l'ordre d'arrivée du quinté sont bien malins. Mais qui que ce soit qui sera au pouvoir, il faudra bien des députés, des organisations syndicales... Nous voulons renforcer l'aspect parlementaire au niveau des décisions, et diminuer les pouvoirs du président de la République car ça fait royauté. C'est pour ça que nous voulons que la campagne législative démarre maintenant, pour ne pas être bouffés par la campagne présidentielle.
« Les socialistes de gauche ne sont pas tous infréquentables ! »
Examinons plusieurs hypothèses, à commencer par celle de Mélenchon accédant au second tour...
On l'appuiera le plus loin possible pour qu'il soit élu. Mais il aura besoin d'alliance. Il faudra à l'Assemblée nationale une majorité plus large que le Front de gauche ! Les socialistes de gauche ne sont pas tous infréquentables !
Êtes-vous surpris des difficultés du PS bisontin ?
On a davantage de jeunes qu'eux. Nous avons su nous renouveler, on a à nouveau des Jeunes communistes. Des choses vont bouger au PS, il faudra qu'ils choisissent une stratégie économique, sociale, environnementale... Dans l'opposition, on peut gérer des différences, c'est plus compliqué quand on est au pouvoir. Ceci dit, depuis que je fais de la politique, on annonce l'explosion du PS. Ce n'est pas la première fois qu'il y a des tensions. Et en face de la droite dure, d'une extrême-droite structurée, on doit être en capacité de rassemblement. J'ai autre chose à faire que de me battre avec des partenaires avec lesquels je partage 90% des orientations. Alors que si la droite revient au pouvoir, ça risque de ne pas être pour une période courte.
Mélenchon serait favori d'un second tour qui l'opposerait à Le Pen ?
Oui... Mais laissons faire la campagne législative... Je connais bien la circonscription, je suis né à Bregille, j'ai travaillé avec les communes avoisinantes, notamment sur le périmètre de protection de la source d'Arcier. Quand Barbara Pompili, la secrétaire d'Etat à la biodiversité, est venue à Besançon, c'est ça qu'elle a remarqué. On a réussi à mettre autour de la table des gens ayant des intérêts contradictoires mais ayant compris qu'il fallait une contractualisation gagnant-gagnant.
« s'il y a des fermes bio, il faudrait une fruitière bio. »
Le bassin versant d'Arcier n'est toujours pas converti à l'agriculture bio qui pourrait vraiment protéger la source, comme à Vittel...
C'est vrai, mais quand on baisse les pesticides de 30%, ça bouge. Quand on multiplie par deux ou trois les terrains conventionnés, on franchit une marche. On pousse au bio, mais il faut passer par cette étape. Et s'il y a des fermes bio, il faudrait une fruitière bio. C'est la filière qui m'intéresse.
L'association SOS Loue et Rivières comtoises propose de passer toute la filière comté en bio en dix ans...
Il y a deux fruitières sur le secteur, l'idée est d'en passer une en bio. Ce qui se passe à Arcier est cité en exemple par l'agence de bassin Rhône-Méditerranée-Corse !
Cela, c'est un travail d'élu local, mais être député, c'est représenter la nation !
Le but c'est de savoir quel sens politique on donne à tout cela. Par exemple, je suis en accord avec Estrosi sur la gestion publique de l'eau : il est mon premier vice-président à France Eau publique...
« Je suis persuadé que davantage de gens pourraient voter pour moi
sans pour autant être communiste ou Front de gauche,
certains me l'ont dit. »
Y aura-t-il une dynamique législative si Mélenchon est haut ?
Je peux l'amplifier. Certains me disent : vous êtes un bon élu, efficace, mais quel dommage que vous soyez communiste, pourquoi ne changez-vous pas de parti ? Je réponds que je ne suis pas de ceux qui sont prêts à changer de parti pour un poste, on m'a d'ailleurs approché. Mais je suis persuadé que davantage de gens pourraient voter pour moi sans être communiste ou Front de gauche, certains me l'ont dit. Ils sont sensibles à l'aspect concret des réalisations, notamment face au candidat de la droite dure, Ludovic Fagaut, ou face à Eric Alauzet qui revendique, qui a soutenu les politiques d'austérité pour les collectivités locales, le CICE. Et dire cela n'enlève pas les valeurs que je lui reconnais. J'ai repris derrière lui la présidence du Sybert, on est aussi bosseur l'un que l'autre, mais il a des convictions personnelles différentes des miennes...
A lui la mairie, à vous l'assemblée nationale ?
On verra s'il assume le soutien du PS... En tout cas, on a quant à nous un espace politique, des idées. On n'a pas désigné de suppléante pour montrer qu'on est ouvert à la discussion...
Ce pourrait être Claire Arnoux ?
Aucun souci ! Même si elle porte des idées différentes des miennes. Cela fait quinze ans que je suis élu, que je peux aller dans les manifs CGT les plus dures, personne ne me fait de remarque sur mes engagements. Les Verts m'ont fait changer d'idées sur l'urbanisme, les transports, les circuits courts. J'étais davantage sur le "fabriquons français", c'est plus parlant de dire "fabriquons local" !
Et si c'était Fillon-Le Pen au second tour ?
Personnellement, je m'opposerai toujours au FN. Je le hais. Monter les populations les unes contre les autres, stigmatiser, tout ce que porte le FN, je le déteste... Mais politiquement, il faut y réfléchir.
Ne craignez-vous pas une débandade à gauche en direct à la télé comme le 21 avril 2002 ?
Attendons la campagne, de voir ce que fera le PS, ne brûlons pas les étapes.
Certes, mais dans cette hypothèse, l'élection la plus importante pour la gauche ne deviendrait-elle pas les législatives ?
D'accord. Dans ce cas, les législatives seraient plus importantes, le contre-pouvoir serait à l'assemblée.
Cela signifie que vous ne rejetez pas une cohabitation ?
Il ne faut rien rejeter aujourd'hui, il peut se passer tant de choses dans les six mois...
« Macron est un imposteur de la politique. »
Comment envisagez-vous la situation dans le Doubs ?
Je serai candidat soutenu par le PCF, on fera une proposition pour que ce soit validé par le conseil national...
Où en est la procédure pour les autres circonscriptions ?
Le parti va réfléchir à d'autres candidatures. On espère des candidatures uniques PC-Ensemble-France insoumise, et avoir des orientations nationales.
Il pourrait y avoir vous pour le PC dans la seconde, et une répartition dans les quatre autres ?
On peut l'imaginer, mais les copains de Montbéliard souhaiteraient en avoir une...
On voit pas mal de gens peu politisés mais penchant à gauche parmi les soutiens de Macron...
Macron est un imposteur de la politique. Il va jusqu'à critiquer ses propres mesures. Il a été deux ans au gouvernement et ne les avait pas contestées ! Il est entre un PS en difficulté et une droite dure, là où il a toujours eu un centre-droit/centre-gauche qui a permis à Bayrou de faire un score non négligeable. Mais est-ce que ça jouera jusqu'au bout ? On n'a pas beaucoup de valeurs communes avec Macron. Eric Alauzet veut rassembler de Mélenchon à Macron, mais ce n'est pas possible, il faudra choisir.
« Coluche s'est trompé : il y a toujours des communistes,
mais il n'y aura bientôt plus de cabines téléphoniques !»
La campagne de Mélenchon a l'air de prendre, non ?
Il y a cinq ans, il réunissait 4500 personnes au Palais des sports de Besançon. Il sait faire campagne, il a des points forts, des qualités de tribun, d'animation...
On entend dire qu'il veut aussi faire la peau du PC...
Oui, il n'est pas le premier. Il y a trente ans, Coluche disait : "dans peu de temps, ils feront la Fête de l'Huma dans une cabine téléphonique" ! Aujourd'hui, la Fête de l'Huma est la plus grande fête populaire de France et Coluche s'est trompé : il y a toujours des communistes, mais il n'y aura bientôt plus de cabines téléphoniques !
Votre parti n'est pas exempt de difficultés internes...
On a quand même abandonné le culte de la personnalité et le centralisme démocratique. Nos différences sont tout à l'honneur du PC. On peut avoir des stratégies différentes, mais il n'y a pas eu de coups d'éclat au conseil national. Et puis, ce n'est pas nous qui disons comme le FN, c'est le FN qui dit ce que nous disions avant. Pour les médias, c'est moderne quand c'est le FN qui le dit, ringard quand c'est nous...