La réalisatrice Anja Kofmel avait 10 ans quand ses parents lui ont appris la mort de son cousin Christian Würtemberg, journaliste parti en Croatie en octobre 1991, pour le compte d’une radio suisse. Il a été découvert assassiné dans la campagne croate, à côté de Vukovar le 7 janvier 1992 vêtu de l’uniforme d’une troupe de mercenaires internationaux.
Depuis elle n’a cessé de faire des cauchemars. Que s’est-il passé dans sa tête d’enfant à ce moment-là ? Un monde d’ombres en noir et blanc s’est déployé dans son imaginaire : nuée d’oiseaux noirs et chiens menaçants, arbres géants aux branches oppressantes. Au cœur de ce tumulte, un homme seul.
Vingt ans plus tard, Anja Kofmel décide de raconter l’histoire de Christian Würtemberg dans un documentaire d’animation : elle « essaie de comprendre comment son cousin né dans un pays en paix décide de rejoindre un pays en guerre ». Le film nait sous les traits vifs de dessins durs et effrayants. L’ombre dévore la lumière, le noir de l’encre envahit le blanc, image récurrente de cauchemars. La réalisatrice pose un cadre, un décor imprégné d’une grande noirceur dans lequel s’installent des archives d’images de guerre.
Au fil du récit, elle questionne la mère et le frère du journaliste. Elle prend le train pour Zagreb, descend à l’hôtel Intercontinental, le QG des journalistes de guerre. Elle cherche des témoins, reporters, mercenaires ayant croisé Christian Würtemberg pendant les quelques mois où il était en Croatie. Dans la communauté des envoyés spéciaux, il est connu sous le nom de Chris the Swiss. Elle apprend que le journaliste s’était lié d’amitié avec Eduardo Rosza Flores dit Chico, dont la double ascendance hongroise et bolivienne lui a permis d’être agent du KGB et de l’Opus Dei. Soupçonné de vouloir assassiner le président Evo Morales. Chico sera tué en 2009 par la police bolivienne.
Chico est arrivé en Croatie avec le statut de journaliste de presse qu’il troque contre l’uniforme d’une formation composée de soldats sympathisants d’extrême droite dans laquelle s’engage Chris the Swiss.
Chris the Swiss, journaliste, rêvait d’écrire un livre et avait décidé de ne pas rester observateur de la guerre mais de plonger dans le chaos. Attiré par le danger, le journaliste va se glisser dans l’ombre, et s’engager dans ce conflit fratricide aux côtés d’une organisation fasciste, mutilant et tuant les civils.
Le film tient à la fois d’un difficile travail de deuil (ce qu’elle découvre est terrifiant) et de recherche de la vérité (savoir ce qui s’est passé). À la fin du film, l’écharpe du jeune journaliste s’enroule comme une spirale, image de l’engloutissement dont on comprendra de manière lacunaire les raisons. Néanmoins, le film revient sur le conflit fratricide ayant enflammé les Balkans, sur l’emprise de la religion et sur la fascination des hommes pour la violence.
La projection gratuite du film se fera le 1er avril à 20h via la La 25 ème heure sur l‘adresse du site internet dédié au Festival Diversité : https://sallevirtuelle.25eheure.com/
Un débat sera animé ensuite par Factuel Info (Michèle Tatu) et Olivier Brenet (Les Oiseaux), Dom et Emma de Radio BIP.
