« Chez nous » fait sortir le loup du bois !

Le film de Lucas Belvaux, co-scénarisé par l'écrivain Jérôme Leroy, montre le mécanisme par lequel une femme admirable et généreuse se retrouve piégée par l'extrême-droite et ses mots qui mentent... A voir absolument.

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Ainsi donc l'extrême-droite semble-t-elle avoir davantage peur du film Chez nous que de l'affaire des assistants parlementaires de Marine Le Pen ! En attestent les réaction des dirigeants du FN au vu de la bande annoncveCar ce Chez nous, du cinéaste belge Lucas Belvaux, est diablement efficace. Les lecteurs du romancier Jérôme Leroy, co-scénariste, auront reconnu une part de l'ambiance du roman Le Bloc.

Il y a toutefois une petite différence. Dans le livre, on est à la veille de l'entrée au gouvernement d'Agnès Dorgelles, la cheffe du Bloc patriotique créé quarante ans plus tôt par son père... Dans le film, la même Agnès Dorgelles, toujours cheffe du parti, part à la conquête municipale d'une ville du pays minier, mais ne peut conduire la liste. Son représentant local, le bon et troublant docteur Berthier, malicieusement campé par André Dussolier, est chargé de trouver une tête de liste. Ce sera Pauline Duhez, une remarquable infirmière à domicile, dévouée, bosseuse, efficace, pas politique pour un sou mais au coeur penchant à gauche - un héritage familial.

C'est en fait une « tête de gondole », comme lui dira une vieille copine pas dupe de la manipulation dont Pauline est victime. Elle est en effet prise en mains par Berthier, mais aussi par l'appareil du Bloc, par sa cheffe en personne, dans un jeu où les mots sont à sens multiples, où la réalité est tordue pour entrer dans les éléments de langage, où les nobles sentiments sont utilisés pour des fins jamais vraiment avouées.

Aucune morale, aucun jugement surplombant

Un grain de sable enraye la machine à broyer Pauline qui s'est enclenchée. Elle retombe amoureuse de son petit ami de lycée, Stanko, entraîneur de foot de son fils à la ville. C'est aussi une petite frappe néo-nazie qui tabasse les migrants après avoir été viré du service d'ordre du Bloc... Pauline ne le sait pas, mais Berthier si...

Ce que le film montre, c'est aussi comment des gens s'engagent en politique, et notamment à l'extrême-droite. Il en montre aussi une conséquence, l'engrenage de destruction de sa vie sociale dans lequel s'est engagée Pauline sans s'en rendre compte. Sa présence sur l'affiche électorale au côté d'Agnès Dorgelles créé plus que des remous, des incompréhensions parmi ses patients et son entourage. Naïve, comme l'ont été réellement de vrais citoyens embarqués malgré eux dans des campagnes électorales du vrai FN, elle plonge sans comprendre ce qui lui arrive...

Jusqu'à... Il faut voir ce film. Comme il faut lire Jérôme Leroy. Il n'y a aucune morale, aucun jugement surplombant, tant dans ses romans que dans le film de Belvaux. Les personnages sont filmés à la même distance que des gens du quotidien, humains, non caricaturés, sincères. Cela ne les empêche pas, bien au contraire, d'être inquiétants. Et c'est tout le mérite des écrivains et des cinéastes de montrer comment. Comme le fit Brecht dans la première moitié du 20e siècle...

Car la culture, quand elle incite les spectateurs, comme les citoyens dans la vraie vie, à réfléchir au-delà des apparences, est bien dans son office. Et quand Florian Philippot s'insurge en réclamant qu'on impute le budget du film aux comptes de campagne des adversaires de Marine Le Pen, on rigole : le loup sort du bois !

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