« Chaque instant » ou comment peindre le vent dans les herbes…

C’est une première : Factuel info organise un cycle intitulé « Cinéma et peinture » et présente cinq films de François Royet. Quatre peintres donc : Claude Monet, Jean Daligault, Gustave Courbet et Charles Belle.

Pour continuer, nous avons choisi de vous présenter un film récent sur Charles Belle : « Chaque instant ». Et comme nous avons beaucoup de plaisir à communiquer avec vous avec ce ciné-club improvisé, nous vous proposerons très vite un sixième film : « Confiés à la forêt ». A suivre donc !

instant

Charles Belle est un peintre fasciné par la nature. Que dis-je ? Un peintre hanté par la beauté du végétal et son mystère. Depuis longtemps. Aussi emprunte-t-il différents chemins pour explorer ce monde organique, sensuel et fragile. Son travail oscille entre des gestes larges (« Ce chou si beau », « Les feuilles de mon figuier »), et, une multitude de longs traits dans « Chaque instant », création récente. Et pas seulement. Quel chemin prendre pour peindre de hautes herbes à peine entrevues sur une photo posée sur l’établi dans l’atelier du peintre ? Par quel chemin s’éloigner de la photo et inventer une toile car il s’agit de cela, chez le peintre, s’inspirer du végétal pour créer une œuvre éloignée de la vision figurative.

Comment rendre à l’herbe sa finesse et son chant voluptueux sous le souffle du vent ? Comment éclairer ce mouvement ? Comment superposer les couleurs jusqu’à obtenir la vérité de l’herbe, foisonnement de brindilles et hautes tiges dans l’infiniment petit des fossés ou dans l’infiniment vaste des paysages sauvages ? Comment pour le peintre, ne pas obtenir la vérité de l’herbe, mais celle de son imaginaire ? Dans « Chaque instant », Charles Belle se sert d’un socle déjà utilisé sur lequel il superpose des couleurs. Rien ne s’efface, et, dans les différentes strates de couleurs, naît une nouvelle toile sur la mémoire d’une autre.

Le goût de l’inachèvement

L’inachevé est au creux de chaque œuvre. Son art est une perpétuelle remise en cause. On ne sait pas par quelle alchimie secrète il invente l’or des ocres, le charnu du vert, l’insolence du rouge, et les fait jaillir sur la toile comme autant de possibilités d’inachèvement de l’œuvre. Et peu importe si l’herbe ne ressemble pas à la photo. Infatigable, le peintre travaille le jour et la nuit dans le silence épais où seuls l’aboiement d’un chien et les premiers chants d’oiseaux appellent les couleurs du jour naissant. François Royet cinéaste le regarde. La caméra joue à son tour avec la superposition. Le cinéma a l’avantage de composer avec le temps et de pouvoir montrer les tâtonnements en accéléré. Et la beauté naît de la vitesse de cette captation où chaque plan porte en lui l’essai d’une couleur et la vibration d’un autre désir. Lorsque les cloches du village sonnent, il arrive que, caché dans le jardin, François Royet maintienne le peintre à distance ; la caméra hésite, s’arrête sur le ciel marine pour descendre vers l’atelier et filmer de l’autre côté de la fenêtre, le peintre dans son atelier. Tapi dans l’obscurité, le cinéaste ressemble alors au spectateur de cinéma fasciné par le spectacle qu’il a devant lui. La fenêtre, sorte d’écran ouvert sur l’atelier donne à voir le peintre dans son inlassable et mystérieux geste de peindre.

 

  • Pour voir le film, cliquer ici.

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