Chaillot : la CNL accuse GBH de ne pas respecter la charte du relogement

Grand Besançon Habitat a donné congé à trois locataires de cet immeuble dont il a décidé la démolition et où vivent encore 19 familles pauvres. L'organisme invoque le refus de plusieurs propositions que la Confédération nationale du logement considère non conformes au document entériné en juin par la CAGB. Ce n'est pas l'avis du président de GBH, Pascal Curie.

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La Confédération nationale du logement accuse GBH de ne pas respecter la charte du relogement du Grand Besançon qui a été actualisée le 6 juin dernier. Cette affirmation s'appuie sur des propositions de relogement faites à trois locataires de l'immeuble Chaillot dont la démolition a été décidée en octobre 2015 dans des conditions controversées que nous avons déjà évoquées (lire ici).

La charte prévoit une procédure relativement encadrée pour organiser les relogements : entretiens individuels avec les locataires pour établir un diagnostic des besoins, suivi et accompagnement durant le processus par un référent unique, prise en charge financière du déménagement... Il s'agit notamment de « garantir la formulation de solutions de relogement assurant la mise en œuvre d'un parcours résidentiel positif pour les locataires des immeubles voués à la démolition », explique doctement ce document d'une vingtaine de pages signés par des collectivités (CAGB, ville, département), le préfet, la CAF et les bailleurs (GBH, Habitat 25, Saiemb, Néolia).

Pas moins de 6 euros par jour et par personne de reste à vivre...

La charte évoque les « souhaits des locataires » quant à la proximité avec le travail ou l'école, les attaches sociales ou familiale, la santé ou les services. Elle insiste particulièrement sur l'impact financier des relogements, précisant que « le taux d'effort de la famille devra rester inférieur, équivalent ou se rapprocher au maximum du taux d'effort initial, sauf souhaite de la famille de privilégier un confort supérieur ou une taille plus importante, compatible avec ses ressources ». Ce taux ne devra pas dépasser 30% et « tout [devra] être mis en place pour minimiser la part du coût logement dans leur budget ». Comme si ce n'était pas assez précis, le « reste à charge qui conditionne le reste à vivre » ne pourra pas être inférieur à 6 euros par jour et par personne.

Abdul Atrach, qui habite à Chaillot un appartement de 64 m² pour 363 euros, charges comprises, a reçu sept propositions, mais aucune n'est « conforme » aux exigences de la charte, estime-t-il. Cinq ont une surface nettement moindre (41 à 48 m²) pour un loyer chargé souvent plus important. Et encore n'est-ce pas facile de comparer car les charges ne sont pas toujours mentionnées.

Des deux autres logements proposés, l'un a une surface proche (59 m²), ne semble pas coûter plus cher, quoique les charges sont inconnues, mais c'est au troisième étage sans ascenseur, ce dont M Atrach ne veut pas. Quant au dernier, même surface et loyer chargé très proche, situé à l'Amitié, il dégrade ses conditions de transport : « c'est beaucoup plus long pour aller à la gare ».

Bref, sur sept propositions, une seule, cette dernière, est considérée par la CNL comme conforme à la charte. Or, le locataire doit en recevoir au moins trois afin d'avoir un minimum de choix. Abdul Atrach devrait donc logiquement recevoir deux autres offres... Mais il cependant reçu un congé de la part de GBH qui lui a donné six mois pour partir, soit jusqu'au 26 avril 2019.

Une situation sociale qui « mériterait de la considération
de la part de l'office du logement "social" »

Deux autres locataires ont également reçu un congé après avoir reçu des propositions de relogement que la CNL considère également comme non conformes à la charte. L'un habite un T6 de 111 m² dont le loyer chargé se monte à 545 euros. Les offres sont pour des T4 de 84 à 100 m² coûtant respectivement 571 euros avec chauffage individuel en plus, 675 euros et 715 euros. L'autre, occupant un T3 de 64 m² à 363 euros, s'est vu proposer des T2 de 47 à 53 m² à des loyers variant de 334 à 391 euros, mais avec chauffage individuel.

Du coup, la pression monte et la CNL dénonce une « intimidation » destinée à vider cet immeuble de 48 appartements des 19 locataires qui y vivent encore. L'association insiste sur le fait que seuls trois d'entre gagnent plus de 1500 euros : « les autres, retraités,chômeurs, précaires sont sous le seuil de pauvreté. Leur situation sociale mériterait de la considération de la part de l'office du logement "social" ». La situation fait rager Rosine Chavin-Simonot : « Quand on a démoli l'îlot Pasteur, on a pris le temps d'accompagner les gens, de recourir à des assistantes sociales. Or, ce n'est pas le cas à Chaillot, ça manque de respect. C'est même de la discrimination car on appuie sur les fragilités des gens... »

La CNL veut encore croire à la possibilité de ne pas démolir l'immeuble et table sur les différentes trajectoires administrative, politique et juridique du calendrier. « GBH se presse car si le bâtiment n'est pas vide en septembre 2019, il perdrait les subventions liées à la démolition », assure Jean-Paul Esnault, représentant de la CNL au conseil d'administration de l'office, et tête de liste aux élections qui se tiennent ces temps-ci. « S'ils accélèrent, c'est pour ne pas avoir le bouzin aux élections municipales » de mars 2020, ajoute Alain Genot.

« On veut que les dossiers soient établis correctement »

Face à cela, la contestation devant la justice administrative de l'arrêté préfectoral entérinant la démolition décidée par GBH dans un CA alors qu'elle n'était à son ordre du jour, a tout de la mèche à retardement. Retoquée devant le tribunal administratif de Besançon, la CNL a formé un recours devant la cour administrative d'appel de Nancy : « on a consulté les locataires, ils étaient unanimes », assure Alain Genot qui explique douter du succès d'une procédure engagée « non pour faire trainer les choses, mais pour trouver des solutions aux locataires ».

La CNL a ainsi proposé une « séance de travail » avec la préfecture, la CAGB et Soliha, le prestataire à qui a été confié la procédure de relogement, et notamment l'établissement des diagnostics individuels des locataires à reloger prévus par la charte évoquée plus haut. « Les dossiers semblent comporter des erreurs » euphémise la CNL. « Des gens ont refusé d'ouvrir à Soliha », rétorque Pascal Curie, le président de GBH, que Factuel a sollicité. « On a proposé d'accompagner Soliha pour mettre au point les dossiers, on veut qu'ils soient établis correctement », assure Alain Genot qui n'a toujours pas reçu de réponse de la part de la préfecture.

Il fait planer la menace d'autres recours juridiques pour contester les propositions de relogement considérées comme ne respectant pas la charte de relogement : « si on ne peut pas rentrer dans un processus de discussion acceptable pour les locataires, on fera des procédures individuelles... »

Et qui sait si in fine, l'opiniâtreté des locataires, le dépassement des délais d'obtention des subventions et une nouvelle orientation municipale n'auront pas raison du projet de démolition ?

 

 

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