« Certains enfants ont du mal à dormir »

Entre 150 et 200 personnes se sont rassemblées ce vendredi à midi à Planoise. A l'invitation d'enseignants du quartier, des parents, accompagnés parfois de leurs enfants, sont venus témoigner leur indignation après l'attaque contre Charlie, dire leur refus de l'amalgame terroristes-musulmans, leur attachement aux libertés.

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Elle s'appelle Khedidja Ziadi et est venue avec Brahim, son fils de 11 ans et demi, collégien de sixième, au rassemblement organisé ce vendredi à midi par des enseignants de Planoise. « C'est abominable, dit-elle, ce qui m'a touché le plus, c'est Cabu, je suis de la génération Dorothée... Ce massacre est ignoble, on n'a pas le droit de tuer les gens pour leurs idées... Et je tiens à préciser que je suis musulmane ». Brahim, qui aime l'histoire-géo, résume : « c'est bien de pouvoir exprimer ce qu'on pense ».

Sur le parvis du centre social Nelson-Mandela, 150 à 200 personnes sont venues sous le crachin dire publiquement leur indignation, leur colère, leur tristesse après l'attaque de Charlie Hebdo. C'est relativement peu dans ce quartier de 20.000 habitants, le plus pauvre et le plus jeune de la ville, l'un des plus divers et des plus dynamiques. « On n'y a pas pensé, mais c'est jour de mosquée », dit une institutrice qui aurait aimé une initiative partagée avec les animateurs du culte musulman.

« Des parents ont peur »

Guy Pourchet, militant syndical, regrette que des parents « n'ont pas envoyé leurs gosses à l'école par crainte qu'on les emmène au rassemblement ». Il n'en était évidemment pas question, mais il constate : « des parents ont peur ». Peur d'être fustigés en tant que musulmans, peur du racisme qui n'a pas tardé à s'exprimer. « Il faut se battre contre ce truc-là, être unis, ne pas faire d'amalgame », dit Suzanne Bon, venue de la place Cassin.

Marie-Agnès qui l'accompagne, rapporte une conversation entendue dans le tram entre deux étudiantes : « l'une montre une photo d'une marche de solidarité à l'autre qui répond que ça ne sert à rien d'y aller. La première insiste : c'est important d'y être, si on ne bouge pas, c'est comme si on était d'accord... » A ses côtés, Mimi assure : « on a fait la Révolution pour le droit à la parole... L'amour est plus fort que la haine. Je n'ai jamais lu Charlie, mais j'achèterai le prochain... »

« Que mes enfants soient éduqués dans un pays pacifique »

Animateur au centre Mandela, Mohamed n'est pas venu de loin : « il faut être là, comme citoyen, il ne faut pas laisser passer. Je veux défendre la liberté pour laquelle pas mal de monde a perdu la vie. Je suis là pour rendre hommage, parce que ça me concerne, pour ne pas vivre dans le noir... »

En marge du rassemblement, cinq policiers veillent à sa quiétude. Eux aussi sont de la génération Dorothée et ont connu Cabu à la télé. Ils ne tiennent pas rigueur à Charlie d'avoir caricaturé leur profession plus souvent qu'à son tour. Mieux, ils l'acceptent comme un fondement de la liberté d'expression.

Parent d'élève, François est venu « pour la paix : je souhaite que mes enfants soient éduqués dans un pays pacifique où l'on respecte toutes les libertés individuelles et de croyance, le vivre ensemble dans le cadre d'une république... »

Riama est venue avec ses très jeunes enfants : « je suis là pour prier, apporter mes condoléances à Charlie et sa famille... Mes enfants ont vu les journaux, ils ne se sentent pas bien... ». Sabrina, 7 ans, la plus grande, a pleuré. Elle montre avec un sourire timide la feuille à gros carreaux où elle a écrit « je suis Charlie ».

Animatrice en centre périscolaire, Charlotte Bichet est venue avec ses collègues en formation : « on est là par solidarité avec le magazine et ce qu'il représente, pour montrer que la liberté d'expression n'est pas morte ».

La caricature, une notion encore floue pour de jeunes esprits

Annissa Fekkar enseigne en classe d'intégration à l'école Bourgogne : « mes élèves de 9-10 ans m'ont parlé spontanément de l'attaque en arrivant à l'école... Ils avaient vu à la télé un homme tirer sur le policier, ils ont fait l'amalgame avec les CRS déployés à Planoise il y a quelques jours... Ils avaient besoin de comprendre. On y a passé du temps. Certains ont dit : "ce sont des Arabes qui ont tué", j'ai répondu que c'étaient des terroristes. Je n'avais pas encore l'information que des Arabes étaient parmi les victimes, dont un policier... Je le leur dirai... Je n'étais pas préparée à toutes ces questions... »

Un enseignant en classe de CE2 explique la difficulté à traiter de notions encore très floues pour de jeunes esprits, « comme le journalisme ou la caricature ». En revanche, les enfants ont « bien compris qu'on ne peut pas tuer pour des idées. Ils sont choqués, indignés, certains ont du mal à dormir ».

 

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