Buscetta, un homme seul face à la mafia

À Annecy, l’ouverture du Festival de cinéma italien était consacrée au film « Le Traitre » de Marco Bellochio, un des derniers cinéastes de la fin des années 60 et qui plus est, un observateur des dérives de la société italienne, toujours gangrénée par la mafia. Il réussit un film où la question du regard sur l’autre et du mensonge sont omniprésents.

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À Annecy, l’ouverture du Festival de cinéma italien était consacrée au film « Le Traitre » de Marco Bellochio, un des derniers cinéastes de la fin des années 60 et qui plus est, un observateur des dérives de la société italienne. À la clôture,  Martin Eden du talentueux Pietro Marcello, perpétuait l’identité du cinéma italien politique en évoquant la conscience de classe.

Entre les deux générations de cinéastes, le lien se fait par le souci de traiter de l’Histoire de l’Italie. Marco Bellochio est connu pour son cinéma subversif et plus particulièrement dans certains films : Le Diable au corps fit scandale par rapport à la représentation de la sexualité.  Le Sourire de ma mère a provoqué un tollé au Vatican.

Le cinéaste fut par ailleurs le seul à avoir mis en scène l’assassinat d’Aldo Morro (Buongiorno notte) et dans Vincere, à revenir sur l’ascension au pouvoir de Benito Mussolini. À 80 ans le cinéaste ne baisse pas les bras et apporte sa contribution au cinéma consacré à la Mafia.

Le destin paradoxal de Buscetta

Nous sommes au début des années 80. En ouverture du film, une somptueuse fête de famille en rappelle une autre, tout en apparat, celle du film Le Guépard de Visconti. La lumière faite d’ombres, d’éclats diffus, de rideaux battus par le vent annonce l’idée de mensonges tapie dans le faste d’un décor peuplé de visages vides.

Ensuite, le rythme s’accélère, les parrains de la mafia sicilienne se font la guerre. Des coups de feu fusent de partout. Tommaso Buscetta fuit l’Italie pour se cacher au Brésil. Pendant ce temps, ses proches se font descendre. Règlements de compte et violence extrême. Extradé par la police brésilienne, Bruschetta (Pierfrancesco Favino) prend une décision : rencontrer le juge Falcone et trahir le serment fait à Cosa Nostra en livrant des révélations essentielles.

Les échanges de coups de feu du début du film laissent progressivement place à une tension psychologique. Marco Bellochio s’attache à filmer Buscetta depuis les années de plomb italiennes jusqu’au procès de Palerme à l’heure du démantèlement de Cosa Nostra. Peu à peu, le film se resserre autour de cet homme au destin paradoxal.

Comment un ancien criminel décide de devenir informateur de la lutte antimafia ? Quelles étaient ses croyances par rapport à son adhésion à Cosa Nostra ? Pourquoi ce changement de cap ?

Qui sont les traitres ?

Bruscetta avait espéré trouver dans la Cosa Nostra une sorte de famille (dans le mot famille il y a le mot mafia disait Godard).  Je n’ai jamais parlé mal de la famille dira-t-il au mafieux Pippo Calo. Je t’ai dénoncé mais on a toujours dit qu’on ne touchait pas aux familles. Et pourtant la mafia tuera ses deux fils.

Ce qui est sûr, c’est que son adhésion à Cosa Nostra s’était faite sur des valeurs humaines et de camaraderie et c’est à la plus grande violence qu’il sera confronté. Il refuse d’être considéré comme un traître puisqu’il n’a pas trahi les valeurs sociales de Cosa Nostra. Les traitres sont ses amis de Cosa Nostra qui depuis les années 70 ont maintenu une organisation criminelle avec des trafics de drogues et des règlements de compte sans fin.

Le procès de Palerme, filmé comme un cirque

Marco Bellochio s’empare de cette histoire avec une grande virtuosité utilisant la violence mafieuse au début du film pour la dénoncer, se recentrant ensuite sur le personnage de Buscetta et sa soif de vérité, pour arriver enfin au procès de Palerme filmé comme un cirque avec au centre le tribunal et autour, le long des murs, des cages où sont enfermés les mafiosi.

Installées en miroirs autour du tribunal, ces cages permettent à chacun de voir les autres. Ces images de cinéma, de groupes filmées comme si bien savent le faire les italiens, montrent comment Buscetta, pris dans une toile d’araignée géante a réussi à démanteler une quantité significative de trafics de drogue organisés par la mafia.

Une fois de plus, Marco Bellochio ne renonce pas à revenir sur l’histoire de l’Italie toujours gangrénée par la mafia et réussit un film où la question du regard sur l’autre et du mensonge sont omniprésents.

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