Rentrée des équipes éducatives le 11 mai, rentrée des élèves de grande section de maternelle, de cours préparatoire et de CM2 le 18 mai, rentrée des crèches le 25 mai. Telles sont les principales décisions présentées lors d'un conseil municipal de Besançon consacré au déconfinement, mercredi 6 mai. Les CP et CM2 seront limités à quinze par classe, le maximum édicté par le gouvernement, les maternelles à dix. Les crèches passeront de 592 places à 362, mais toutes ouvriront.
L'adjoint à l'éducation, Yves-Michel Dahoui, a expliqué que ces mesures avaient été prises après une concertation large avec l'Education nationale, le DASENDirecteur académique des services de l'éducation nationale, ex Inspecteur d'académie ayant indiqué le 5 mai la priorité de reprise pour les trois niveaux GS-M, CP et CM2. Une expérimentation a également été menée à l'école Charles-Fourrier de Planoise sur les marquages au sol, la façon de faire manger les enfants à la cantine ou, plus difficile, de leur faire respecter les distances interpersonnelles. L'adjoint n'a pas caché que ces « seuils pédagogiques » étaient la résultante d' « exigences sanitaires » mais aussi parce que « nous devons fonctionner avec la moitié de nos effectifs ».
« Trouver des locaux, du personnel et des moyens financiers »
Le maire Jean-Louis Fousseret soulignera plus tard qu'avoir divisé par deux le nombre d'élèves par classe a nécessité de « trouver des locaux, du personnel et des moyens financiers ». Il assure qu'il n'avait prévu de rempiler mais assume, veut saluer le boulot fait pour que rouvrent les écoles parce que « nous n'avons reçu que dans la nuit de dimanche à lundi le protocole sanitaire de 64 pages ». Christophe Lime (PCF) a dit sa « satisfaction » du report de la réouverture des écoles : « nous étions inquiets lors des premières annonces où l'on sentait surtout l'enjeu économique, moins l'enjeu pédagogique ». Il veut surtout voir dans le décalage de la rentrée la perspective d'avoir des « retours d'expériences » incluant les personnels et les syndicats, mais aussi tous les groupes politiques du conseil. Il souhaite également une réunion des conseils d'école d'ici fin mai et se projette à la rentrée de septembre pour laquelle il faudra « déterminer le nombre maximum d'élèves que nous pourrons accueillir ».
Christophe Lime a aussi mis l'accent sur « l'inquiétude juridique » qui entoure les conditions de ce déconfinement scolaire : « qui du maire, des adjoints ou des services sera responsable en cas de contamination dans une école ? », a-t-il lancé comme en écho à une question qui hante le pays. Elle a par exemple conduit certains élus, comme à Avanne-Aveney, et des directeurs d'écoles, à refuser d'ouvrir. Elle a surtout alimenté une grande part de la discussion bisontine.
Jean-Louis Fousseret répond en soulignant l'ampleur des incertitudes : « s'il y a des failles et des défauts, je serai responsable, mais l'activité économique doit redémarrer, sinon on risque une autre catastrophe. En septembre, on ne sait pas où on en sera. J'ai le sentiment que la crise sanitaire est encore là pour quelques mois. Quant à la démocratie dans l'école, un comité de pilotage existe, et nous serons vigilants pour les familles et les enseignants soient associés ».
« Il y a une urgence économique »
Une fois n'est pas coutume, le sénateur Jacques Grosperrin (LR) rend hommage au maire et à l'adjoint : « Je veux vous féliciter pour votre travail sur les écoles... Beaucoup ne souhaitaient pas leur réouverture, des experts, le conseil scientifique [mis en place par l'Elysée], le Premier ministre... C'est un choix politique. Néanmoins, je vous félicite parce que c'est une prise de responsabilité. On a essayé [au Sénat], non pas d'amnistier les élus, mais d'encadrer... On est à vos côtés : ce n'est pas simple de rouvrir car au bout, ce sont les professionnels qui seront confrontés... Mais si on ne fait pas repartir le pays, il va s'écrouler : il y a une urgence économique ».
Le député Eric Alauzet (LREM) ne dit pas autre chose : « il fallait engager la rentrée. La vie économique se remet en route, c'est la France qui en Europe l'avait le plus stoppée... » Il dit sa crainte à propos des enfants les plus en difficulté pour lesquels la rentrée sera « une gageure : il faut qu'ils viennent à l'école... Beaucoup de nos concitoyens ne mesurent pas [l'ampleur du problème], mais il n'y a rien d'obscène à dire que l'économie est importante : sans elle, tout pourrait s'effondrer... » En même temps, il rejoint l'idée défendue par Christophe Lime : « le rodage est important d'ici l'été pour être prêts à l'automne ». Quant à la question de la responsabilité, il estime « important de protéger [juridiquement] les maires, mais la responsabilité ultime viendra à l'Etat... »
« Les inégalités se sont creusées »
Son colistier Laurent Croizier (MoDem) dit pour sa part plusieurs inquiétudes : « tous les enfants ne rentrent pas, les inégalités se sont creusées, la fracture numérique fragilise les familles monoparentales, les violences intrafamiliales se sont accrues, on ne pourra pas faire reprendre les adolescents décrocheurs sans un dispositif d'accompagnement spécial... » Emmanuel Dumont dira qu'on « n'aurait peut-être pas dû arrêter l'équipement en ordinateurs de tous les enfants et des familles » à l'aube de l'actuel mandat prolongé. Le maire répondra que tous n'avaient pas une liaison internet...
Ludovic Fagaut (LR) souligne que « la vie doit reprendre, les écoles en font partie, mais pas à n'importe quel prix » et défend l'idée d'un « bilan intermédiaire incontournable ».
« Essayez de ne pas répéter ce qui a été dit, vous êtes sympa », lâche Jean-Louis Fousseret en donnant la parole à Anne Vignot (EELV). La tête de la liste arrivée en tête le 15 mars met l'accent non sur les institutions, mais sur la multitude : « On a eu la chance de voir se mobiliser de très nombreuses personnes pour que la société tienne debout, on en sera redevable très longtemps. Il faut inventer quelque chose pour que les enfants se réapproprient la socialisation. Il faut penser aux effets post-traumatiques : les vulnérabilités psychiques s'ajoutent aux vulnérabilités sociales, et la santé, ce n'est pas seulement ne pas être malade, mais pouvoir vivre... »
« La vie doit reprendre, la vie tout court… »
Philippe Mougin (Patriotes) fait le modeste en s'adressant au maire : « je ne voudrais pas être à votre place... Je ne suis pas favorable à la rentrée des écoles, comme l'ont été le Premier ministre et le ministre de la santé. Mais je vous suivrai car vous êtes un homme honnête, sérieux, et qu'on ne peut être que derrière un chef de file. Même si on ne peut pas savoir ce qui se passera demain, j'ai l'impression qu'on est comme un sportif qui reprend l'entraînement alors que ses blessures ne sont pas cicatrisées... »
Pour Nicolas Bodin (PS), « la vie doit reprendre : l'économie, le commerce, la vie tout court... » Il s'interroge sur la « relation Etats-élus : on est dans la position d'être coupable sans être responsable... Vous allez prendre cette responsabilité et on va vous aider, mais on ne peut pas vous mettre dans cette situation là, un homme ne peut pas assumer seul une telle responsabilité... »
Non destiné à être adopté par le conseil municipal, le rapport sur la réouverture des écoles et des crèches était en effet un « rapport d'information », notamment en raison des pouvoirs exceptionnels conférés aux maires par l'état d'urgence sanitaire. Un vote indicatif a cependant été organisé et débouché sur une approbation à l'unanimité.
62% des familles réticentes à envoyer leurs enfants à l'école :
le rectorat embarrassé
Près de 62% des 61.911 familles ayant répondu entre lundi 4 et mercredi 6 mai à une enquête du rectorat qui voulait savoir si elles enverraient leur.s enfant.s à l'école à partir du 14 mai, ont répondu non. Le taux de réponse avoisinant 55%, cette consultation a valeur de sondage grandeur nature soulignant à tout le moins l'inquiétude, sinon la défiance des parents d'élèves. L'une d'elle nous indiquant qu'elle aurait aimé avoir la possibilité de répondre « je ne sais » car faute d'avoir les informations sanitaires suffisantes, elle se trouvait bien en peine de répondre oui ou non.
Le résultat de cette consultation, publié par L'Est républicain, n'est ni confirmé ni démenti par le rectorat. Il est manifestement embarrassé car, bien qu'il n'y ait « pas de secret », les chiffres n'étaient pas destinés à être rendus publics. Aux parents ne sachant pas quoi répondre, on nous répond que « le protocole sanitaire est en ligne… » Le fameux protocole de 64 pages…
Quoi qu'il en soit, nous avons demandé au rectorat s'il aurait les moyens humains de mettre des enseignants en face des élèves qui rentreront. Réponse du service communication : « Ce sera oganisé école par école, liberté étant laissée aux directeurs d'école avec d'éventuels appuis externes ». Qu'est-ce à dire ? « Par exemple des associations partenaires sur les temps 2S2C - sport, santé, civisme, culture - sous forme d'activités… » Est-ce à dire que cette solution sera retenue faute d'enseignants ? « Ça va être mixé… »
Qu'en est-il de ceux qui ne suivent pas ? Pour l'institution, « les enfants décrocheurs sont de l'ordre de 5 à 8%… Il y a une grosse mobilisation pour eux et les enseignants font un travail exceptionnel en matière de suivi des enfants… » Ce taux de décrocheurs n'est-il pas plus élevé dans les quartiers populaires où des enseignants témoignent qu'il peut atteindre le quart de leurs élèves ? « Je ne mets pas en cause les déclarations individuelles, mais les enseignants ont fait remonter les informations école par école… »
Par endroit, les enfants reprendront deux jours par semaine, notamment pour des questions de locaux et de personnels… Notre interlocuteur répond : « c'est laissé à la liberté d'organisation pédagogique que l'école envisage… C'est le résultat de la concertation écoles-mairies, c'est de la dentelle, la situation est très hétérogène… Mais quand les enfants ne sont pas à l'école, ils reçoivent les cours à distance, ils ne sont pas en vacances ! »
Que dit le rectorat des débats bisontins où les élus ont souligné qu'entre le 18 mai et l'été, on allait surtout préparer la rentrée de septembre ? « Je les rejoints entièrement. Ce temps jusqu'à juin nous permettra de préparer les choses… » Par exemple rouvrir des classes ou des écoles qu'on avait fermées ? « Cette réflexion appartient au ministre de l'Education nationale, c'est un débat national… »