Besançon : désunion consommée entre LFI et EELV-PCF-AGC

Ce n'est pas une surprise. Le désaccord sur la constitution d'une liste commune aux municipales couvait depuis des mois. Il a été acté mercredi lors d'une rencontre des insoumis avec EELV, PCF et A Gauche citoyens. L'urbanisation des Vaîtes est une divergence de fond, d'autres points semblent plus formels, comme la démolition de Chaillot ou les transports publics gratuits. [Mis à jour le 02/07/19 suite à des précisions apportées par mail par LFI]

bes-vaites

La réunion au local de la France insoumise, rue Battant à Besançon, n'a pas duré plus d'une heure mercredi 26 juin. Cela faisait plusieurs semaines que des représentants d'EELV, du PCF, de l'association A Gauche citoyens et de LFI avaient prévu de se rencontrer, mais les rendez-vous étaient régulièrement repoussés. Elle s'est finalement tenue après que les groupes d'appui bisontins de LFI se sont concertés, la semaine dernière, et après que Claire Arnoux et Séverine Vézies se sont rendues à l'assemblée représentative nationale des insoumis du précédent week-end.

Très vite, les autres comprennent qu'il n'y aura pas d'accord local. « Ça a commencé très mal. Claire Arnoux a dit d'emblée que ce n'était pas possible de travailler ensemble », rapporte Thibaut Bize, président du groupe PCF du conseil municipal. Anne Vignot, présidente du groupe EELV, ne dramatise pas : « c'était assez sain, d'emblée Claire [Arnoux] a expliqué leur logique nationale de ne pas associer les socialistes, que LFI voulait partir seule. On a failli nous en aller, mais la discussion a continué... »

[Mise à jour le 02/07/19, suite à des précisions que LFI a voulu apporter par mail] « Nous avons expliqué vouloir avant tout construire une liste ouverte largement aux citoyens, mais que nous ne pouvions pas accoler les logos de partis (EELV et PCF) ayant des adjoints à un maire LREM et qui défendaient le bilan Fousseret. », rapporte le parti dans son mail en indiquant avoir invité Genration.S à prendre contact avec eux.

Séverine Vézies confirme : « Notre ligne rouge, c'est pas de négociation avec le PS... On a été surpris de voir qu'ils discutent en parallèle avec le PS ». L'anathème contrarie Thibaut Bize : « notre idée de base, c'est de rassembler l'ensemble de la gauche... S'ils veulent mettre en route la machine à perdre, ils en porteront la responsabilité ».

Cinq « questions de confiance »

Les insoumis ont également demandé à leurs partenaires de « se positionner » sur plusieurs dossiers qui leur tiennent à cœur : le projet d'urbanisation des Vaîtes dont ils demandent l'arrêt, l'immeuble Chaillot de GBH dont ils ne veulent pas la déconstruction, la chaufferie de Planoise qu'ils veulent voir en régie municipale, la gratuité des transports publics, l'abrogation de l'arrêté municipal anti-mendicité. « On a posé nos préalables pour construire la confiance », commente Sévrine Vézies qui estime n'avoir « jamais eu de réponse à [ses] questions ».

Anne Vignot n'entend pas aborder les cinq sujets de cette manière. D'abord, « on n'a jamais eu l'occasion d'en discuter », explique-t-elle. Ensuite, « ils refusent de voir les dossiers, comment ils sont travaillés. Moi aussi, je peux faire une liste de courses ! Je refuse ce comportement. Je constate surtout qu'ils ne veulent pas faire en sorte qu'on travaille ensemble ».

[Mise à jour le 02/07/19] LFI rapporte : « Faux. Nous avons abordé ces points dès le mois de mars. Sans début de réponse 3 mois après, malgré 3 réunions et de multiples échanges mail. Pas de réponse non plus concernant l'alliance avec le PS ».

A voir les « questions de confiance » de plus près, on constate que la forme prend une place considérable. Sur l'immeuble Chaillot, tous sont d'accord, mais LFI reproche aux autres de s'être abstenus et non de s'être opposés quand ils ont dû voter. « On n'a jamais été pour la démolition, on est d'accord avec la CNL, on nous reproche quelque chose que je ne comprends pas », dit Thibaut Bize. C'est la même chose pour la gratuité des transports en commun. « Ils se sont abstenus sur l'augmentation du prix du ticket ! Ce n'est pas possible de s'abstenir quand on n'est pas d'accord », dit Séverine Vezies.

[Mise à jour le 02/07/19] LFI précise, compte-rendu du conseil communautaire du 27/09/18 à l'appui (et auquel Thibaut Bize ne participait pas) : « Un vote validant la démolition de l'immeuble Chaillot a eu lieu en CAGB le 27/09/2018, avec un oui qui l'a emporté à l'unanimité, sans aucune abstention ».

« C'est possible de faire des erreurs, on l'a reconnu... »

Sur l'arrêté anti-mendicité, Thibaut Bize fait amende honorable : « on ne va pas refaire la discussion de l'an dernier. On a raté le coup. C'est possible de faire des erreurs, ça arrive, on l'a reconnu... C'est d'ailleurs ce qui a déclenché la constitution de l'intergroupe, on n'arrivait pas à cinq dans chaque groupe, à balayer tous les dossiers... » Les insoumis restent sévères sur le sujet : « d'accord, c'est une erreur humaine, mais ils n'ont rien fait pour l'abrogation », dit Séverine Vézies.

[Mise à jour le 02/07/19]. LFI ajoute dans son mail qu'un « nouvel arrêté anti-mendicité a été adopté le 28 août 2018. Une procédure est en cours au Tribunal Administratif portée par SolMiRé et des citoyens pour l'annuler. Dans le silence le plus total de la part des élu.es de la ville ».

Reste le projet des Vaîtes sur lequel le désaccord ne parait pas que formel. « On n'a jamais réussi à avoir une discussion de fond sur le sujet », dit Thibaut Bize en invoquant « la problématique de l'étalement urbain » tout en « proposant des alternatives à la maison individuelle ». Il critique l'argument de la vacance immobilière avancée par LFI : « c'est un argument de propriétaires qui votent souvent à droite : si l'offre de logements augmentait, les loyers baisseraient. Sur les T2 et T3, il n'y a pas assez de vacance... »

A la nécessité de préserver des terres agricoles en milieu urbain, il répond que le problème doit se régler « au niveau de l'agglo ». Séverine Vézies oppose quant à elle « l'urgence climatique et démocratique : Thibaud Bize défend l'urbanisation des Vaîtes pour éviter l'étalement urbain, mais il perd de vue cet étalement urbain. Et le tribunal administratif a entendu l'argument de l'association Jardins des Vaîtes que ni les Verts ni les communistes n'entendent ! » Pour elle, ce dossier pose aussi une « question démocratique : où sont prises les décisions ? On n'entend pas les habitants, les associations ! C'est un exemple où ils ne sont pas dans la co-construction... »

« On va travailler tout l'été, l'urgence est d'être ensemble... »

Anne Vignot aimerait mettre tout le monde d'accord : « on a vraiment eu des échanges et j'ai conclu en disant qu'on avait tous conscience de l'urgence climatique et sociale... LFI considère qu'on est dans le compromis, ce à quoi j'ai répondu : vous êtes radicaux et je voudrais que tout le monde le soit, mais on voit bien que vous ne transcendez pas cette position politique ! » Déjà dans la position de tête de liste, elle sait aussi répliquer : « J'espère qu'un jour, ils penseront qu'on est dans une société avec différentes approches. Ils ont une pensée monolithique qui amène à un processus dictatorial : vous êtes derrière nous et vous pensez comme nous, mais on voit bien que tout le monde n'aborde pas les problèmes de la même façon. Si on est sans concession, on laisse de côté des gens ou leur impose... Je n'ai jamais pensé qu'une société se change comme ça... »

L'adjointe à l'environnement ne ferme pas la porte, mais est déjà dans l'après : « on travaille un projet écolo. Si les gens s'y reconnaissent, tant mieux. S'ils n'y voient qu'un accord de partis, tant pis... On se voit la semaine prochaine. On va travailler tout l'été, l'urgence est d'être ensemble, de faire maintenant... » Autrement dit, pas question d'attendre l'automne.

Ce n'est pas le calendrier de la France insoumise qui devra définir « courant septembre la stratégie à adopter dans le respect des indications [d'un texte] proposé » à l'approbation des militants, puis complété par une circulaire en vue de l'organisation de réunions dans les communes. Une seconde date butoir est la fin de l'année pour le cas où des listes insoumises et/ou de type « fédération populaire » n'auraient pas pu voir le jour plus tôt... (voir ici).

Les processus des uns et des autres sont-ils compatibles ? Alors que l'ensemble EELV-PCF-AGC semble ne pas vouloir trop tarder à entrer en campagne, LFI est sur un autre tempo : « veut-on travailler sur le fond ou des gens sur une liste ? On est dans le premier terme : on ne pose pas la question du qui mais du quoi », explique Séverine Vézies. Et l'incarnation, la cristallisation sur un nom ? « Ce n'est pas la même chose, une liste a 55 noms, des enjeux locaux... La base de notre travail, c'est notre programme L'Avenir en commun... On veut que les citoyens se sentent élus au conseil municipal. On ne veut pas des notables à la mairie... »

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !