« Babysitter », une nounou pas comme les autres

« Ce n’est pas un film sur #MeToo », assure l’actrice-réalisatrice Monia Chokri, qui a tourné un conte moderne et décalé, traitant des rapports hommes-femmes avec humour (sortie le 27 avril).

« Je t’aime, Chantal », braille Cédric (joué par Patrick Hivon) en collant un bisou sur la joue de la dite Chantal, une journaliste télé en plein direct, à la sortie d’un match. Evidemment, ça fait désordre. Dès le lendemain, une fois dessoulé, le jeune père réalise la portée de son geste improvisé, la vidéo est virale sur internet et il est suspendu de son job. Ainsi commence « Babysitter », film de l’actrice-réalisatrice québécoise Monia Chokri, qui a déjà réalisé « La femme de mon frère ».

« Babysitter » est l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Catherine Léger, alors jeune maman en plein post partum et manque de sommeil. « Quand j’ai vu la pièce, je l’ai trouvée très drôle et qu’elle traitait des rapports hommes-femmes avec beaucoup de finesse et d’humour », confiait Monia Chokri aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où elle présentait son film en avant-première. « Ce n’est pas un film sur #MeToo, il pose beaucoup de questions mais ne donne pas forcément de réponses. Au-delà du film, ça crée du dialogue entre les gens alors qu’on est dans une époque de prêt-à-penser (…) Au-delà de #MeToo, ce qui m’intéresse c’est la déconstruction de l’humiliation », dit Monia Chokri, qui s’est donné le rôle de Nadine, l’épouse de Cédric, déprimée, fatiguée, usée par les pleurs de leur bébé tout neuf, et qui fait semblant de reprendre le travail pour mieux aller se reposer à l’hôtel.

Cloitré à la maison, le mari envisage d’écrire un livre d’excuses à toutes ces femmes qui pourraient se sentir blessées, agressées, expliquer sa misogynie malgré lui, sa masculinité à l’insu de son plein gré. Un projet auquel se joint son envahissant frère journaliste, homme qui se fait défenseur des droits des femmes, mais se transforme en loup de Tex Avery lorsque débarque « la » babysitter du titre. Une nounou pas comme les autres, incarnée par la jeune actrice Nadia Tereszkiewicz , vue récemment dans « Seules les bêtes » de Dominik Moll et « Persona non grata » de Roschdy Zem), et qui sera en compétition au Festival de Cannes dans le film de Valeria Bruni-Tedeschi, « Les Amandiers ».

« Ce n’est pas une comédie classique »

« Au-delà de #MeToo, ce qui m’intéresse c’est la déconstruction de l’humiliation », dit Monia Chokri, qui s’est donné le rôle de l’épouse fatiguée.

« C’est une jeune créature extrêmement charismatique, une jeune fille extraordinaire, drôle, étrange, elle hypnotise les personnages », précise Monia Chokri. Demoiselle blonde et souriante, effectivement sexy dans son uniforme de soubrette, cette babysitter ne s’occupe pas que du bébé, elle est aussi attentionnée pour les adultes (femme et hommes) et sème le trouble dans la maison. Dans cette période « d’éveil des consciences », ce film n’évoque pas que les vilains machos, mais aussi le couple, la maternité, le rapport aux médias, le désir, l’éducation… « C’est un regard posé sur les femmes, on craint la sorcière parce qu’elle a des pouvoirs, c’était intéressant d’inverser ces codes-là. Je le vois plutôt comme un film psychanalytique qu’un film de genre » ajoute Monia Chokri, « Les garçons doivent apprendre à écouter les signaux, les hommes ne sont pas éduqués à écouter, et les femmes ne sont pas éduquées à dire non ».

Bourré de références visuelles (« Lolita », « American Beauty »…), c’est un film très stylisé, un conte moderne, kitsch et fantaisiste. « On n’est pas dans un réalisme terrien », confirme la cinéaste, « C’est une comédie, j’ai décidé de la traiter en utilisant les codes du genre, mais aussi des codes surprenants, ce n’est pas une comédie classique, ce n’est pas juste parce que ça m’amusait, il y a des éléments qui m’y poussaient ». Elle utilise ainsi « toute une imagerie », de l’horreur, du giallo (cinéma fantastique italien), du cinéma érotique des années 70… insérée dans un film étrange et exagéré, tellement décalé et décapant qu’il en devient parfois outrancier.

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