La majorité de droite (LR-UDI-DVD-LREM) du Conseil départemental du Doubs a repoussé lundi 24 septembre une motion de l'opposition de centre-gauche (PS-DVG-LREM) visant à « autoriser les professionnels des centres de planification dont la collectivité a la charge à pratiquer des IVG médicamenteuses », et plus particulièrement les médecins. Cette initiative du groupe minoritaire a été présentée par Géraldine Leroy (DVG, Besançon-6) comme s'inscrivant dans la foulée de l'entrée de Simone Veil au Panthéon et d'une tribune du Planning familial dans le magazine Marie-Claire de juillet (lire ici) réclamant l'effectivité du droit à l'avortement, exercé à géométrie variable en France.
Les élus de l'opposition départementale considèrent que le droit d'accès à lIVG médicamenteuse est « difficile d'accès » pour certaines jeunes femmes mineures et majeures dans le Doubs, notamment parce qu'il n'y a que onze professionnels habilités à les pratiquer dans le département. Ils demandent donc à la collectivité de « mobiliser les leviers » dont elle dispose pour améliorer la situation. Ils précisent que le ministère des solidarités et de la santé « préconise que les CPEF
Selon l'INED, 56% des 1445 avortements réalisés dans le Doubs en 2013, étaient des IGV médicamenteuses, soit une moyenne de 74 par praticien autorisé pour l'année. Depuis une vingtaine d'années, le nombre global dIVG varie peu en France : autour de 200.000 par an, après avoir été un peu supérieur durant les années 1970.
Christine Bouquin « surprise et choquée »
Une suspension de séance a été décrétée par la présidente Christine Bouquin afin que la majorité puisse se réunir sur le sujet. Au sortir de cette discussion à huis clos de trois quarts d'heure, seule la présidente s'est exprimée : « je suis surprise et choquée de découvrir cette motion. Le sujet est important et l'on aurait pu l'aborder dans d'autres conditions. L'IVG est un droit pour lequel une femme s'est battue. Ce que vous soulevez date de 2009... » Autrement dit, du temps de la présidence de Claude Jeannerot (PS, 2004-2015).
Danièle Nevers et Martine Voidey, qui étaient à l'époque vice-présidentes, se souviennent quant à elles que le Planning familial avait saisi l'ancienne majorité de cette question « trois mois avant les élections » de mars 2015. Il était question d'y répondre, mais la majorité a changé. C'est ce qui fait dire à la tribune à Christine Bouquin que son exécutif a « évoqué le sujet le 24 mai 2016 ». Mais c'est pour ajouter aussitôt qu'elle ne « veut pas entrer dans le débat : on ne peut pas prendre cette décision en n'ayant pas les différentes précisions sur les responsabilités ou les possibilités de le faire. Je souhaiterais d'abord faire un état des lieux ».
Comme il n'y a pas de débat sur les motions, elle met aussitôt la motion au vote : elle est repoussée par la majorité et la séance est levée.
« J'appartiens à une majorité... »
Un instant plus tard, les élus se retrouvent dans le hall entre bar et salle des délibérations pour partager l'apéritif. Nous demandons alors à Christine Bouquin les raisons de sa position. Elle refuse d'en dire davantage que ce qu'elle dit en séance. Nous insistons, notamment pour avoir des précisions sur cette fameuse réunion d'exécutif de mai 2016. Nouveau refus de sa part, exprimé avec une certaine véhémence : « je n'ai pas fait le débat en séance, ce n'est pas pour le faire avec vous ». Y compris pour 2009, date qu'elle a cité, mettant de fait son prédécesseur en cause ? Nouveau refus.
Même mutisme de la part des quelques membres de la majorité que nous avons sollicités. Connaissant un peu les uns et les autres, on demande si le débat interne a été difficile. « Absolument pas », certifie Denis Leroux avec un grand sourire. « On ne présente pas les choses comme ça », dit Philippe Gonon. « J'appartiens à une majorité », sourit Marie-Laure Dalphin, médecin pédiatre hospitalier...
De son côté, l'opposition ne cache pas sa satisfaction d'avoir, le temps d'un vote, ringardisé la droite, sinon de l'avoir mis en difficulté, sachant fort bien que cohabitent en son sein des réactionnaires et des plus libéraux. En ouverture de séance, Gérard Galliot avait d'ailleurs présenté l'affaire en s'adressant à Christine Bouquin avec un brin d'ironie : « Le Doubs est concerné par les différences d'accès à l'avortement. Que peut-on faire à notre niveau ? Certains vous confondent avec Christine Boutin... »
Elus LREM en même temps dans la majorité et l'opposition !
Autrement dit, c'est le moment de montrer qu'ils se trompent... Ce que la présidente a fait en rendant hommage à Simone Veil, sans toutefois la citer. Reste que sur le sujet, elle paraît prisonnière des durs de sa majorité. Sinon, comment expliquer que rien ne se soit passé depuis le 24 mai 2016 ? Car s'il s'était passé quelque chose, cela aurait par exemple pu être l'adoption du principe de l'état des lieux qu'elle dit appeler de ses vœux avant d'agir...
A gauche, on explique qu'il y a quand même « une demande forte des médecins depuis plusieurs années ». On met le doigt sur les problèmes d'accessibilité des cinq centres de planification et d'éducation familiale (deux à Besançon, Montbéliard, Pontarlier, Morteau) dont les horaires d'ouverture sont trop restreints : trois heures quatre matins par semaine à Morteau et Pontarlier par exemple.
On aura aussi noté la solidité des deux groupes et leur imperméabilité, sur le sujet, à l' « en même temps » de LREM qui a des adhérents siégeant de part et d'autre... Un bon thème de discussion pour une première réunion ?
- Voir la vidéo des échanges ici.