Arnaud Montebourg à Belfort : « le nerf de la guerre, c’est l’industrie »

« Salut Jean-Pierre, je suis content de te voir... » Le premier mot d'Arnaud Montebourg en descendant de voiture vers 10 h chez Alstom est pour Jean-Pierre Chevènement. Après le marathon de la visite de l'usine et du train de l'industrie, ils ont déjeuné ensemble. N'ont-ils parlé que d'industrie ?

Arnaud Montebourg à Belfort avec la CGT

« Salut Jean-Pierre, je suis content de te voir... » Le premier mot d'Arnaud Montebourg en descendant de voiture vers 10 h chez Alstom est pour Jean-Pierre Chevènement. Après le marathon de la visite de l'usine et du train de l'industrie, ils ont déjeuné ensemble. N'ont-ils parlé que d'industrie ? Car ils partagent le volontarisme du verbe et représentent la gauche qui entend donner, voire redonner, un important rôle économique à l'Etat. Mais n'y a-t-il pas derrière le protocole, la signature de deux emplois d'avenir, les rendez-vous organisés et les échanges impromptus avec les syndicats, un chantier au moins aussi difficile que la reconquête industrielle du pays : maintenir Belfort dans le giron de la gauche municipale l'an prochain ?
On peine à imaginer qu'ils n'ont pas évoqué la situation. Christian Proust (MRC), qui envisage de se présenter contre le maire sortant Etienne Butzbach (PS, ex MRC), assure que non et qu'il se pliera à l'accord national PS-MRC. « Ce n'est pas à Paris que ça se décidera », dit Denis Sommer, vice-président du conseil régional. Au vu d'un sondage publié jeudi par Le Pays donnant la droite gagnante, on comprend que la gauche s'inquiète. Reste qu'avec 505 personnes interrogées, la marge d'erreur est proche de l'écart...

Plus puissant, plus mastoc

Après son salut à Jean-Pierre Chevènement, donc, le ministre du Redressement productif s'est fait présenter la dernière locomotive destinée au Kazakstan qui doit être produite à 200 exemplaires, supporter de très lourdes charges et une grande amplitude thermique. « C'est plus puissant, plus épais, plus mastoc », nous explique plus tard Laurent, à l'atelier des châssis. Le « bestiau », comme dit Arnaud Montebourg, coûte « 4 à 5 millions d'euros », dit Henri Poupart-Lafarge, le polytechnicien qui préside Alstom-Transport.
L'instant suivant, le ministre se retrouve devant des stagiaires de l'UTBM et des apprentis. Son propos sera répété à chaque halte, comme à la télé, comme sur les radios : « un pays qui n'aime pas son industrie a de grandes chances de s'appauvrir... C'est ce qui nous est arrivé ces dernières années ». Olivier Philippe, de l'atelier finition sur TGV, l'interroge sur « l'avenir de la grande vitesse et du ferroutage en France ». Il insiste sur la dimension exportatrice : « il faut renforcer cette filière car les pays émergents bradent les prix et la qualité. L'Etat doit donc encourager la commande publique : il met 5 milliards en 5 ans, demande à la SNCF de commander 40 TGV de plus, à Alstom de préparer le TGV du futur afin qu'il soit sur les voies fin 2018 : c'est une accélération pour la recherche et développement ». ll défend l'apprentissage : « ce n'est pas une sous-formation, soyez en fier ». Il critique la Commission européenne qui « ferait mieux de contrôler nos concurrents ». Il dit son amour : « l'industrie est la prunelle de nos yeux, il faut la chérir, la défendre, la protéger, se garder de la critiquer, la comprendre... » Il fustige cette « classe dirigeante qui prônait une France sans usine... »

Chevènement : « Montebourg fait appel à toutes les énergies... »

Dans l'atelier chaudronnerie, Pascal Novelin, délégué CGT lui dit « s'inquiéter d'une possible délocalisation de la recherche et développement ». Il répond : « Pour exporter, il faut accepter des transferts de technologie, et pour discuter, surtout avec l'Inde, aller au plus près du marché, il faut savoir partager... » Il se fait reprocher la transposition en loi de « l'accord MEDEF-CFDT », il répond : « ce n'est pas une loi qui changera ça, tout le monde veut des amendements, mais personne son retrait. Et toutes les organisations syndicales ont signé des accords sauvages dans des conditions de chantage... Il faut que l'Union européenne fasse de la croissance ». Jean-Pierre Chevènement lui donne un coup de main : « Montebourg fait appel à toutes les énergies... » Daniel Rouillon (FO) donne raison aux « gars de PSA-Aulnay, le gouvernement n'est pas de leur côté ». Arnaud Montebourg parle « relocalisation dans la filière automobile de 200.000 véhicules... Les partenaires sociaux doivent s'entendre même s'ils ne sont pas d'accord. Le nerf de la guerre, c'est le tissu industriel ».
Devant une loco de TGV flambant neuve, il explique « imiter Obama » dans son programme de relocalisation, cite Smoby dans le Haut-Jura et Oyonnax où la lunetterie a « rapatrié 30% de sa production chinoise ». Il émeut le chaudronnier Serge Heidet qui a formé une vingtaine d'apprentis en 35  ans, le qualifie de « héros du redressement productif » et lui décerne une médaille du même nom.

« Il n'a pas de réponse, t'es sourd ou quoi ? »

Arrivé à la gare de Belfort-Centre, il se s'engouffre pas dans le hall, mais va droit vers la centaine de militants CGT qui scandent des slogans hostiles. « On lutte pour pérenniser cette gare pour qu'elle soit le pôle central de la mobilité sur le département », dit Mazouz Benlazeri, responsable régional du pôle revendicatif des cheminots. Il parle du « risque FN : ce serait un drame. Les salariés ont cru à la gauche et aujourd'hui on n'a pas de changement ». Le ministre écoute : « c'est normal que les revendications  s'expriment... ». Juliette Corouge lit un texte dans un mégaphone : « 14,4% de chômage sur l'Aire urbaine, la situation se dégrade socialement et humainement. La politique de votre gouvernement est dans la lignée de celle de votre prédécesseur. Parlons du coût du capital et des 37,4 millards de dividendes distribués... » Arnaud Montebourg attend qu'elle ait fini et commence à répondre quand des manifestants CGT-Lutte ouvrière reprennent les slogans. Mazouz Benlazeri s'adresse à eux : « Ecoutez le ». Un trotskyste : « Il n'a pas de réponse, t'es sourd ou quoi ? » Les slogans reprennent. Arnaud Montebourg réagit vite : « J'avais plein de choses à vous dire, je reviendrai plus tard ». Et il file dans le train de l'industrie qu'il arpente au pas de charge : 45 secondes par stand, des bétons Lafargue qui « durent 100 à 150 ans » aux « métiers industriels du tri du courrier » de la Poste en passant par le « Client directeur général » d'IBM. » Malheureusement, ce n'est pas un train de promotion de la Franche-Comté », lâche Jean-Pierre Chevènement.

 

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