Annecy à l’affût des nouvelles vagues du cinéma italien

Le Festival Annecy Cinéma Italien a fait la part belle aux nouvelles oeuvres, tout en rendant hommage aux figures tutélaires du cinéma italien, Roberto Rossellini et Giuseppe Bertolucci. Les Traversées du ciné-club Jacques-Becker mettent Pontarlier à l'heure du cinéma italien jusqu'au 7 novembre.

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On n’évoquera jamais assez la grandeur du cinéma italien et sa singularité parmi les cinématographies européennes. En dehors d’un passé foisonnant, le cinéma d’aujourd’hui fidèle à la tradition, remet au devant de la scène l’humour et la tragédie, l’Histoire et les destins personnels.

Après la délirante comédie musicale d’ouverture Ammore et malavita d'Antonio et Marco Manetti où des mafieux s’affrontent en chantant dans les rues de Naples, le Festival Annecy Cinéma Italien qui s'est tenu il y a un mois, a fait la part belle aux nouvelles oeuvres, tout en rendant hommage aux figures tutélaires du cinéma italien, Roberto Rossellini et Giuseppe Bertolucci.

Films en compétition

Easy, le Grand Prix du Festival dont l’humour est voisin des films de Kaurismaki, donne les traits d’une comédie à une histoire à l’apparence morbide ; un homme obèse et déprimé est embauché par son frère pour ramener dans son pays le corps d’un ukrainien décédé sur un chantier de manière douteuse. Début d’un road movie où très vite, l’homme se fait voler sa voiture et continue la route en traînant le cercueil dans des paysages inhospitaliers. Avec cette fiction, Andrea Magnani restaure la comédie italienne en réalisant un film d’aujourd’hui à la fois âpre et généreux où la vivacité des gestes et du langage est remplacée par le minimalisme (très peu de paroles). Bref une loufoquerie discrète avec de nombreux scènes délirantes et des retournements de situations.

Autre film remarqué de la compétition Per un figlio de Suranga Deshapriya Katugampala. Dans une ville du Nord de l’Italie, une Sri-Lankaise partage ses journées entre son travail d’aide à domicile et son fils adolescent. Celui-ci est en conflit avec elle : il ne lui a pas pardonné de l’avoir laissé lorsqu’il était enfant pour émigrer en Italie. Le réalisateur expliquait qu’il a choisi de faire venir une actrice sri-lankaise pour donner plus de vérité à son film. « Par ailleurs, exprimait-il encore, chez cette mère, il n’y a pas l’intention d’une intégration, mais la sagesse d’aller à la rencontre de la structure d’accueil ». Per in figlio emprunte la voie du réalisme social à la façon du cinéma des Frères Dardenne. Peu de mots. Des silences. Une observation minutieuse des gestes des personnages apporte du réel à cette fiction magnifiquement et sobrement mise en scène.

La richesse des documentaires

Côté documentaire, l’œuvre de Federica di Giacomo n’exclut pas non plus la comédie puisque les personnages de Il lato grottesco della Vita, tourné du côté de Sassi di Matera, montre la vie de guides clandestins qui improvisent au gré de leur humeur des histoires abracadabrantes pour les touristes qui visitent la ville. Le film, qui s’apparente à une comédie documentaire, interpelle le spectateur sur cette région isolée du monde dans laquelle tout devient sujet à histoires. Il montre comment dans ce lieu l’idée de réaliser un documentaire croise nécessairement le terrain de la fiction. Il s’agit pour les joyeux protagonistes de réinventer un monde en affirmant par exemple que le coté grotesque de Massera est d’être « le lieu où il y a le plus de grottes ».

« Je voulais faire un film sur des personnes qui n’ont pas fait d’études et vivent sans réelles perspectives », expliquait la réalisatrice. Elle travaille avec une équipe de trois femmes qui « n’apportent pas de jugements et sont en empathie avec les personnages ». Le film oscille entre de truculentes séquences où Giovanni, l’un des guides, explique le plus sérieusement du monde : « C’est ici que Saint-François a attrapé la fièvre jaune », et la vie réelle de cette région éloignée.

Surbiles, de Giovanni Columbu, réssussite à l’écran des figures féminines des sorcières qui, dans des temps lointains, faisaient mourir les enfants en Sardaigne. Dans une mise en scène théâtralisée, le réalisateur tente de réveiller ces histoires imaginaires, reconstruites visuellement comme des tableaux. Un travail inachevé selon lui par rapport à la mémoire vivace de ces croyances.

Roberto Minervini

L’attribution du Prix Sergio Léone a permis au public de découvrir ou redécouvrir l’œuvre de Roberto Minervini, cinéaste en poste à Houston et dont l’œuvre ne cesse de chercher la fiction dans le tissu du réel. Le Passage, est un voyage à trois ; une femme dont les jours sont comptés, un marginal sorti de prison et un autostoppeur du Texas construisent une histoire, la leur. Dans la réalité, la femme n’est pas réellement malade, mais leur rencontre au croisement d’un profond désespoir fait naître des possibilités de récits comme cette séquence superbe de baignade qui entre en résonance avec la fragilité de leurs liens.

Le cœur battant montre comment une famille texane d’éleveurs scolarise leurs douze enfants à domicile et les éduque avec les préceptes de la Bible. Mine de rien en soulevant le voile des apparences, Roberto Minervini explore le rôle des sexes et de la religion dans le Sud américain.

On voit aujourd’hui comment le cinéaste construit toute son œuvre en explorant les communautés fermées qui composent l’Amérique. Plus que la recherche sociologique le cinéaste propose une immersion totale dans une extrême complexité où la violence, la religion, la sexualité entrent en résonnance.

 

 

 

 

 

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