A contresens de la dynamique des 10 et 11 janvier

Il n'aura pas fallu plus de trois mois pour que l'obsession sécuritaire ne produise un monstre juridique. Texte de surveillance et de circonstance, le projet de loi sur le renseignement qui doit être soumis au vote de l'Assemblée nationale le 5 mai porte en germe des dangers économiques, sociaux, culturels, intimes...

Nous y sommes. Il n'aura pas fallu plus de trois mois pour que l'obsession sécuritaire ne produise un monstre juridique, le projet de loi sur le renseignement qui doit être soumis au vote de l'Assemblée nationale le 5 mai et contre lequel des rassemblements sont annoncés pour la veille. En Franche-Comté, deux députés, Barbara Romagnan (PS) et Marcel Bonnot (UMP) ont annoncé leur intention de ne pas le voter. Comme Hervé Morin (UDI), Patrick Devedjian (UMP), Noël Mamère (EELV), Nicolas Dupont-Aignan (DLF) ou Alain Boquet (PCF).

Le critiquent également le syndicat de la magistrature (ici) et l'Union syndicale des magistrats (), le syndicat des avocats de France (ici) et le syndicat national des journalistes (ici), la Commission nationale consultative des droits de l'homme (), la CNIL (ici) et beaucoup d'autres... L'opposition au texte fédère les formations du Front de gauche et le défenseur des droits Jacques Toubon, ancien ministre RPR (), Reporters sans frontière, la CGT-Police et l'Ordre des médecins.

L'association Silicon Comté, qui regroupe des entreprises de la filière numérique régionale, a interpellé les parlementaires francs-comtois. Elle a interrogé Jean-Louis Fousseret, qui brigue pour Besançon le label French Tech, en ces termes : « comment est-il possible de mener des politiques économiques et numériques ambitieuses avec des lois qui vont contribuer à rompre le lien de confiance entre utilisateurs finaux et prestataires de services numériques français ? »

Tous disent peu ou prou que ce texte est inutile, attentatoire à l'état de droit, à l'équilibre des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Qu'il va donner des pouvoirs exorbitants et sans contrôle à la police qui va ratisser si large que tout le monde pourra tomber, sans le savoir et pour longtemps, dans ses filets. « Et si un jour le pouvoir était exercé par quelqu'un de malveillant ? », interroge Hervé Morin.

Le 8 janvier, ici même, nous écrivions que le risque, après les attentats de Paris, résidait dans un Patriot act à la française. Nous y sommes. Nous visions le danger d'une omniprésence policière ultravisible. Là, il s'agit d'une omniprésence invisible. Insidieuse. Après la guerre de tous contre tous, la surveillance de chacun. Le monstre n'est pas que juridique, mais politique. Avec ce que cela comporte de dangers économiques, sociaux, culturels, intimes...

Les attaques terroristes avaient débouché sur la plus vaste mobilisation pour le droit de penser et la liberté de dire que le pays ait connu depuis la Libération. S'appuyer sur cette dynamique pour proposer une loi de surveillance est un contresens total. On n'ose imaginer l'usage qu'en feraient des malveillants arrivant au pouvoir...

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !