« Border », à la frontière du fantastique

Une douanière qui repère l'odeur de la honte ou la culpabilité... Un jour, arrive un semblable alors qu'elle se croyait unique... Etrange et dérangeant, le film de Ali Abbasi évoque la différence avec un curieux couple de monstres.

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Prix Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, « Border », film de Ali Abbasi (en salles depuis le 9 janvier), aurait pu avoir sa place dans le prochain Festival du Film Fantastique de Gérardmer (du 30 janvier au 3 février). Cette histoire est d’ailleurs adaptée d’une nouvelle de l’écrivain John Ajvide Lindqvist, auteur de « Laisse-moi entrer » ; ce roman d’amour adolescent et vampirique avait inspiré deux films, « Morse », réalisé par Tomas Alfredson et Grand Prix à Gérardmer 2009, et son remake par Matt Reeves (« Laisse-moi entrer »).

L’héroïne de « Border » travaille à une frontière, douanière de métier, et ce film curieux est aux lisières du fantastique. Cinéaste suédois d’origine iranienne, Ali Abbasi, qui voit dans le cinéma de genre « un permis de bizarrerie », s’autorise un bon lot d’étrangetés. Comme la drôle de tête de Tina, affublée d’un visage difforme et d’une allure peu attirante. Ou bien encore sa « qualité » professionnelle : à la sortie d’un ferry, elle renifle les suspects, repère l’odeur de la honte, la culpabilité, la colère, la peur… Et son flair est infaillible : au nez, elle « sent » un pédophile qui cache des photos dans son portable.

Une fable bizarre sur la découverte de soi

Tina vit au milieu de la forêt, avec un éleveur de chiens dont elle n’a que faire ; quand elle ne travaille pas, elle recherche le contact avec la nature, va marcher pieds nus dans les bois, se baigner dans l’eau froide de la rivière. Un jour à son comptoir, arrive un homme qu’elle ne sent pas, un être qui lui ressemble et la trouble. Ils ont la même tête pas possible, le même physique animal, les mêmes corps poilus, les mêmes cicatrices. Tina se découvre un semblable, alors qu’elle se croyait unique, « spéciale ». Spéciale, elle l’est effectivement, et Vore va lui faire comprendre en quoi.

Eva Melander et Eero Milonoff ont pris vingt kilos, supporté masques, prothèses et maquillage, pour se transformer en ces monstres qui ont quelque chose de bestial, le réalisateur considérant les humains « comme des animaux qui se sont bien développés ». Il y a de la sauvagerie dans ces personnages, dont les gros plans sur les visages laids peuvent susciter la répulsion, le malaise. Puisant dans le réalisme magique, les légendes et mythologies nordiques, Ali Abbasi a tourné un film bizarre et dérangeant, qui est aussi une fable sur la différence et la découverte de soi.

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