« Vous proposez le retour de la chasse à l’homme ! A Besançon, ce discours ne passera pas ! »

Le maire Jean-Louis Fousseret s'est mis en colère froide contre la motion « ma commune sans migrants » proposée par les deux élus FN du conseil municipal. Elle a été rejetée par la majorité de gauche, les deux élus MoDem et une conseillère UDI tandis que le reste de l'opposition de droite quittait la salle...

besancon

Partout ou presque où il a des élus, le FN propose au vote des conseils municipaux une identique motion intitulée « ma commune sans migrants ». Là où il dirige, la motion passe. Elle a aussi fait des émules chez certains élus LR, à commencer par Laurent Wauquier, président du conseil régional Rhône-Alpes-Auvergne qui propose l'aide juridique de ses services aux communes qui tenteraient de contester l'accueil de réfugiés devant les tribunaux administratifs.

Avec deux élus FN, le conseil municipal de Besançon a vécu ce lundi 7 novembre un de ces pénibles moments avec la lecture de ladite motion par Philippe Mougin. Il ne s'est même pas donné la peine de l'adapter à la ville en remplaçant par exemple « les communes signataires » par « Besançon ».

C'est donc en quelque sorte une circulaire du Château qui a été présentée à la fin de la session désertée expressément par neuf des douze élus de l'opposition républicaine : « on vous laisse, on ne veut pas participer aux votes, d'autant qu'il n'y a pas de débat », venait d'annoncer Jacques Grosperrin en faisant allusion aux deux autres motions, proposées celles-là par la majorité municipale PS-PCF-EELV-SC, sur le CETA et la COP 22. Le leader LR se faisait alors moquer par Jean-Louis Fousseret : « courage fuyons ! C'est une désertion, mais finalement ça clarifie les choses... » 

Le fantasme de « l'immigration massive »

Donc, la motion de l'extrême-droite fut lue. Avec cinq motivations et huit articles, elle expose avec aplomb des arguties qu'on ne présente plus mais qu'il faut connaître : l'accueil aurait un tel coût qu'il faudrait « augmenter la fiscalité locale », les « camps de migrants à proximité des cœurs de ville engendre des tensions graves, nuit à l'ordre public, asphyxie l'économie locale... », les « corridors migratoires permettent à des djihadistes de pénétrer [en France] en vue de commettre des attentats », et « l'immigration massive nourrit les revendications communautaristes contraires au principe de laïcité ».

Moyennant quoi, le texte-circulaire affirme que « les communes signataires s'engagent » à « s'opposer au plan d'accueil »,  à ne pas subventionner les associations « dont l'objet social est de promouvoir l'immigration massive et/ou l'accueil des migrants en situation irrégulière », à « s'opposer par tous les moyens légaux à l'installation des centres d'accueil et d'orientation et/ou l'extension d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile ».

Une logique paranoïaque

 

Ce faisant, on saisit bien la logique paranoïaque à l'oeuvre dans cet écrit : quiconque aide les étrangers en détresse serait en réalité un chantre de « l'immigration massive » ou un adepte des « migrants en situation irrégulière » qui ne peuvent être que des « demandeurs d'asile ». Parmi lesquels se cachent forcément des terroristes en puissance. Cette logique paranoïaque est aussi brutale, violente et manipulatrice. Sous couvert de « moyens légaux », il s'agit dans la foulée d'obtenir « l'évacuation des camps sauvages de migrants », mais aussi de « renseigner les administrés [avec une réunion publique] sur l'impact des politiques d'accueil et les raisons objectives qui motivent une opposition à leur accueil ».

Ne cachant ni sa colère si son émotion, Jean-Louis Fousseret dénonça un texte « donnant la nausée, même pas adapté au contexte local de l'accueil de 19 personnes. Votre fond de commerce, c'est la haine, ce texte est une insulte à tous les immigrés ». Ce faisant, il rappela que Sorour Barati-Aymonier, la nouvelle conseillère municipale installée après la démission de Pauline Jeannin, est d'origine iranienne. Il évoqua la mémoire du prêtre André Chays qui fit tant contre la guerre d'Algérie et contre la torture. Il tonna : « vous proposez le retour de la chasse à l'homme ! A Besançon, ce discours ne passera pas ! »

« Au nom de quoi voulez-vous nous interdire d'accueillir des réfugiés alors qu'Alep est sous les bombes, que des opposants sont assassinés ? »

Odile Faivre-Petitjean (MoDem), par ailleurs vice-présidente du conseil départemental où elle est en charge de l'enfance et des mineurs étrangers non accompagnés a témoigné très simplement : « On nous annonce des jeunes Erythréennes, nous allons les prendre en charge ». Christophe Lime, adjoint PCF, par ailleurs élu du personnel CGT à EDF, a dit sa fierté que le comité d'entreprise d'EDF ait proposé 3200 places pour accueillir des migrants dont 33 jeunes Erythréennes, Soudanaises et Somaliennes, la plus jeune ayant 13 ans, à Montgesoye, dans un château propriété de la Caisse centrale d'action sociale d'EDF : « il n'y a eu aucune réaction négative, messieurs du FN, laissez nous rire quand vous faites croire que les mots liberté-égalité-fraternité sont les vôtres ».

L'adjointe Anne Vignot (EELV) a elle aussi laissé parlé son indignation : « Au nom de quoi voulez-vous interdire à la commune d'accueillir des réfugiés alors qu'Alep est sous les bombes, que des opposants sont assassinés ? Votre motion est une honte ». Laurent Croizier (MoDem) a tenu quant à lui à fustiger « l'incohérence du FN qui ose parler du droit des femmes et de défense des animaux : les migrants sont plus dignes que vous. Notre devoir est d'accueillir des gens qui fuient la mort ».

Résultat du vote : 44 contre, 2 pour, 9 refus de vote.

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