Tendance Jura, c'est le nom de la coopérative politique née dans l'esprit de Jean-Philippe Huelin. Prof d'histoire à Lons-le-Saunier, il en est aussi l'adjoint à la culture d'un certain Jacques Pélissard, l'inusable et populaire maire UMP qui entame son cinquième mandat. Étonnant donc quand on sait que Jean-Philippe Huelin a fait ses gammes politiques à l'aune de Jean-Pierre Chevènement et qu'il est proche d'Arnaud Montebourg. Auteur de deux essais, il explique en tout cas qu'il n'a pas changé de convictions, mais que les socialistes du Jura, à commencer par le président du Conseil général Christophe Perny, ont tourné le dos à leurs convictions...
Quelle est votre démarche ?
J'ai rompu avec le PS après les élections législatives de 2012 lorsque j'étais le suppléant d'Arnaud Deborne (candidat MRC qui avait fait 1%). On avait croisé des gens qu'on n'écoutait pas beaucoup. Plus rien ne se passe dans les partis politiques. Tendance Jura, c'est pour mener une réflexion au-delà d'internet, avec l'outil livre, d'où ces brochures. On avait essayé de travailler avec les éditions Aréopages de Lons, mais elles étaient réticentes à financer. Les éditions du Belvédère ont été d'accord...
Quel est votre objectif ?
Avoir une douzaine de brochures : trois sortent aujourd'hui, trois en octobre-novembre, trois au printemps prochain, puis trois autres vers l'automne 2015. L'idée est de peser sur le débat des prochaines élections départementales.
En traitant de grands projets dits inutiles, vous êtes dans la lignée des organisateurs de la réunion organisée notamment avec Claude Buchot fin 2013 à Lons-le-Saunier ?
On était prêt avant. Le projet a même été lancé bien avant que Jacques Pélissard me sollicite pour faire partie de son équipe municipale. Il était d'accord avec moi sur plusieurs choses, notamment le fait que le clivage droite-gauche est biaisé dans le Jura et ressort davantage des querelles d'égo.
Comment vous a-t-il contacté ?
Ça s'est fait par l'intermédiaire de Cyrille Bréro, qui a été journaliste au Progrès et avait lu mes livres, et est membre de son cabinet. Il m'a dit que Jacques Pélissard voulait me parler... Il m'a sondé, m'a proposé de travailler sur la culture, on s'est vu discrètement assez souvent. Selon notre accord qui est municipal, je reste libre et n'adhère à rien...
C'est une forme d'ouverture à gauche de sa part ?
Il ne s'agit pas d'élargir, mais d'aller chercher une personnalité. Je n'étais pas convaincu que les opposants de gauche soient à la hauteur de la tâche...
Cela préfigure-t-il de nouvelles alliances ?
Je ne sais pas... Pour avoir travaillé avec Jean-Pierre Chevènement sur les questions européennes ou la décentralisation, je sais que ces questions traversent la droite et la gauche... Il y a un certain ras-le-bol. C'est bien qu'il y ait des offres politiques dynamiques plutôt que la traditionnelle opposition droite-gauche. Et d'ailleurs : quelle droite, quelle gauche ? Jacques Pélissard est du même parti que Clément Pernot (maire de Champagnole), mais ils ont des positions très différentes sur les grandes surfaces... Tendance Jura n'est pas une démarche partisane, c'est un collectif, une coopérative politique. Il s'agit de créer du débat, voire de la polémique...
Tendance Jura, c'est aussi le nom d'une toute nouvelle collection des éditions du Belvédère, entreprise franco-suisse de droit helvétique créée il y a une dizaine d'années par Emmanuel Vandelle, à la fois à La Chaux-de-Fonds et Pontarlier où il vien de racheter la librairie L'Intranquille. A une cinquantaine de titres annuels correspondants au Grand-Est de la France et à la Suisse, dont de nombreux livres patrimoniaux, historiques, montagnards voire ethnographiques, l'éditeur ajoute avec cette collection à son catalogue trois petits ouvrages de réflexion, un brin pamphlétaires pour deux d'entre eux, sur le département du Jura, avec Jean-Philippe Huelin comme directeur de collection.
A vrai dire, la matière ne manque pas. Consacré à l'aéroport de Tavaux (Dole-Jura), le premier est l'oeuvre d'Alain Pernot, pourfendeur de la gabegie financière du département du temps de Gérard Bailly (UMP) jadis, comme de Christophe Perny (PS) aujourd'hui. « Comble de l'absurde, plus le trafic augmente et plus la collectivité doit injecter de l'argent dans l'infrastructure pour couvrir les charges de fonctionnement de l'exploitant et verser leurs commissions aux compagnies aériennes », écrit-il notamment après avoir calculé que près de 15 millions d'argent public ont été engloutis dans une histoire qui ne sert que les intérêts de la compagnie Raynair.
Le second, intitulé Grandes Surfaces, la folie des hyper gagne, le Jura y perd !, traite de l'inflation des hypermarchés à Champagnole et du projet d'Eco parc de Montmorrot. Stéphane Leng, conseiller municipal d'opposition à Champagnole et président-cofondateur du collectif Citoyens résistants, s'interroge notamment sur le besoin qu'a la Perle du Jura de se doter de trois hypermarchés au lieu de six supermarchés, passant de 8460 m2 de grandes surfaces à 18646 m2 en quelques années. Puis Jean-Philippe Huelin soi-même ironise sur l'habillage vert du projet d'Eco parc de la zone du Rocher porté par Christophe Perny en bordure de la déviation de Lons-le-Saunier. Reste que l'auteur a dû terminer son texte avant les municipales qui semblent sceller le sort de l'Ecoparc. Il n'indique pas que le projet a manifestement du plomb dans l'aile après la réélection de Jacques Pélissard à Lons, défavorable au projet, et l'élection d'André Barbarin à Montmorrot, proche des écologistes et lui aussi perplexe.
Enfin, on ne présente plus Michel Vernus, l'auteur du troisième opuscule, Coopératives, un capitalisme jurassien, participatif et solidaire. Historien, spécialiste de la coopération, de l'histoire du comté, il est l'auteur de plusieurs dizaines de livres et plusieurs centaines d'articles. Son petit livre est un résumé fort synthétique de ce qu'il faut savoir de l'idée coopérative, des communautés villageoises aux confréries et aux communaux, en passant par l'affouage et les fruitières, mais aussi par les innovateurs sociaux, les mutuelles, la première caisse de crédit agricole à Salins-les-Bains en 1885, la Fraternelle de Saint-Claude...
Chaque livre fait une cinquantaine de pages et coûte 6 euros. En librairies dans le Jura.
Présentation et dédicaces des auteurs samedi 21 juin à 15 h à la Nouvelle Libraire polinoise de... Poligny, 73 Grande rue.
