Un spectre hante la droite

Un spectre hante la droite : celui d'un FN arbitre du troisième tour dans plusieurs départements. En 1998, après des élections régionales globalement gagnées, la victoire de la droite avait été gâchée, et parfois rendue possible, par le soutien des élus FN.

Un spectre hante la droite : celui d'un FN arbitre du troisième tour dans plusieurs départements. En 1998, après des élections régionales globalement gagnées, la victoire de la droite avait été gâchée, et parfois rendue possible, par le soutien des élus FN. En Franche-Comté, droite et gauche s'étaient retrouvées à égalité avec 17 sièges chacune. Les 9 élus d'extrême droite avaient voté pour Jean-François Humbert (UDF) qui avait immédiatement démissionné afin de ne pas être l'otage d'un parti qu'il détestait. Il s'y était d'ailleurs engagé avant le scrutin avec une grande clarté et cela lui avait valu un concert de félicitations venant de bien au-delà de la région.

Gauche et droite étaient sorties de l'impasse politique en co-gérant la région d'une manière assez originale. La gauche n'avait d'abord pas présenté de candidat à la présidence et s'était abstenue, Jean-François Humbert avait été élu avec les voix de son camp tandis que le FN votait contre. Ensuite, une commission mixte de 12 membres, 6 de chaque côté, examinait les dossiers avant leur passage en séance. Ce compromis permanent, épuisant aux dires de ceux qui l'ont vécu, a permis à l'institution de fonctionner sans que ne pèse la menace frontiste.

En apportant son soutien à deux candidats socialistes aux départementales du Doubs, le sénateur Jean-François Longeot (UDI) rappelle à son camp qu'il aurait tout à perdre à oublier d'aborder publiquement et franchement la question du rapport au FN. Il pose des questions politiques en réclamant qu'on s'intéresse au monde rural. Il pose aussi la question des alliances dans l'hypothèse où surviendrait une répétition du précédent régional de 1998.

Reste qu'il l'a fait comme au billard, en jouant un coup à plusieurs bandes. Le premier consiste à soutenir le seul dissident lancé dans une primaire à droite, Patrick Ronot. Le second à carrément soutenir à titre personnel et amical les socialistes Vincent Fuster et Yves-Michel Dahoui face à Françoise Branget et Michel Vienet pour le premier, Catherine Cuinet et Ludovic Fagaut pour le second. Dans les deux cas, le sénateur-maire d'Ornans flingue : d'abord une ancienne députée et le secrétaire départemental de l'UMP, en second lieu un jeune loup de l'UMP.

Le troisième coup consiste à expliquer qu'il faut tirer les leçons de la montée du FN et faire enfin de la politique. A la gauche du PS, on voit évidemment le danger de ce qui peut aussi s'apparenter à un rapprochement du PS et du centre, voire de la droite modérée. Ainsi, le conseiller régional Eric Durand (EELV) se demande « ce qu'il a en échange » de ce soutien spectaculaire. Mais Longeot a déjà répondu, finement, qu'à 58 ans il n'attend plus rien, soulignant que Vincent Fuster et Yves-Michel Dahoui ne sont pas de son bord, mais qu'ils sont compétents et que la compétence peut être plus forte que l'orientation politique...

Les communistes voient dans la position du sénateur UDI matière à suggérer que si l'on veut vraiment voter à gauche, c'est plus sûr de ne pas voter PS puisqu'il est soutenu par un homme de droite...

Dans l'appareil politique de l'UMP, on est consterné. On réalise que la reconquête du département n'est pas la formalité annoncée, mais on se garde bien de trop parler du sujet. Cela signifie qu'on y a acté la porosité, partielle, entre les électorats UMP et FN. Et on se garde certainement un bouc émissaire commode : en cas de défaite, le coupable tout désigné sera Jean-François Longeot.

N'empêche, à considérer les débats débouchant sur des compromis comme des arrangements, les conflits et les désaccords inhérents à tous les collectifs comme des polémiques stériles, la délibération comme du temps perdu, on risque de passer à côté de la complexité qui est l'une des dimensions de la démocratie. C'est aussi refuser cela qui fait le jeu du FN.

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